Le Gaucher boiteux

De
Michel Serres
Editions Le Pommier
Notre recommandation
2/5

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Lu
par Culture-Tops

Thème

Michel Serres nous livre un Grand Récit de l’Univers qui propose une vision du Monde dans sa totalité. Pour peindre sa fresque fabuleuse, il utilise aussi bien l’histoire des sciences que la philosophie ou la sociologie et ses personnages principaux sont imaginaires ou mythologiques : Hermès, le Gaucher boiteux ou Petite Poucette (qui écrit des textos avec le pouce) … Sur le fond, rien de très nouveau. Quelques exemples : - Penser c’est recevoir, émettre, stocker et traiter de l’information. - L’information est partout dans les choses et dans les vivants, elle permet de comprendre pourquoi quelque chose existe ou va naître. Mais attention aux répétitions qui n’apportent rien. Il faut plonger pour voir le dessous. - Nous sommes le résultat de notre éducation mais aussi d’une très longue évolution. Nous portons en nous le temps du monde, nous sommes tous issus du Big Bang. L’espace-temps de la pensée rejoint l’Univers du Grand Récit. - Après le monde froid de la mécanique, celui du feu et de la thermodynamique, nous voici confrontés à la puissance de l’information. Le monde ne cesse de se transformer et le « doux » (Information) nous importe dorénavant plus que le «dur » (Matière), car la révolution industrielle est finie. - Pour inventer, il faut s’extraire et bifurquer, circuler dans un champ de réseaux et d’interactions. Le virtuel ouvre à toutes les métamorphoses. D’où la force de la littérature. - L’invention technique nous modifie (Cf Bernard Stiegler). L’ordinateur, le numérique, les réseaux transforment notre monde et ce n’est qu’un début. - Notre sort est lié à celui de la Terre qui dépend de nous, entre hasard et nécessité, invention et tradition, passé et présent, possible et impossible. Nous vivons, nous pouvons, donc nous pensons.

Points forts

Michel Serres a le talent d’un conteur avec son bel accent du sud-ouest. Son Grand Récit est peuplé de personnages divers et variés qui nous surprennent et nous obligent à élargir notre champ de réflexion habituelle. Les pages 102-105, où il se décrit comme étant à la fois tente et cathédrale, sont très belles.

Quelques réserves

Au lieu de rester dans ce champ poétique et allégorique, Michel Serres veut convaincre. C’est là où le bât blesse. On se voit alors asséner avec peu d’humour et beaucoup d’assurance un mélange de pseudo-vérités sous forme d’affirmations discutables, de prévisions incertaines. Le propos est souvent difficile à suivre, fait de rapprochements avec les mathématiques, de personnages mythologiques, de philosophie antique, de sociologie, d’expériences personnelles,… Par exemple : - « L’intelligence reste bête et lourde sans corps ailé ». - « L’algèbre raisonne par équipotence transfinie »!! - La pensée analytique, en voie d’extinction, est synonyme de division ce qui aboutit à la guerre !! - « J’aime les ruptures de symétrie…, J’aime les confluents… Né gaucher de la tête aux pieds… » - « Nous lisons deux sortes d’écrivains. Les uns choisissent un sujet.., amassent une documentation épaisse, dessinent un plan… Cela produit des thèses emmerdantes…Les autres, entraînés par le feu passionnel, sont adeptes de la sérendipité ». - « Nul ne prévoit l’invention, ni ne la prépare » (Et le bozon de Higgs !!) - Les Petites Poucettes tiennent en main le monde, toutes membres d’une foule conviviale, la démocratie est en vue. Pour conclure : « Avons-nous encore besoin d’un gouvernement ? » - La distribution tue la concentration. Nous sommes en train de passer de la vérité du soleil, synonyme d’unicité du vrai, à la clarté de la nuit foisonnante de milliards de constellations où réel et représentation se confondent, où les mathématiques énoncent la parole du monde.

Encore un mot...

Quelques belles pages noyées dans un propos qui prévoit l’avenir en rose. On voudrait y croire...

L'auteur

Michel Serres, né le 1er septembre 1930 à Agen, entre à l’École navale en 1949 (à Brest), puis à l’École normale supérieure de la rue d'Ulm en 1952 (à Paris), où il obtient l’agrégation de philosophie en 1955. De 1956 à 1958, il sert dans la Marine française, et participe à l’expédition de Suez. En 1968, il obtient un doctorat ès lettres. Il fréquente Michel Foucault à Clermont-Ferrand. Il participe brièvement à l’expérience de Vincennes, puis part pour enseigner aux États-Unis, avec l’appui de René Girard. À partir de 1969, il est professeur d’histoire des sciences à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne; il enseigne également l’université Stanford depuis 1984. Élu à l’Académie française en 1990, Michel Serres est commandeur de l'ordre national du Mérite, grand officier de la Légion d'honneur.

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Michel Serres, victime trop optimiste de son savoir et de son talent.

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