Dans la luge d'Arthur Schopenhauer

Du bon Reza, pas du très bon
De
Yasmina Reza
Mise en scène
Frédéric Belier-Garcia
Avec
Yasmina Reza (Nadine), Jérôme Deschamps (Serge Othon-Weill), André Macron (Ariel Chipman), Christelle Tual (la psychiatre)
Notre recommandation
3/5

Infos & réservation

Thème

Ariel Chipman, naguère philosophe reconnu comme grand spécialiste de Spinoza trouve, au soir de sa vie, refuge dans la misanthropie, et cultive un état d’esprit pessimiste à l’instar de Schopenhauer. Ainsi embarqué "dans la luge" du célèbre philosophe, il dévale la pente: son amertume et son délabrement sont tels que sa femme Nadine, dont il ne cesse de s’éloigner, le traite comme s’il était atteint par la maladie d’Alzheimer.

Successivement, ses proches développent leur point de vue sur Chipman (sa femme, Nadine), les grandes mutations économiques (Serge Othon-Weill), ou abordent divers désagréments de l’existence (la psychiatre qui écoute tour à tour les uns et les autres).

Points forts

• Les comédiens interprètent leurs personnages de manière fort convaincante, et Chipman le premier, dont la misanthropie, aussi pathétique et grinçante, est assez réjouissante.

• Le texte est suffisamment bien conçu pour mêler divers éléments de philosophies antagoniques - le pessimisme “schopenhauerien“ de Chipman, le relatif optimisme spinoziste d’un Othon Weill s’extasiant devant le rapprochement Renault-Nissan – avec des considérations de vie quotidienne (l’art d’éplucher une orange, de manger des fraises avec ou sans fourchette, de porter la cravate ou la robe de chambre …) et d’autres, qui relèvent de dimensions purement psychologique, voire psychanalytique.

• On sera assez sensible à la manière dont divers passages mettent en évidence, et très justement, la tendance des uns et des autres – et sans doute nous-mêmes  - à théoriser paranoïa, détresse ou misanthropie, bref à faire de distorsions de perception de véritables systèmes, avec ce que cela suppose de cohérence et de légitimité.

Quelques réserves

• Frédéric Bélier-Garcia considère que Dans la luge d’Arthur Schopenhauer est un objet théâtral; soit, mais encore faut-il que le dispositif scénique, assez minimaliste en termes de décor et de mouvements, donne une dynamique à une succession de monologues souvent jalonnés de “tunnels“ dont il est difficile de sortir, et de ruptures de rythme un peu inévitables dans un tel cas de figure.

• La diction “gaullienne“ de Jérôme Deschamps en Othon-Weill peut lasser voire irriter à la longue, surtout quand elle est utilisée à tout propos.

Encore un mot...

Un philosophe reconnu passe de Spinoza à Schopenhauer avec pertes et fracas.

Une phrase

Yasmina Reza vous offre quelques punchlines savoureuses :

«  Toute sa vie, il a commenté Spinoza, et maintenant, il ne peut plus saquer Spinoza ! »

« Le tout n’a aucun sens, mais chacune des parties en a. »

« Les Afghans ne peuvent pas en un an devenir un électeur suisse. »

L'auteur

Yasmina Reza, qui interprète ici avec un aplomb mêlé de fragilité la femme de Chipman, a écrit des textes importants et remarqués pour le théâtre – on se souvient par exemple du Dieu du carnage, salué par un Tony Award et adapté au cinéma – ainsi que des romans souvent primés, tels Heureux les heureux ou, plus récemment, Babylone.

Dans la luge d’Arthur Schopenhauer est l’un des textes de cette auteure qui n’étaient pas directement écrits pour le théâtre, avant que Frédéric Bélier-Garcia n’en juge autrement.

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