Les diables bleus

L’Italie a quelque chose en elle de Tennessee
De
Christopher Castellani
Traduction : Caroline Nicolas
Editions du Cherche-Midi,
489 pages,
23 €
Notre recommandation
3/5

Infos & réservation

Thème

Trois personnages sont au centre de cette histoire. Tennessee Williams, le célèbre dramaturge, Franck Merlo son secrétaire et amant et Anja Blomgren, une jeune actrice en devenir que les deux premiers rencontrent par hasard en Italie en 1953. Plusieurs histoires vont se développer en parallèle, à diverses époques : entre Williams et Merlo pendant les 10 années avant que le second ne meure d’un cancer, entre Merlo et Anja Blomgren, qu’il n’aura de cesse de protéger avant qu’elle ne finisse par s’imposer en tant qu’actrice et entre Williams et Anja Blomgren, unique détentrice d’une pièce inédite du premier, consacrée à sa relation avec Franck Merlo.

De l’Italie aux US, des années 50 à nos jours, l’amour, l’amitié, l’ambition unissent ou séparent ceux qui s’aiment …

Points forts

* L’évocation de l’Italie des années 50, paradis des artistes américains qui viennent y vivre la partie la plus chaude de l’année, est magnifiquement maîtrisée. A Portofino lors d’une « party » donnée par Truman Capote, la rencontre de Tennessee Williams et Franck Merlo avec Anja Blomgren, affublé d’une mère possessive et envahissante évoque les grands films hollywoodiens quand les personnages avaient un sens du tragique extraordinairement romanesque. L’histoire se poursuit à Rome sur les plateaux de Luchino Visconti et dans l’ombre d’Anna Magnani : ce sont les grandes œuvres italiennes que l’on retrouve, et des destins qui se jouaient en une nuit à pile ou face.

* Le personnage central, Franck Merlo, apporte une lucidité et une humanité qui en font le personnage le plus attachant du livre. Il est le pivot autour duquel tournent l’histoire et les autres personnages. Tour à tour marine, camionneur, secrétaire particulier et enfin acteur, hétéro puis homosexuel, il fait le lien entre le monde réel et le celui du show-business.

* Sa relation avec « Ten » nous émeut : son amour, sa compréhension et sa dévotion à la personne et à l’auteur construisent une trajectoire de vie. C’est autour de lui que l’auteur a construit le projet de son roman.

* La partie « italienne » et toute la partie de l’histoire aurait suffi à composer un roman de 300 pages, plus courts mais plus nerveux, centré sur une époque, les années 50, et un nombre plus restreint de personnages. L’intrigue aurait été resserrée et plus enlevée.

Quelques réserves

* En voulant ajouter à son intrigue de nouvelles trajectoires, il ouvre des portes qui se révèlent des impasses narratives car on ne retrouve ni un intérêt pour cette autre histoire, ni la légèreté de la partie « italienne ».

* Ecrire une pièce inédite de Tennessee Williams, donnée pour ratée, même si elle est censée éclairer la relation entre l’auteur et Franck Merlo, n’est pas l’idée du siècle. C’est audacieux mais … pas franchement une réussite.

* Toute la partie actuelle, autour d’une Anja Blomgren, vieillie et retirée du monde, n’apporte rien à l’histoire, bien au contraire. Elle affaiblit le récit. Est-ce parce qu’elle ne met en scène que des personnages fictifs que l’auteur n’a pas su leur donner le pouvoir de nous séduire et nous passionner ?

Encore un mot...

Les diables bleus sont les barbituriques dont Tennessee Williams abusait afin de « tenir le coup ». Ils nous ouvrent les portes d’un passé révolu mais magique où tous les personnages semblent jouer leur destin sur un coup de dé, avec élégance et perfidie.

Une phrase

« Le plaisir est meilleur quand on en avale d’un seul coup une grosse quantité patiemment amassée que lorsqu’il est divisé en portions raisonnables, comme des parts de gâteau. Non seulement la faim entre deux festins est supportable, mais elle fournit aussi une compagnie parfaitement agréable, tout comme le serait la rage si elle était de nature rageuse ». (page 81)

L'auteur

Christopher Castellani est un écrivain américain, fils d’immigrés italiens.

Il est le directeur artistique de Grub Street, premier centre indépendant de « creative writing » américain, et enseignant à la Bread Loaf Writers.

Il a déjà publié quatre romans salués par la critique, ainsi que des essais et anthologies. Les diables bleus est son premier roman publié en France.

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