Grindadrap

Un thriller écologique et sanglant aux îles Féroé. Chasse à la baleine et…à l’homme ?
De
Monique Caryl Férey
Série Noire Gallimard
Parution le 3 avril 2025
380 pages
20 euros
Notre recommandation
3/5

Infos & réservation

Thème

Au milieu des cadavres d'une chasse rituelle à la baleine, flotte le corps mutilé du vieux chef du Grindadrap, couvert d'étranges plaies. Et que font sur l'île ces deux militants écologistes de Sea Shepherd, l'ennemi juré? Se sont-ils vraiment échoués, jetés là par la tempête? C'est une course contre la montre qui s'engage pour Soren Barentsen, capitaine de police, s'il veut éviter que la violence des éléments ne contamine les hommes.

Malgré des lois internationales qui établissent tant bien que mal des règles pour limiter la pêche et la liste des espèces protégées, telles les baleines, des chalutiers géants continuent à labourer le fond des océans, à détruire de fragiles écosystèmes au profit d'intérêts financiers considérables.

Face à ce désastre écologique, des associations se sont constituées comme le Sea Shepherd, non seulement pour informer et alerter mais aussi pour limiter à leur échelle ce pillage systématique des ressources naturelles. 

C'est ainsi que, venus de toute l'Europe, les membres de l'équipage du Mogwai, dirigés par le capitaine Ayleen Flaherty, quittent le Havre pour une nouvelle mission: poursuivre l'un de ces géants des mers pour en arrêter la course meurtrière. Mais au moment où ils croisent la route du Skeid, navigant sous pavillon norvégien, un ouragan se déchaîne et le Mogwai vient se fracasser sur une île de l'archipel des Féroé, déjà dévastée par l'exceptionnelle violence des éléments.

Or, à Tjornuvik, un autre drame s'est produit. Grâce à des vents d'abord favorables, les habitants de l'île viennent de se livrer au Grindadrap, cette pêche rituelle dont la valeur symbolique renvoie aux conditions même de leur survie puisque le poisson était à l'origine leur seule nourriture. Cette fois cependant, on assiste à un véritable carnage, la mer est rouge de sang, des milliers de dauphins suppliciés s'écrasent sur la côte. Au milieu des cadavres flotte le corps de l'organisateur du Grindadrap, couvert de blessures dont nul ne peut identifier l'origine. Comment cet homme ombrageux, respecté de la communauté, est-il mort? Si la thèse de l'accident semble prévaloir, un meurtre ne doit pas être écarté même si les motivations d'un tel acte paraissent a priori défier la raison.

Recueillis par Erica Novak, journaliste au quotidien local, les rescapés du Mogwai assistent le capitaine de police Soren Batensen. L'enquête est d'autant plus difficile qu'elle menace l'équilibre apparent d'une société fermée, minée par les secrets et les conflits d'intérêts les plus sordides. 

Points forts

  • Caryl Férey, fort justement surnommé «l'écrivain baroudeur», explore dans chacun de ses romans de nouvelles terres, des horizons lointains dont il fait le cadre d'intrigues singulières, inspirées par l'histoire et l'atmosphère des lieux mais aussi des passions universelles qui transcendent le temps et l'espace. Ce sympathique cosmopolitisme lui offre aussi l'occasion de défendre des causes, de dénoncer la misère, l'injustice, la discrimination, le mal en un mot, quelles qu'en soient les formes. Dans son précédent livre, il s'attachait aux mécanismes pervers d'un féminicide, cette fois, il aborde les enjeux écologiques de la destruction des fonds marins.

  • Férey sait à l'évidence de quoi il parle, son propos est scrupuleusement documenté comme toujours et on a plaisir à recevoir autant d'informations à la faveur de cette nouvelle intrigue policière. Le comportement des cétacés, le dégoût des requins pour la chair humaine, la société féroïenne et les pratiques scélérates de la pêche industrielle, n'auront presque plus de secrets pour vous, lorsque vous aurez lu ce livre. Les paysages austères et magnifiques des îles Féroé sont décrits avec justesse, les mœurs et les institutions des îliens évoqués avec cette précision qui est un peu la marque de fabrique de Férey.

  • Les personnages principaux du roman sont fortement caractérisés par leurs failles, les tourments, voire les traumatismes qui les hantent. Chacun marche au bord d'un gouffre dont on se demande quand il va l' aspirer.

Quelques réserves

  • Malheureusement, l'auteur a cette fois du mal à équilibrer informations et récit, l'importance de la cause qu'il défend et l'intrigue qui s'en trouve affaiblie au point que Férey se disperse et la perd souvent de vue. Il semble d'ailleurs bien s'égarer lorsque Gab, le plongeur du Mogwai, entre en communication avec l'un de ces monstres marins qu'il vénère dans des expériences de type chamanique.

  • Comme toujours chez Férey, la violence est omniprésente dans le récit ce qui se traduit par un style foisonnant, lyrique voire hyperbolique qui peut lasser, avec notamment l'usage de métaphores parfois très risquées.

Encore un mot...

Roman policier, militant, très bien documenté, nourri d'ethnologie, d'une dose de mysticisme hélas un peu indigeste, Grindadrap souffre à l'évidence de la confusion des genres qui nuit à la construction d'une intrigue dont on peine à trouver la cohérence et la vraisemblance. Le dernier livre de Férey est donc quelque peu décevant pour qui connaît son travail exigeant, salutaire et plein de fougue.

Une phrase

« Je repense au récit de Soren, à l'homme capuchonné. Rien ne m'invite à rebrousser chemin. Au contraire, c'est l'invite de la colline boisée pour le loup, le courant ascendant pour l'aigle, l'appel du large pour la tortue qui m'emporte sur le sentier glissant. La violence du vent me cloue parfois sur place tandis que je progresse vers les sommets. Un vacarme assourdissant dans cette météo détraquée, avec la mer furieuse qui moutonne sur les terres noires soûlées de pluie. » p.185

L'auteur

Né en 1967 en Normandie, Caryl Férey a beaucoup voyagé. Il se lance dans un tour du monde à 20 ans, traverse l'Europe en moto, travaille même pour Le guide du routard avant de se lancer avec succès dans la carrière d'écrivain de romans policiers. Il a en effet obtenu les prix les plus prestigieux depuis son premier polar, Delicta mortalia: péché mortel,publié en 1994. Comme l'indiquent clairement les titres de la plupart de ses ouvrages : HakaZuluCondor, UtuSangoma...il invite son lecteur, à chacune de ses créations, à visiter des pays lointains comme par exemple la Colombie, l'Argentine ou l'Afrique du sud...Il en explore les structures les plus secrètes, les arcanes les plus sombres, jusqu'à les rendre familiers, à travers des intrigues d'autant plus prenantes qu'elles sont étayées sur une connaissance remarquable des pays évoqués. Il est aussi l'auteur de polars moins exotiques, de romans destinés à la jeunesse et scénariste de bandes dessinées.

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