Wozzeck

Un hymne amer et percutant à la dignité des pauvres gens
De
Alban Berg
Mise en scène
Christoph Marthaler
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Opéra de Paris/Bastille
Place de la Bastille
75011
Paris
0892899090
ATTENTION: dernière, le 15 mai

Thème

Adapté  d’une œuvre fragmentaire et inachevée de Georg Büchner, Wozzeck est un drame inspiré d’un fait divers tragique survenu à Leipzig en 1821 : parce qu’ il ne supporte plus de se croire trompé, Johan Christian Woyzeck, un ancien barbier devenu soldat, assassine sa maîtresse en pleine rue. Bien qu’étant d’une grande fragilité mentale, il est condamné à mort à l’issue d’un procès qui va durer trois ans.

Le Wozzeck d’Alban Berg, c’est le récit de ce drame, mais c’est surtout, à travers ce récit, la dénonciation d’une société qui maltraite, avec une cruauté sans pitié, les hommes démunis, dans toutes les acceptions du terme.

Points forts

- Et d’abord, quel livret ! Ecrit avec autant de rage envers les cyniques et les puissants que de compassion pour les humbles, privés de toute possibilité de se défendre, ce livret se reçoit comme un coup de poing. Wozzeck est sans aucun doute l’opéra le plus ouvertement dénonciateur de la méchanceté et des injustices du monde. Son aspect social en a fait l’une des œuvres les plus représentatives de l’Expressionnisme.

- Mélangeant atonalité et musique tonale, enrichie d’influences diverses, dont celle du romantisme, la partition est d’une modernité, d’une virtuosité et d’une richesse sidérantes. Chaque scène (quinze, en trois actes sans entracte) a sa propre forme et sa propre instrumentation. Toutes d’un lyrisme fou, elles ne masquent pourtant jamais le drame, sont au contraire à son service.

Dans la fosse, le chef   Michaël Schonwandt fait des prouesses. Avec une souplesse et une précision incroyables, il donne à entendre toutes les beautés, les raffinements et les inventions de la partition. Aux saluts, ce directeur musical d’origine danoise, qui est l’actuel chef  de l’Opéra de Montpellier reçoit une ovation méritée.

- Les interprètes soulèvent également l’enthousiasme, à commencer par Johannes Martin Kränzle. Pour ses débuts à  l’Opéra de Paris, le baryton allemand campe un époustouflant Wozzeck . Abordant ce rôle pour la première fois de sa carrière, il le marque de manière déchirante, à la fois soumis au sadisme des supérieurs et collègues et en même temps habité par cette passion dévorante pour Marie, la mère de son enfant, qui le conduira à la tuer. 

Autour de ce chanteur, qui, en 2011, avait été élu « Chanteur de l’année », la distribution est elle aussi mémorable. Voix puissante et ferme, gestuelle tout en sobriété, la soprano allemande Gun-Brit Barkin est notamment une Marie exemplaire. Mais tous les autres rôles seraient à citer.

Quelques réserves

Osons l’avouer, envers et contre beaucoup, la mise en scène du vénéré Christoph Marthaler, déjà présentée sur cette même scène en 2008, peut décevoir.

Le dramaturge suisse a choisi de faire jouer toute l’œuvre dans un décor, non seulement unique, mais qui, à aucun moment, ne permet d’ « approcher » intimement les chanteurs. Jamais isolés, même par un simple jeu de lumière, ces derniers sont comme physiquement perdus dans ce décor, une sorte d’immense salle de restaurant aux  murs  de plastique transparent, bourrée de tables et de chaises, éclairée, souvent trop violemment, par des lampions de papier qui aimantent le regard, au détriment de ce qui se passe sur la scène. Ce « plan large », imposé au spectateur, et qui ne permet aucun « zoom » sur les chanteurs, prive l’œuvre d’une grande partie de l’émotion qu’elle devrait dégager. On est dans l’impossibilité d’une identification avec les personnages. 

C’est vraiment dommage surtout pour cet opéra là, écrit pour bouleverser.

Encore un mot...

Parce qu’il compte parmi les drames musicaux les plus puissants et décisifs du XXème siècle, parce qu’il exprime une compassion pour l’humanité souffrante sans équivalent dans le répertoire lyrique et parce que, sur le plan  de sa construction, sa partition laisse pantois, on ne se lasse jamais de Wozzeck.

On remerciera donc l’Opéra de Paris de l’avoir remis à l’affiche. Avec ce chef là, et cette distribution là.

Une phrase

« Nous autres, pauvres gens !

Voyez-vous mon capitaine, l’argent, l’argent !

Mais celui qui n’a pas d’argent ! Qu’il essaie donc de mettre au monde son enfant de façon morale ! »  (Wozzeck, acte 1, scène 1).

L'auteur

Avec Schönberg et Webern, Alban Berg est l’un des trois représentants les plus emblématiques de la nouvelle école viennoise, dont le langage expressionniste a inspiré une grande partie de la musique du XXème siècle.

Né le 9 février 1885 à Vienne dans une famille catholique,  Alban Berg est un enfant prodige en matière musicale. Dès l’âge de quinze ans, il compose des lieder et des duos. En 1904, Arnold Schönberg le prend sous son aile et assure sa formation jusqu’en 1910. Enrôlé en 1915, le jeune compositeur doit cesser toute activité artistique pendant deux ans. Elève à l’école des officiers de réserve, il devient le souffre douleur de ses compagnons d’armes.

C’est sans aucun doute cette expérience douloureuse  qui le pousse à écrire son Wozzeck, qui sera créé, trois ans plus tard, à Berlin, en 1925. 

Le succès est tel que le musicien acquiert une réputation mondiale qui va lui permettre de se consacrer exclusivement à la composition. Il écrit alors encore de nombreuses œuvres, dont, en hommage à Schönberg, le Concerto de chambre, puis s’attelle à un autre opéra : Lulu. Mais il n’aura pas le temps de le finir. Une piqure d’insecte lui ayant provoqué une septicémie, il meurt, dans sa ville natale, le 24 décembre 1935.

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