L’argent de la vieille

Affreux et sales vs vieille et “mé-chiante“…
De
Rodolfo Sonego
Mise en scène
Raymond Acquaviva
Avec
Atmen Kelif, Amanda Lear, Marie Parouty, Jeanne Perrin et Olivier Pagès
Notre recommandation
3/5

Infos & réservation

Théâtre libre
4, Bd de Strasbourg
75010
Paris
01 42 38 97 14

Thème

  • Voici donc « la comtesse », une vieille dame roulant sur l’or après un mariage puis un veuvage fort lucratifs. Flanquée de Georges - ex-amant et peintre raté devenu son homme à tout faire - elle défie régulièrement à la belote le couple formé par Pierrette et Maurice et l’emporte à chaque fois depuis huit ans. 

  • Enjeu : des sommes de plus en plus considérables, qui entretiennent chez ses adversaires l’illusion qu’un jour viendra où les cartes leur seront favorables et leur permettront d’emporter la mise, et donc de rafler « l’argent de la vieille. »

  • Mais Madame, qui s’en doute bien, n’a pas dit son dernier mot et a plus d’un atout dans son jeu…

Points forts

  • Amanda Lear, d’une énergie épatante, optimise les bonnes répliques que les dialoguistes ont pris soin de lui réserver (cf. rubrique Extraits plus bas). Elle campe à merveille cette richissime “Madame-sans-gêne“ comme on en rencontre tellement dans ce qui se donne pour la haute société. 

  • Son mépris de classe envers les « sans-dents » n’a d’égal que son ignorance crasse de la vie sociale se déroulant hors de sa demeure-forteresse. Cela nous vaut des réparties où le cynisme le dispute à la stupidité, comme lorsque la comtesse s’étonne auprès d’Anastasia, sa jeune femme d’intérieur : « Tu manges qu’une fois par jour ? Pourquoi ? Il faut te forcer, ma fille ! »

  • On sent qu’interpréter cette comtesse en mode “prout ma chère“ la fait jubiler, et le public salue avec enthousiasme son apparition puis ses saillies les plus raides, comme lorsqu’elle s’adresse à Anastasia (handicapée par une malformation de naissance) : « Le temps qu’elle boîte jusqu’à moi, on aura fini la partie ! »

  • Face à elle, le couple formé par Pierrette et Maurice fait peu le poids, à ceci près qu’il y a de l’amour entre eux, 

  • De manière amusante - un peu dans la tradition du Guignol qui n’hésitait pas à aborder des sujets politiques et de société - la pièce, adaptée par Jean Franco et Guillaume Mélanie, délivre quelques allusions vachardes envers les célébrités du moment, qu’il s’agisse des Kardashian ou d’un certain président du Sénat, décrit par la comtesse en « phacochère. Tu l’aurais vu manger, on aurait dit La guerre du feu ! »

  • Les intermèdes musicaux, puisés aux meilleures sources, tournent tous autour de l’argent, évoqué par les Beatles (You never give me your money / Abbey Road) ou Pink Floyd (Money / Dark side of the moon). Seul manque à l’appel Le Fric, un grand succès des Frères Jacques (paroles et musique de Christian Arabian)…

Quelques réserves

  • Evidemment, et même si elle s’emploie et s’en donne à cœur joie, il n’y en a pratiquement que pour Amanda… Les autres comédiens en sont souvent réduits au rôle de faire-valoir, même si le rôle d’Anastasia détonne un peu par son côté subversif, comme l’indique l’issue de la pièce.

  • Le principal problème de L’argent de la vieille, centré sur les parties de belote, est qu’elles sont nombreuses et traitées très statiquement, à l’exception d’une crise de démence particulièrement tonique et enlevée de Pierrette. Mais la plupart du temps, elles étirent une pièce qui s’effiloche un peu au fil des affrontements. 

Encore un mot...

  • Dans cette adaptation, tous les protagonistes en prennent pour leur grade et deux mondes sont renvoyés dos à dos : si la comtesse est cynique, manipulatrice et obsédée par la victoire, ses adversaires le sont par l’argent, au point d’engager au jeu les frais d’opération pour la jambe de leur fille !

  • En même temps, on voit bien la détresse d’une femme que sa richesse n’empêchera pas  de terminer ses jours dans la solitude, alors que malgré leur cupidité, le couple formé par ses adversaires résiste aux défaites sur le tapis vert…

Une phrase

Quelques perles du collier de “la comtesse“ :

  • à Georges [à propos d’Anastasia, sa femme de chambre] : « Non, mais, tu les trouves où ces filles, sur Vinted ? »

  • [toujours à Georges] : « T’es pas le pingouin qui glisse le plus loin sur la banquise ! »

  • Puis à Anastasia [qui boîte et à qui elle recommande de se prostituer] : « Comme ça tu auras un pied sur le trottoir, l’autre dans le caniveau…»

  • Anastasia [à ses parents] : « Vous trouvez pas que vous avez assez perdu ? Vous voulez jouer vos organes ? »

  • Un peu plus tard, aux mêmes : « Vous êtes des monstres ! »

  • Les parents [en chœur] : « Non, on est des pauvres ! »

  • Georges [à propos de la comtesse] : « Madame est capable de tout, même de l’impossible… surtout de l’impossible. »

L'auteur

  • L’italien Rodolfo Sonego (1921-2000), ancien résistant, devient scénariste et commence à se faire connaître en 1954 avec La Pensionnaire. Il écrit ensuite beaucoup pour des films interprétés par Alberto Sordi (Un héros de notre temps, Une vie difficile…). 

  • Il donne à cet acteur l’un de ses plus beaux rôles avec une comédie grinçante - La scoppone scientifico - adaptée par Ettore Scola en 1972. 

  • Ce film rencontre un grand succès, notamment en France sous le titre L’argent de la vieille.

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