Les Enfants du frêne et de l'orme, une histoire des Vikings

Une immersion passionnante dans la culture et l'histoire de la période "Viking"
De
Neil Price
Traduit de l'anglais par Cécile Deniard
Edition du Seuil
Sept 2022
659 pages
27 €
Notre recommandation
5/5

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Thème

Des Vikings, nous connaissons l'image stéréotypée du guerrier violent, adorateur d'Odin, promis au Valhalla, terreurs des chrétiens à la charnière de l'an 1000. Historien, Neil Price ne parle pas des Vikings mais “de la période Viking qui s'étend, globalement, des ans 800 à 1200. Il ne les présente pas comme une apparition brutale de l'histoire, mais dans la continuité des peuples nordiques, gaéliques, scandinaves qui les ont précédés, et dont ils sont, de fait, les successeurs. Cet essai délivre toutes les clefs de compréhension de cette période, les origines du phénomène, les croyances, les modes de vie, les dynasties, les raisons de leurs raids à l'Est, puis à l'Ouest, de l'Irlande à la France, et leurs conquêtes plus lointaines, que l'archéologie moderne révèle plus ultimes chaque jour. Cette immersion dans la période et la nation Viking s'appuie sur les très nombreuses découvertes archéologiques, analysées avec les techniques les plus modernes, les sagas dynastiques, les textes chrétiens contemporains et postérieurs, les études passées, et toutes les interprétations nouvelles rendues possibles par le croisement de ces sources.

Points forts

Sujet aride ou confidentiel direz-vous ? Que nenni, la mode "new âge", les retours aux origines, les séries TV (Norsemen - drôle ou Vikings, épique et violent - sur Netflix), romans et bandes dessinées (Serpent Dieu par exemple) placent les Vikings très en avant dans nos imaginaires chrétiens occidentaux, et sont une base culturelle solide (bien qu'un peu terrifiante quand même !) pour nos amis scandinaves et islandais !

Outre ce rappel, la première qualité de cet essai est la qualité de son écriture, et son corollaire indispensable, de sa traduction de l'anglais vers le français. C'est facile à lire, c'est truffé d'exemples et Neil Price ne manque ni d'humour ni d'autodérision, qui émaille ses chapitres de remarques souvent drôles par leur bon sens décalé !

Le livre s'organise en deux grandes parties : 

  • comprendre la période et le phénomène Viking - qui nous propose une lecture attentive des mythologies, des origines ethniques, des modes de vie, croyance, relation entre les sexes (dont un intéressant passage sur les identités de genre telles que les études des tombes peuvent les laisser supposer), entre les clans, l'habitat etc.
  • comprendre le "modèle économique" Viking, qui a poussé à leur extension guerrière vers l'Est et le Sud-Ouest, et ses conséquences pour le peuple dominant (dont des développements aussi intéressants sur l'esclavage et ses différentes modulations) et les peuples dominés ou envahis (Irlande, Angleterre, France etc.).

Cet essai enfin présente un long chapitre sur les sources et références sur lesquelles se sont appuyées les recherches, index des noms de lieux et des personnes…

Enfin, des illustrations, utiles et pédagogiques. 

Quelques réserves

Attention, l'auteur de cette chronique a toujours été passionné d'archéologie et d'histoire des premiers peuples européens (notamment). Mais il est quand même rare de lire un essai si bien écrit et facile à lire … malgré ses presque 700 pages et la profusion de noms de lieux  et de personnes absolument imprononçables -Svitjod, Svinfylking, Illerup Ädal et autre Hofsstadir - écrits ici sans le clavier nØrvégæn !

Bon, il manque aussi une petite carte contemporaine de la baltique et/ou de la Scandinavie, afin de situer facilement les lieux, très abondamment cités dans l'ouvrage.

Encore un mot...

Cet essai est simplement remarquable pour quiconque recherche un livre qui fasse la synthèse entre les sources littéraires (contes, légendes, sagas, poèmes "eddiques"), historiques (grands événements, histoires dynastiques), et archéologiques, concernant la période Viking. L'interprétation des découvertes, tombes, lieux de vies et même d'aisance, tourbières, monuments (quand il en reste) est aujourd'hui complètement transformée par les lectures croisés de la génétique, des analyses microscopiques (et même isotopiques) des matériaux, des débris végétaux et autres vestiges biologiques, autrefois hors du champ du travail des chercheurs. Et ces dessins nouveaux des liens entre les peuples, les cultures et les territoires (de l'Amérique du nord à la mer Caspienne) sont passionnants à découvrir - et d'autant plus accessibles qu'ils sont servis par une plume alerte et drôle - et une traductrice manifestement très douée dans cet exercice !!

Une phrase

- "Les trois dieux [Odin (le plus puissant et le plus terrible de tous), et ses frères Vili et Vé. Ils répondent à un grand nombre de noms, ce qui deviendra une habitude dans la famille des dieux ases  - extrait P19] enfoncent leurs mains dans les troncs, ils modèlent le bois, le rabotent, le façonnent en suivant sa fibre. Nuages de copeaux et de poussière. Ils échangent de grands sourires, tout à la joie de la création. Lentement, ce qui se trouvait à l'intérieur apparaît sous la pression des doigts divins. Voilà un bras, ailleurs une jambe, et enfin les visages. 

D'abord un homme (le premier homme) et ensuite une femme. Les dieux les contemplent de toute leur hauteur. C'est Odin qui agit : soufflant dans leur bouche, il leur donne la vie […] regards effarés, bruyants babils […]

En dernier lieu, les dieux leur donnent des noms, leur matière devient son. L'homme est Ask, le frêne. La femme est Embla, l'orme. " P20  (en italiques dans le texte du prologue)

A propos du sens littéral et symbolique d'une inscription sur une pierre 

- "Ainsi Geirlaud, veuve par deux fois, vit tous ses enfants et petits-enfants mourir avant elle, et pour finir, hérita par réversion des terres de trois familles. Quelle vie ! Et quelle image en miniature de ce que pouvait être l'existence de ses contemporains à l'époque Viking : mortalité infantile, mariages multiples, décès prématurés, aucune certitude, et encadrant tout cela, la permanence de la loi, gravée dans la pierre. 

Trois autres exemples fourniront un mince aperçu de la richesse du contenu des inscriptions (or il en existe des milliers), du lien intime avec la terre dont elles témoignent, de l'importance cruciale du droit de propriété et du détail des vies humaines qu'on peut lire entre les lignes. " P 225.

"Si l'on peut comprendre que les efforts aient dans un premier temps porté vers l'est plutôt que l'ouest, il est tout aussi clair que le projet de lancer de grandes expéditions en haute mer, et donc pour les Vikings de sortir de leur zone de confort culturel (pour ainsi dire), prit pour cible l'Ouest et les îles britanniques et, presque simultanément, le sud-ouest et la Francie, ce qui constitue aujourd'hui la France et les Pays-Bas." P 326

 

L'auteur

Neil Price est un archéologue anglais, spécialisé dans l'histoire des Vikings, et plus largement de la Scandinavie. Titulaire de la chaire d'archéologie de l'université suédoise d'Uppsala, il est également professeur honoraire du conseil suédois de la recherche et correspondant de la Société Royale d'Edimbourg. Il a écrit thèses et ouvrages sur les Vikings, en Angleterre et en Scandinavie, la mythologie  scandinave et le chamanisme. Les enfants du frêne et de l'orme a été publié pour la première fois en 2020, en anglais.

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