Compagnie

Très intello, très exigeant mais, théâtralement, magique
De
Samuel Beckett
Monologue
Avec
Christian Gonon
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Comédie-Française
99 rue de Rivoli
75001
Paris
0144581515
Jusqu'au 24 avril

Thème

Ce spectacle est le troisième d'une série de quatre seuls en scène dans lesquels, à chaque fois, un comédien du Français présente un texte -ou des textes- d'un auteur qu'il aime particulièrement (cf la chronique faite sur le remarquable spectacle Jenicot-Devos).

"Compagnie" est un texte qui n'a pas d'abord été conçu pour le théâtre mais qui a déjà fait l'objet d'une adaptation, en 1984, pour Pierre Dux, au Théâtre Renaud-Barrault; puis qui a été remonté, en 1994, au Petit Odéon, par David Warrilow.

Il s'agit des tribulations d'une voix dont on ne sait pas très bien à qui elle appartient, mais qui révèle, intimement, par bribes, la vie d'un autre.

Points forts

1 Ce texte sur la fin de vie, qui est l'un des derniers et les plus autobiographiques de Beckett, fait admirablement parler les silences. La répétition anodine d'interrogations anodines nous fait pénétrer petit à petit au coeur de l'extrême complexité du fait d'exister, existence vouée, selon Beckett, à une solitude absolue: nous sommes condamnés à gésir ou à être prostrés même si nous avons multiplié les efforts, en rampant, pour chercher une compagnie.

2 Christian Gonon donne, en tant que comédien, une admirable leçon de modestie. Il est "habité" par son texte, se laissant  quasiment "absorber" par sa propre voix pour que la vie du personnage se révèle, en profondeur, à travers lui. Du grand art.

3 La mise en scène utilise admirablement décor, musique, et jeux de lumières.

Quelques réserves

1 Il faut, d'entrée, accepter le côté intello du texte et, surtout, de la démarche. Se laisser prendre par l'atmosphère créée par les mots eux-mêmes. Et accepter que, parfois, l'essentiel s'exprime à travers les réactions d'un corps. C'est vraiment, avec une formidable  économie de moyens, du théâtre total.

2 Le spectacle pourrait durer un quart d'heure de moins, en enlevant quelques bribes ici et là.

Encore un mot...

1 Ce texte confirme donc que, chez Beckett, l'utilité essentielle des mots est de conduire inexorablement au silence, après avoir pris -oh combien difficilement- conscience de notre propre existence et de notre solitude irréductible. 

2 Mais, au passage, la langue nous permet d'apprivoiser, du moins, partiellement, dans une espèce de magie métaphysique, la malédiction de cette solitude et d'un destin inconnu.

3 Tout cela, évidemment, est très intello. Certes...

4 Décidément, Beckett réussit très bien aux équipes françaises de théâtre. Pour n'évoquer que trois exemples récents:
     - la version de "Fin de partie" proposée début 2015 à l'EssaÏon (cf chronique de Véronique Guionin).
     - la version, présentée fin 2015, d'"En attendant Godot", aux Bouffes du Nord (cf chronique de Véronique Guionin).
     - et la version en cours, jusqu'au 17 juin, d'" En attendant Godot", toujours, au théâtre Essaïon (cf chronique de Françoise Boursin).

Une phrase

"Tu finiras tel que tu es"

L'auteur

Samuel Beckett est, sans doute, l'un des plus français des écrivains d'outre-Manche.
Né en Irlande, en 1906, dans une famille bourgeoise protestante, il est venu une première fois à Paris en 1928, où il devint lecteur à l'Ecole Normale Supérieure.

Il est revenu s'y installer définitivement en 1936. Il s'est engagé dans la Résistance.
Parmi ses oeuvres, on citera, en tant que romancier, "Murphy", son premier roman, puis la trilogie, "Molloy", "Malone meurt" et "L'Innommable"; et en tant qu'homme de théâtre, "En attendant Godot", "Oh les beaux jours" et "Fin de partie".

Beckett a exercé une influence considérable sur les auteurs contemporains, d'Edward Albee, par exemple, à Forian Zeller, le Zeller "sérieux", celui, entre autres, de sa première pièce, "L'Autre".

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