Toutes les vies
Texte lu par Rebeka Warrior
Durée 4 h 15
20,95 Euros en téléchargement
(Edition brochée, première parution le 20 août 2025 chez Stock 288 pages)
Infos & réservation
Thème
La narratrice veille Pauline, sa compagne emportée par un cancer fulgurant, et tente, après la fin, de ramasser les morceaux de son âme éparpillés. Commence alors une traversée intérieure, où le chagrin ouvre les portes d’une quête plus vaste : celle du sens, de l’identité, du sacré.
Points forts
- L’émotion sans filtre : elle surgit à vif, sans fard, sans compromis. On perçoit la volonté farouche de la primo-romancière de tout dire, tout montrer, quitte à déranger ou à heurter. Rien n’est évité : ni la douleur nue, ni la rage sourde, ni la lassitude, ni ce vertige qu’on ressent quand tout s’effondre. Ce qui domine, c’est cette honnêteté brutale, presque physique, qui donne au texte une force de frappe rare : celle d’une blessure qui n’a pas été polie pour convenir, mais qui palpite encore, cru, sous les mots.
- La figure de l’aidante : loin du cliché de l’héroïne silencieuse que l’on glorifie après coup, l’autrice met en lumière la présence d’une femme qui soutient, qui ploie, qui aime jusqu’à l’usure. Le texte restitue avec justesse l’ambivalence de ce rôle : la force qu’il exige, la solitude qu’il impose, l’effacement qu’il suppose. En racontant ce quotidien fait de soins, de terreurs muettes et de gestes répétés, Warrior redonne visibilité et dignité à celles qui accompagnent - souvent dans l’ombre - sans jamais cesser d’aimer.
Quelques réserves
- Le texte avance par à-coups : poésie, autofiction, journal intime, listes à la manière de Prévert. En refusant le confort d’un récit linéaire, Rebeka Warrior épouse la forme même de la rupture intérieure. L’écriture devient alors le miroir fidèle du chaos psychique : heurtée, instable, parfois bancale - comme la vie après l’Autre. Ce collage de formes, souvent audacieux, peut cependant laisser le lecteur perdre pied dans ce dédale littéraire.
- La rupture de la ligne narrative par l’intrusion de citations : Sartre, Rousseau, Beauvoir ou d’autres apparaissent soudain dans la voix de la narratrice, sans que rien ne les distingue du discours intime. On croit encore entendre Warrior, et c’est déjà un autre qui parle. Ce procédé - volontaire ou non - désoriente, mais il participe aussi à l’hybridité du texte : un kaléidoscope d’influences, de pensées, d’échos mêlés, comme si l’autrice cherchait à dire l’inexprimable avec toutes les voix possibles, même empruntées.
Encore un mot...
Je comprends cette démarche, ce besoin impérieux d’écrire pour ne pas sombrer, pour fixer ce qui fuit, pour survivre à l’absence. Il y a là, sans doute, un geste de consolation, de réparation, voire de résistance. Mais une question demeure : qu’en est-il du lecteur ? Est-il embarqué dans cette traversée ou simplement témoin d’un exutoire intime ? Le texte court parfois le risque de tourner en boucle sur sa propre cicatrice, écartant l’auditeur, comme l’excluant de cette souffrance.
Une phrase
“ Une nuit, dans notre bicoque sur la plage, j’ai fait un drôle de cauchemar. La mort contournait la moustiquaire et tentait perfidement de s’introduire dans notre lit.”
L'auteur
Rebeka Warrior est le nom de scène de la chanteuse Julia Lanoë, née à Saint-Nazaire. Elle est connue pour son engagement queer, féministe et anticapitaliste, mais aussi pour sa pratique artistique intensive, essentiellement musicale. Toutes les vies est sa première incursion en littérature, mais on y retrouve l’esprit punk, la radicalité et la sincérité de sa voix.
La lectrice :
La voix douce de l’écrivaine contraste avec l’âpreté du sujet. Il y a dans cette lecture une forme de pudeur vibrante, un refus du pathos, qui laisse toute sa place au texte, et permet au lecteur de recevoir la douleur sans jamais verser dans le spectaculaire.
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