Sentinelles

Voici donc trois hommes, trois pianistes, amis pour la vie et rivaux, dont on va vite découvrir ce qui les unit (l’amour de la musique et une vie vouée au piano) et ce qui les sépare (peut-être à jamais) :

• il y a Mathis, tourmenté par son génie et en révolte permanente ;

• Swan, qui dirigera une école de musique, tout animé par la frustration de ne pas avoir réussi comme pianiste ;

• et enfin Stan, qui finira par exploser en vol.

Entre ces trois personnalités qui s’aiment et se déchirent en d’interminables querelles sur Mozart (leur sujet préféré) mais aussi Chopin, Chostakovitch ou Haydn … se joue plus que leur destin artistique : leur rapport à la musique illustre la relation, plus ou moins consciente, que chacun entretient avec le monde.

Comment partager avec un large public la perception qu’ont les pianistes de leur art ? Ce qu’ils éprouvent, comment ils le ressentent et le restituent au monde ? Jean-François Sivadier et son équipe s’en sortent remarquablement, en transformant en pas de danse et en expression corporelle le jeu et l’interprétation. Cette trouvaille magique donne à la pièce une dimension à la fois physique et universelle.

Les trois comédiens jouent remarquablement leur partition dans des rôles qui mettent en exergue toutes leurs qualités de jeu : long monologues, dialogues mitraillette, émotion, colère, tendresse, travail sur le corps, chorégraphie, danse … A eux trois, ils empoignent la scène de la scène du Théâtre de la Villette et en font tout à la fois un champ de bataille, une salle de spectacle et un auditorium …

La mise en scène, tout d’abord discrète, dévoile progressivement les personnages en transformant l’espace en arène de combat. Ils peuvent y déployer tout un éventail de questionnements, de certitudes et de nuances. Chaque personnage, en quête de vérité et d’amitié, a rendez-vous avec lui-même.

Enfin, la pièce comporte une dimension comique qui affleure tout au long du spectacle. Les fans de musique classique se délecteront des envolées critiques ou admiratives sur les grands compositeurs. Mais nul besoin d’apprécier la musique, il s’agit ici plus de la condition humaine que des mérites comparés entre Mozart et Beethoven.