Les enténébrés

Aussi vrai que sincère, aussi puissant que noir.
De
Sarah Chiche
Editions du Seuil
Recommandation

Voilà une écrivaine qui ne prend pas de gants avec la noirceur du monde. Au point qu'on peut en avoir la nausée. Mais quelle force, quel impact sur le lecteur !

Notre recommandation
5/5

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Thème

Alors que sa vie conjugale est bouleversée par l’arrivée d’un amant, une psychanalyste laisse resurgir son histoire familiale. Je n’ai pas envie d’en dire plus, tant l’histoire telle que proposée,  parait secondaire. Je résumerais en disant : c’est la traversée d’un paysage de ruines et d’éclats.

Points forts

- Le  roman de Sarah Chiche est un livre immense, vertigineux par ce qu’il englobe, par sa structure narrative complexe mais maîtrisée à la perfection, par sa noirceur mais aussi sa puissance inouïe.

- Le roman joue aussi volontiers de différentes stratégies et densité d’écritures : lettres de famille,  extraits de conférences, récit érotique, scènes dialoguées, sans solution de continuité. Parfois les pages glissent insensiblement vers la violence et l’hallucination.

- L’écriture est assumée ; la quête de vérité passe par la sincérité. Le récit est livré dans toute sa nudité, sans souci du qu’en dira-t-on. Il rend l’ensemble encore plus fort et bouleversant.

- Mais qui ou quoi a « enténébré » ces femmes et ces hommes ? L’Histoire d’abord, donc  les autres hommes, la nature ensuite puisque se déroule entre autres sous nos yeux l’anamnèse d’une folie transmise de génération en génération

- Sarah Chiche recompose le puzzle de toutes ces folies individuelles sur lesquelles l’immense folie de l’humanité vient se  heurter, les guerres, la barbarie, la colonisation, les migrations, les unes entrant en résonance avec les autres. C’est cette porosité permanente entre la marche collective de notre civilisation et ces incapacités singulières à « être au monde » qui donne à ce texte sa grandeur et son souffle.

Quelques réserves

Je n’en vois pas, si ce n’est que

- les éclats de mémoire entre le passé et le présent complexifient la lecture.

- la violence, la cruauté  de certaines scènes m’ont donné la nausée  

Encore un mot...

Plus complexe qu’il n’y parait. Je recommande chaudement ce livre uniquement pour les lecteurs intéressés par l’omniprésence  et le poids du passé dans le cours de sa vie .

Ce roman montre la difficulté de s’extraire d’un passé, de nos ténèbres, de nos barrières conscientes ou inconscientes.  À l’heure où notre monde peut basculer, il est intéressant de tenter de faire le bilan, le solde de tout compte de notre humanité désespérée et désespérante. Mais, pour affronter nos démons, pour retrouver du sens à nos actions ou émotions, ne doit-on pas se faire violence, faire éclater la vérité pour gagner en liberté ? C’est ce que personnellement je retiens de la démarche de Sarah Chiche, en espérant ne pas me tromper...

Une phrase

Ou plutôt deux:

- "Peut-être avons-nous tous plusieurs vies. Il y a celle dont nous avions rêvé, enfant, et à laquelle nous pensons toujours, une fois adultes, et celles que nous vivons, chaque jour, dans laquelle nous nous devons d’être performants, responsables et utiles, et que nous terminerons jeté dans un trou". 

-"Je ne peux rien faire d’autre qu’écrire sur l’odeur pestilentielle de l’égoïsme humain, et sur cette vague immense de merde mondiale qui finira par tous nous engloutir et au sommet de laquelle j’aperçois soudain ma ridicule petite prétention à vouloir résister à toute médiocrité pour conserver ce que l’on appelle le sens du Bien" (page 101)

L'auteur

 Sarah Chiche est écrivain, psychologue clinicienne et psychanalyste. Elle est l'auteur de deux romans : L'inachevée (Grasset, 2008) -Le Monde des livres a parlé "d’écriture sous électrochocs"-, et L'Emprise (Grasset, 2010), et de trois essais : Personne(s),d’après Le Livre de l'Intranquillité de Fernando Pessoa (Éditions Cécile Defaut, 2013), Éthique du mikado, essai sur le cinéma de Michael Haneke (PUF, 2015), Une histoire érotique de la psychanalyse : de la nourrice de Freud aux amants d'aujourd'hui(Payot, 2018).Elle écrit régulièrement pour Le Cercle Psy et Le Magazine littéraire. On lui doit également Éloge de l’égarement, une préface à une traduction inédite des Trois essais sur la théorie sexuelle de Sigmund Freud, et Éloge de la dévoration, unepréface à une nouvelle traduction de La Confusion des sentiments de Stefan Zweig.

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