Bajazet

Eternellement humain, très profond, merveilleusement écrit, mais un peu long...
De
Jean Racine
Mise en scène
Eric Ruf
Avec
La troupe de la Comédie-Française
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Théâtre du Vieux-Colombier
21 rue du Vieux-Colombier
01.44.58.15.15
Jusqu'au 7 mai

Thème

Je ne vous raconterai pas l'histoire parce qu'elle est vraiment très compliquée. Je rappellerai seulement que ça se passe au sérail, à Constantinople, en plein 17°siècle, et que Bajazet et Atalide vont payer de leur vie, chacun à sa manière, le fait d'avoir voulu être dignes de l'amour qu'ils éprouvaient l'un pour l'autre depuis toujours.

Points forts

1. La grâce de la langue racinienne (cf plus bas).

2. La force des sentiments, dans la complexité des êtres. Il y a du Shakespeare chez Racine.

3. La mise en scène, le décor et la scénographie, extrêmement sobres.

      Un décor d'armoires astucieusement accumulées et disposées, et autour desquelles s'effectuent tous les déplacements, ce qui rend bien l'impression d'enfermement du sérail, accentuée encore par un jeu de lumières très contrastées.

      Les robes des femmes, d'une pureté de vestales.

      Le choix de ne pas faire "déclamer" le texte de Racine, ce qui permet d'en apprécier, bien mieux,  toute la force.

4. L'interprétation de Clotilde de Bayser, dans le rôle de Roxane, l'ancienne esclave devenue Sultane, amoureuse malheureuse de Bajazet dont elle a le sort entre les mains.

      Elle est admirable de simplicité, d' humanité. Elle est dans la vie, dans notre vie. Elle réussit à créer une réaction d'empathie en sa faveur et à s'imposer, finalement, comme le personnage le plus attachant de la pièce, ce qui ne devait pas être dans les intentions de Racine...

Quelques réserves

1 Ce n'est pas, et de loin, la meilleure pièce de Racine. On se perd souvent dans les méandres de l'histoire.

2 La mise en route est beaucoup trop longue. La pièce gagnerait a être raccourcie d'1/2 heure pour ne plus durer q'1h1/2.

3 La distribution est inégale, tout le monde n'ayant pas la même simplicité dans l'appropriation du langage racinien.

Encore un mot...

1 Comment ne pas être sensible, plus encore aujourd'hui, probablement, qu'au 17°siècle, au contraste virulent qu'il y a très souvent chez Racine entre la violence dévastatrice des sentiments et des egos et la grâce aérienne des mots et de la langue ?

2 Honneur à Eric Ruf, comédien, metteur en scène, et actuel Administrateur Général de la Comédie-Française, d'avoir eu le panache de se risquer dans cette mise en scène.

   Pari en grande partie gagné, en ce qu'il a su exprimer avec beaucoup de simplicité la dimension à la fois tragique et universelle du théâtre racinien.

3 Reste la grande question: comment faire pour attirer les jeunes vers ce type de théâtre ?

   Sans doute en acceptant d'alléger de manière significative une partie du texte, au risque de paraître iconoclaste.

   Et, en second lieu, en imposant une diction ordinaire et non déclamée des textes, comme Eric Ruf y est parvenu là, en partie.

   Le plus bel exemple de ce type de démarche étant, à mon avis, ce que Nicolas Briançon a réussi avec Shakespeare, remplissant une salle immense d'un public où les jeunes n'étaient pas les derniers à être emballés.

Une phrase

Ne soyons pas avare. Voici, entendus ce soir-là, dix exemples de la musicalité du langage racinien:

       -  "Voulez-vous qu'à mon âge d'un vil amour je fasse l'apprentissage?"

       - " Témoins de nos plaisirs, plaindront-ils nos misères?"

       - " Sa perte ou son salut dépend de sa réponse".` 

       - " Peut-être trop d'amour me rend trop difficile?"

       -  "La mort n'est pas pour moi le comble des disgrâces".

       - " Pourquoi pensez-vous que je sois moins que vous jalouse de ma gloire?"

       - " De toi dépend ma vie et ma félicité".

       - " Tous deux à me tromper sont-ils d'intelligence?"

       - " Sentiments trop jaloux c'est à vous de vous taire".

       - " J'aime assez mon amant pour renoncer à lui".

Pas mal, non?

L'auteur

Racine n'a que 33 ans lors de la création de "Bajazet", en 1672.`

Il a déjà derrière lui "Andromaque", son premier triomphe, "Britannicus" et " Bérénice".

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