Le Côté de Guermantes

De l’émerveillement aux illusions perdues
De
Marcel Proust
Durée : environ 2h30
Mise en scène
Christophe Honoré
Avec
Serge Bagdassarian Dominique Blanc, Loïc Corbery, Jennifer Decker, Laurent Lafitte, Elsa Lepoivre, Sébastien Pouderoux, Stéphane Varupenne….
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Comédie Française
2, place Colette
75002
Paris
01 44 58 15 15
Jusqu’au 14 mai, en alternance à 14h00 ou 20h30 (voir le calendrier des représentations).

Thème

  • A Combray, où la famille du jeune Marcel Proust possède un lieu de villégiature, il est possible, en partant de leur maison, de se promener soit « du côté de chez Swann », ou alors « du côté de Guermantes ». 
  • Marcel, qui, à ce moment de son existence, ne parvient pas à écrire, est ici un Narrateur fasciné par ces Guermantes et le monde qu’ils représentent : celui d’une noblesse d’ancienne souche, qui peuple les salons de Saint-Germain-des-Prés et mène une vie oisive et mondaine qui l’émerveille. Ses fantasmes se portent notamment sur la duchesse Oriane de Guermantes, une femme située au cœur de cette brillante société.
  • La pièce montre comment Marcel, au contact de plus en plus étroit avec les Guermantes, va découvrir – et bientôt décrire - le vrai visage de ce qui se donne pour l’élite de son temps.

Points forts

  • Le parti-pris de départ donne une dynamique convaincante à l’ensemble et décrit bien le moment précédant le déclenchement de l’écriture de l’œuvre proustienne. 
  • En effet, le comédien (St. Varupenne) que Chr. Honoré a choisi aux antipodes de « la molle idée qui voudrait que sa figure soit celle de Proust », nous campe un Marcel sans inspiration ni réelle énergie pour écrire. La pièce nous montre comment les Guermantes vont lui fournir la matière pour ses fresques monumentales. 
  • Les pièges que l’œuvre massive et le style singulier de Proust tendent à toute tentative d’adaptation vivante sont ici le plus souvent déjoués. Christophe Honoré relève le défi et évite les chausse-trappe, en introduisant par exemple des intermèdes musicaux parfois bien choisis, notamment lorsqu’il pioche du côté de Cat Stevens ou des Moody Blues.
  • Le metteur en scène sait multiplier les points de vue - d’un Saint-Loup en rupture de ban, à l’insignifiante Oriane, en passant par l’excentrique Charlus, un Swann habité, ou encore la sotte Princesse de Parme… - et ces décrochages donnent un vrai mouvement, qui alimentent le contraste entre les Guermantes “de rêve“ et ce qu’ils sont en réalité, le tout sans trahir l’écrivain sur le fond. 
  • Sa mise en scène dynamique, dans un vaste décor pouvant faire servir tour à tour de grand vestibule (sas d’entrée dans le “beau monde“ ?), de salon germanopratin, ou encore de bivouac de garnison, permet aux comédiens de montrer l’étendue de leur talent. Dominique Blanc, en marquise de Villeparisis, règne sur cette petite société, épaulée par Serge Bagdassarian (baron Charlus), qui chapitre Marcel au cours d’un tête-à-tête désopilant, alors que Laurent Lafitte – qui gagnerait parfois à oublier la Valérie Lemercier des Visiteurs – égaye l’ensemble, en campant un duc Basin de Guermantes aussi fat que vain. 
  • Le cœur du propos est parfaitement identifiable : Marcel met à jour le paradoxe d’une noblesse immémoriale et jadis prestigieuse qui se retrouve à la Belle époque (fin XIXe – 1914) ramenée à l’état de petite société rabougrie, imprégnée d’un antisémitisme infect, réduite à cultiver son appétence pour des intrigues désuètes, des généalogies tarabiscotées (du “sous Saint-Simon“), sur fond de cuistrerie et d’une superficialité éclatantes d’évidence.

Quelques réserves

  • La multiplication des points de vue (et donc des scènes) peut, au fil des 2h30 que dure le spectacle, parfois sembler un peu chargée, tant la démonstration est faite au fil des séquences et qu’à un moment donné, la messe est bel et bien dite. Le Côté de Guermantes se trouve ainsi lesté de certaines pesanteurs, liées à des répétitions et accumulations en définitive pas si nécessaires que cela. 
  • L’idée d’introduire un “preneur de son“ pour mettre en valeur les échanges les plus importants se défend… à condition toutefois que les paroles qui ne sont pas captées ainsi, notamment dans la profondeur de la scène, restent intelligibles, car toutes ne sont pas insignifiantes, loin de là.
  • Christophe Honoré nous gratifie parfois de thèmes musicaux judicieusement choisis, mais d’autres choix sont embarrassants, et sa playlist n’est pas toujours à la hauteur du propos.

Encore un mot...

  • Décidément, ces Guermantes ont bien moins d’allure que le Prince de Salinas décrit dans Le Guépard par Giuseppe Tomasi di Lampedusa…
  • En effet, de la même manière que Swann put se fourvoyer avec Odette, « une femme qui…. n’était même pas son genre », Marcel - dont le talent et l’intelligence lui valurent l’admiration y compris d’hommes de lettres d’un antisémitisme forcené comme Léon Daudet - s’échine à se faire accepter dans un monde peuplé de “fin de race“… 
  • Du jeu entre ses illusions et ses désillusions, il fera d’incomparables chefs-d’œuvre.

Une phrase

Le Narrateur : « Ce qui est beau à Guermantes, c’est que les siècles qui ne sont plus y essayent d’être encore. »

L'auteur

  • Marcel Proust (1871 – 1922) a consacré toute sa vie à la rédaction d’À la recherche du temps perdu, dont Le côté de Guermantes est le troisième des sept tomes, publié en 1920 et 1921. 
  • Christophe Honoré, né en 1970, a commencé par écrire un livre pour enfants, puis des romans et des scenarii, avant de passer à la réalisation de longs métrages et la mise en scène de pièces et d’opéras. Du côté de Guermantes est sa première collaboration avec la Comédie Française, et cette adaptation a été proposée pour la première fois le 30 septembre 2020.

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