Le chef d'oeuvre inconnu

Un moment délicieux en compagnie d’un chef d’œuvre gagnant à être connu
De
D'après la nouvelle d’Honoré de Balzac
Adaptation théâtrale & jeu : Catherine Aymerie
Mise en scène
Michel Favart
Avec
Catherine Aymerie
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Théâtre Essaïon
6 rue Pierre au Lard
75004
Paris
01 42 78 46 42
Du 27 mars au 27 juin 2023, les lundis et mardis à 19h15, les dimanches à 19h30

Thème

  • Nous somme à Paris au début du XVIIe siècle, où trois peintres devisent sur leur art, leur inspiration, leur philosophie de la vie.  L’un est un jeune inconnu plein de talent, qui semble promis à la gloire, il s’agit de Nicolas Poussin. Il rend visite à Franz Porbus, portraitiste reconnu du roi Henri IV, et qui est dans la plénitude de son talent et au faîte de sa renommée. Auparavant, Poussin rencontre inopinément sur le pas de la porte le troisième personnage de cette nouvelle (qui est en même temps un conte) : le vieux maître Frenhofer. 
  • Ce peintre imaginaire, qui a côtoyé les plus grands maîtres du temps et assimilé  leur technique, donne au jeune Poussin subjugué une brillante leçon sur l’art et ce que doit être la peinture « qui doit donner la lumière à l’imagination. » On apprend alors que Frenhofer met la dernière main, dans le plus grand secret, à un mystérieux chef-d’œuvre. Entrant dans l’atelier de Franz Porbus, il ose intervenir directement sur sa dernière création, Marie l’Egyptienne, lui faisant remarquer un manque de lumière par-ci, une fausse perspective par-là, et apportant retouche sur retouche, se mettant lui-même au pinceau. 
  • Frenhofer embellit son tableau sans conteste, mais reconnaît en même temps qu’il ne parvient pas à finir sa propre toile, ce qui l’obsède depuis dix ans. Il s’agit du portrait de Catherine Lescault, « la Belle Noiseuse ». L’artiste a des doutes, peine à finir son œuvre car il estime n’avoir pas trouvé le modèle parfait de femme, la beauté idéale. Or Gillette, la compagne de Poussin, va lui être présentée. Il la trouve éblouissante et lui ouvre les portes de son atelier. Le maître lui montre cette première épure mystérieuse, que Frenhofer a toujours refusé de la divulguer. 
  • On peu plus tard Porbus et Poussin, stupéfaits, vont découvrir le destin de ce fameux chef d’œuvre si longtemps caché. Miracle où illusion ? Par une cruelle métaphore, Balzac évoque « le tragique de l’aventure de l’artiste pour aboutir à déterminer les lois qui conduisent au suicide de l’art.»

Points forts

  • Une “Seule en scène“ multipliée par trois, et qui joue comme quatre, telle est la superbe performance de la narratrice Catherine Aymerie. Avec elle, Poussin nous émeut dans sa candeur,  Frenhofer nous captive avec son histoire de l’art, Probus nous en impose et Gillette nous séduit. Catherine Aymerie est éblouissante de charme, tour à tour touchante et espiègle, dégageant une présence impressionnante et sans faille. Quand elle nous assène, dans la bouche du vieux maître : « La mission de l’art n’est pas de copier la nature mais de l’exprimer. Tu n’es pas un vil copiste mais un poète »,  c’est net, tranchant et sans bavures (!). Elle pourrait elle-même manier le pinceau sans retouches.
  • Ce Chef d’œuvre inconnu l’est effectivement de nombreux lecteurs balzaciens. Et pourtant, il s’agit d’un morceau fort bien choisi de la Comédie humaine. Ce conte philosophique et fantastique, bref et concis, donne matière à réflexion sur le pouvoir de l’esprit appliqué à l’art. Il a fait et fait encore l’objet de nombreuses thèses sur la quête de l’absolu chez l’artiste
  • Le poids des mots, qui illustrent la vision philosophique de la création artistique. On redécouvre ici toutes les qualités du grand Balzac, et notamment son regard acéré sur les mœurs de la société de son époque.

Quelques réserves

Aucune tâche ne vient souiller ce diamant brut.

Encore un mot...

  • Le Chef d’œuvre inconnu (1831), qui traite du déclin du néo-classicisme au XVIIe siècle en peinture, annonce, dans le premier XIXe siècle et en plein romantisme l’émergence du réalisme, en réaction à un certain académisme, précédant l’explosion de l’impressionnisme dans le dernier tiers du XIXe siècle. Au plan littéraire, la Comédie humaine - dont ce chef d’œuvre fournit les prémisses - est l’expression la plus fidèle de l’avènement du réalisme.
  • Mais au moment du récit, la peinture  flamande est au coude-à-coude avec la peinture italienne, tandis que Marie de Médicis, mère de Louis XIII, est régente. Franz Porbus est peintre de cour. Il vient de peindre un superbe Henri IV dans son armure noire rutilante, ce qui n’empêchera pas ce dernier de mourir assassiné (1610)…

Une phrase

« Un vieillard vint à monter l’escalier. À la bizarrerie de son costume, à la magnificence de son rabat de dentelle, à la prépondérante sérénité de la démarche, le jeune homme devina dans ce personnage le protecteur ou l’ami du peintre mais il aperçut quelque chose de diabolique dans cette figure et sentit ce je-ne-sais-quoi qui affriande les artistes. » (lever de rideau, Nicolas Poussin rencontre Frenhofer)

L'auteur

  • Honoré de Balzac (1799-1850), grand-maître du roman français,  “inventeur“ du réalisme en littérature, écrivain prodige autant qu’amant terrible et très sûr de lui. Cet arrogant ne se compare-t-il pas à Napoléon, et affirme à George Sand  « Je suis un génie », au moment de composer l’un des romans qui constituent  la Comédie humaine
  • Balzac mourut à 51 ans, épuisé par son labeur et ses conquêtes (féminines), dans les bras de madame Hanska qu’il venait d’épouser après 9 ans de compagnonnage. 
  • Signe particulier : Balzac entend disséquer l’âme et les cerveaux humains comme Buffon le faisait des insectes (dit- il lui-même) Son œuvre est gigantesque :120 romans rien que dans la Comédie humaine avec 2200 personnages récurrents sur 20 ans !

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