Apaiser Hitler

A force de reculades pour espérer la paix, les Britanniques ont eu la guerre ! Une analyse tout en finesse des naïvetés de Chamberlain face au IIIe Reich
De
Tim Bouverie
Traduit de l’anglais par Sabine Weiss,
Flammarion, coll. Au fil de l’Histoire,
672 p., 29€
Notre recommandation
5/5

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Thème

Après l’accession d’Hitler au pouvoir, en janvier 1933, l’équilibre européen s’est rapidement modifié. Le dogme de la sécurité collective, la SDN se sont révélés incapables de contenir le réveil du militarisme allemand. En reconstruisant à marches forcées sa puissance militaire, le IIIème Reich a agressivement remis en cause les clauses du traité de Versailles (remilitarisation de la Rhénanie, Anschluss, Sudètes et Tchécoslovaquie, Pologne). Tim Bouverie relate, avec un brio exceptionnel, la manière dont l’Angleterre a vécu cette montée en puissance de l’Allemagne nazie et comment elle a - ou n’a pas -  réagi à cette modification existentielle de l’équilibre européen.

Points forts

C’est à une véritable tragédie shakespearienne que M. Bouverie convie son lecteur. Il centre son propos sur Neville Chamberlain, premier ministre de sa Majesté de mai 1937 à mai 1940 et principal acteur de la politique d’apaisement. L’ancien Lord Maire de Birmingham qui n’a jamais côtoyé que des “gentlemen”, croira jusqu’au bout, jusqu’à la guerre, malgré l’évidence, à la bonne foi d’Hitler et à son désir sincère de paix. L’analyse psychologique de ce personnage désuet qui passe en revue les SS avec son parapluie est un chef d’œuvre de finesse et d’intelligence.

Appuyé sur une documentation et des recherches d’une qualité exceptionnelle, Tim Bouverie livre un tableau précis et  passionnant de cette Angleterre de l’entre-deux guerres, encore largement régie par l’aristocratie et les élèves des public schools et d’Oxbridge ; il brosse le portrait des acteurs du drame : Baldwin, Eden, Duff Cooper, Halifax… et montre le fonctionnement du système politique, l’élaboration de la politique étrangère et, plus largement les rouages de la société britannique.

M. Bouverie redresse au passage quelques idées reçues, notamment celle d’un pacifisme ambiant qui aurait lié les mains des dirigeants britanniques et français: les premiers sondages réalisés tant en France qu’au Royaume Uni montreraient plutôt que les partisans d’une résistance à Hitler étaient les plus nombreux.

Enfin notre auteur écrit bien : ses 600 pages s’avalent comme un roman et il ne rechigne pas à parsemer son texte de citations très humoristiques, malgré la gravité du sujet.

Quelques réserves

Le lecteur français pourrait ressentir de la frustration. Dans cette tragédie, la France apparaît comme un acteur de seconde zone, à la remorque de Londres et sa politique étrangère aurait mérité un peu plus d’attention, ou de compassion, de la part de M. Bouverie.

Encore un mot...

Face aux dictatures: résister ou compromettre ? Une exceptionnelle leçon d’Histoire que les dirigeants actuels des démocraties feraient bien de méditer !

Une phrase

Page 297. « Les Britanniques ne voulaient surtout pas s’engager à défendre la Tchécoslovaquie ; et pourtant, suite à leurs propres agissements, ils se retrouvaient presque inextricablement liés au destin tragique de ce fragile pays. »

L'auteur

Tim Bouverie est un jeune historien britannique, descendant de familles aristocratiques. Il a rejoint la chaîne de télévision Channel 4 News, comme journaliste politique. Apaiser Hitler, son premier ouvrage, a été unanimement salué par la critique.

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