Les Justes

La révolte humaniste, jusqu'où? Le spectateur pris dans la nasse.
De
Albert Camus
Mise en scène
Jean-Marie Ledo
Avec
Roman Caretti, Régis Debraz, Olivier Ducaillou, Stéphanie Gourdon, Guillaume Kovacs, Jean-François Labourdette, Jean-Marie Ledo, Natacha Simic
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Le Guichet Montparnasse
15 rue du Maine
01 43 27 88 61
Jusqu'au 9 avril: Jeudi, à 20h45. Dimanche, à 20h

Thème

Les Justes (1950) illustre l'humanisme dans la révolte, qui donne son sens à l'action humaine. La pièce se situe à Moscou en 1905, dans un appartement où discutent et agissent cinq révolutionnaires, au moment où ils vont lancer une bombe sur le grand Duc Serge, symbole du despotisme. Mais Kalyayev, chargé de lancer la bombe, y renonce au dernier moment, car il ne peut pas se résoudre à tuer les deux enfants présents dans la calèche. 

Intervient alors une forte discussion sur ce qu'est la justice, l'humain, le despotisme, la révolution et l'action terroriste. Dora aime Kalyayev et le comprend, Boris, le chef, aussi, comme Alexis. Mais Stepan est beaucoup plus absolu et moins humaniste, il le condamne. 

Il est décidé finalement que l'attentat aura lieu deux jours plus tard. C'est encore Kalyayev qui jette la bombe sur le grand Duc, seul cette fois; Il est arrêté, condamné à mort, et il refuse sa grâce, malgré les propositions du chef de la police et les supplications de la Grande Duchessse. Il doit mourir pour que son acte ait été juste.

C'est son avis et celui de Dora, même si elle souffre énormément; c'est elle qui demande à lancer la prochaine bombe. Quant à Stepan, il devient plus humain, après avoir tenu des positions extrêmes.

Points forts

1) Le jeu de la plupart des acteurs est remarquable, aussi bien pour les personnages de Kalyayev que Dora ou Stepan: ils font transparaître l'enthousiasme, les doutes, et ils montrent les différences entre eux. Leur chef, Boris, représente l'équilibre et une relative modération.

2) Le chef de la police représente une figure effrayante, qui démêle bien la différence entre l'idée du despotisme et la bombe lâchée sur un homme, le Grand-Duc.

3) La mise en scène fait ressortir le caractère étouffant de la pièce, avec les tensions et les peurs: une pièce fermée, des canapés et un rideau rouge, une porte à laquelle chacun frappe selon un rythme convenu, une fenêtre imaginaire d'où certains voient la rue. Et aussi la trappe qui représente la prison.

4) L'amour bien particulier entre Kalyayev et Dora est montré de manière subtile et émouvante.

5) Le spectateur est tendu, il a peur et il étouffe avec les acteurs. il redoute la mort de Kayayev, qu'il sait pourtant inévitable.

Quelques réserves

Bien peu nombreux dans cette très bonne pièce.

1) L'actrice qui joue la Grand-Duchesse est un peu surprenante par sa naïveté au début, elle parle comme une petite fille, mais elle se rapproche peu à peu de la femme qu'on pouvait imaginer à la lecture de la pièce.

2) Ce n'est pas vraiment un point faible mais une interrogation sur la perception de la pièce aujourd'hui. En 1950, les révolutionnaires faisaient probablement penser aux héros de la Résistance. Aujourd'hui, quand la France a été victime d'attentats graves et que le portrait des terroristes a été étalé dans les médias, il me semble qu'on ressent une certaine gêne face à la préparation de l'attentat et aux hommes qui ont l'air d'atteindre un certain bonheur en tuant. Mais cela est dû au contexte de notre époque sans être lié directement à l'esprit originel de la pièce.

Encore un mot...

C'est une représentation fine et sensible qui permet de comprendre la philosophie de Camus, la révolte humaniste. Les différentes positions des personnages rendent perceptible la difficulté d'envisager le sens de cette révolte.

Une phrase

"La Russie sera belle" (c'est le leitmotiv des conjurés).

L'auteur

Albert Camus (1913-1960) est à la fois journaliste, philosophe, romancier et auteur de pièces de théâtre. Né en Algérie, il entreprend des études de philosophie, interrompue par la tuberculose. il monte de nombreuses pièces de théâtre, il entre à Paris-Soir à Alger, puis devient en 1944 rédacteur en chef de Combat, à Paris.

Pour chacune des grandes phases de son évolution, il s'exprime dans un roman, dans une ou plusieurs pièces de théâtre et dans un ouvrage philosophique. La pérIode de l'absurde est présentée dans L'Etranger  (roman, 1942), Le Mythe de Sisyphe (ouvrage philosophique, 1942) et Caligula et Le Malentendu (pièces de théâtre, 1944).   La période de la révolte est illustrée par La Peste (roman, 1947), l'Etat de siège et Les Justes (pièces de théâtre, 1948 et 1950), et L'Homme révolté, (ouvrage philosophique, 1951). Enfin, la dernière période, où apparaissent ironie et brio, est visible seulement dans un roman déroutant, La Chute (1956). La suite de l'oeuvre est interrompue par la mort d'Albert Camus dans un accident de voiture, en 1960. 

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