L’AMERIQUE N’EXISTE PAS

La candeur du regard, le vertige du langage
D’après Histoires enfantines, de Peter BICHSEL (Gallimard 1971)
Mise en scène
Dominique Lurcel
Avec
Guillaume van’t Hoff
Notre recommandation
3/5

Infos & réservation

L’Essaïon Théâtre
6, rue Pierre-au-lard
75004
Paris
01 42 78 46 42
Jusqu'au 16 novembre, le lundi à 19 heures

Thème

C’est l’histoire d’un homme qui connaissait par coeur l’indicateur des horaires de train et ne comprenait pas l’intérêt de prendre le train pour faire l’expérience du temps, ni de monter dedans le matin pour monter dedans le soir en sens inverse… C’est l’histoire d’un homme qui savait bien que la Terre est ronde mais qui n’y croyait pas… C’est l’histoire d’un homme qui inventait des inventions qui existaient déjà… C’est l’histoire d’un homme qui rebaptisait toutes les choses parce qu’il voulait tout oublier… C’est l’histoire de l’oncle Yodok qui n’existait que dans la tête du grand-père.

Cinq Histoires, cinq fantaisies dites par un comédien seul sur scène.

Points forts

C’est l’occasion de découvrir une voix originale et plutôt confidentielle. Peter Bichsel, aujourd’hui 86 ans, est un journaliste et écrivain suisse de langue allemande qui fut d’abord instituteur –  ce qui explique peut-être l’inspiration et l’écriture de ces Histoires enfantines, pas si enfantines que cela – et le resta jusqu’en 1968. Il se consacra alors à des chroniques pour la presse qui ont fait de lui un mythe vivant dans son pays. A l’écoute chaleureuse des conversations de cafés qu’il fréquente assidûment, il compose, improvise et dit à haute voix ces mêmes chroniques devant les clients, qui s’y reconnaissent. En plus de ces chroniques éditées dans le monde entier, il a publié deux autres textes chez Gallimard, Le Laitier et Les Saisons.

Dans une jolie langue simple et limpide, ces histoires s’amusent tendrement avec l’impossibilité de la logique poussée à l’extrême, et avec le vertige de l’absurdité. Chacune fabrique une spirale de dinguerie qui happe et le personnage et le spectateur dans des listes, des raisonnements, des projets, des mondes défiant la raison et les vérités apprises. Jamais de grincements de dents ni d’ironie – car le rêveur est toujours un « doux » rêveur, toujours rappelé in fine à l’ordre de la réalité, et on est triste et déçu avec lui. Il y a quelque chose du Petit Prince dans ces personnages bousculés dans leur idéalisme, leur pureté et leurs questionnements sur le quotidien des hommes.

Guillaume van’t Hoff  a toute l’expressivité qui convient pour incarner sur scène ces personnages lunaires. Il prend à bras le corps mais en délicatesse un texte apparemment simple qui exige en fait beaucoup de mémoire, de souplesse d’esprit et requiert une grande sensibilité. Jusque-là tout va bien...

Quelques réserves

Le même comédien bute plusieurs fois sur le texte, certes vertigineux… et nous rappelle, nous aussi, à la réalité.

Encore un mot...

Un joli moment de poésie.

Une phrase

« Je sais, dit l’homme, que si je marche droit devant moi, je me retrouverai devant cette table. Je le sais, mais je n’y crois pas. Il faut que je fasse l’expérience. J’irai droit devant moi ! » s’écria l’homme qui n’avait rien à faire, car après tout, lorsqu’on n’a rien à faire, on peut tout aussi bien aller droit devant soi.

L'auteur

Autrefois enseignant, Dominique Lurcel a toujours été passionné de théâtre. Il a rencontré son acteur, Guillaume van’t Hoff, dans les années 90 et travaille régulièrement avec lui (des nouvelles de Marcel Aymé, L’exception et la règle de Brecht, un montage de textes joués dans Folies Coloniales…). De son côté, Guillaume van’t Hoff a notamment interprété Lucky dans En attendant Godot au Festival d’Avignon en 2018, qu’il s’apprête à incarner de nouveau à l’Essaïon.

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