La matière de l’absence

Nous avons tous quelque chose de Chamoiseau
De
Patrick Chamoiseau
Editions du Seuil
Notre recommandation
4/5

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Lu / Vu par Culture-Tops

Thème

L’Histoire est parfois aussi mesquine que maligne. Ainsi, le 31 décembre 1999, meurt Man Ninotte, la mère de l’écrivain Patrick Chamoiseau. Seize ans plus tard, il commente : « La mort de quelqu’un qu’on aime a ceci de paradoxal, c’est qu’au moment de la disparition, on a une absence qui se crée, une absence à la mesure du sentiment qu’on éprouvait pour cette personne, et cette absence est pleine… »;

Cette mort, cette disparition de la mère, assure le romancier, lui a permis de comprendre certaines choses d’une manière philosophique et poétique; ce qui l’a amené à écrire « La matière de l’absence ». Il y a, dans ces pages, bien sûr la vie et le souvenir de cette femme si pleine d’énergie, de lyrisme. Il y a aussi le peuple antillais- un thème récurrent dans l’œuvre de Chamoiseau… Il y a aussi la sœur, dite « la Baronne ». Et par touches quasi impressionnistes, sont évoqués la cale des bateaux négriers, le cauchemar de l’esclavage dans les plantations et la résistance qui s’y développera. 

Le récit est structuré autour de la vieillesse, de la mort, de l’enterrement de Man Ninotte, ce qui permet une réflexion aussi bien sur la petite enfance de l’auteur que sur les origines de la Caraïbe, des Amériques, de l’humanité.

Points forts

- Un texte (un roman ? un récit ? une réflexion philosophique ?) avec plusieurs niveaux de lecture possible. Le premier : un frère et une sœur se racontent, lors d’une visite au cimetière sur la tombe de leur mère, comment ils vivent sa disparition. Et aussi ce que leur mémoire a produit autour de cette disparition…

- Les belles évocations du temps de l’enfance avec le goût de la banane jaune cuite à l’eau, les fleurs du dimanche, les conteurs créoles ou encore les marchandes sorcières… sans oublier la peur des zombies…

- L’habileté et la maîtrise avec lesquelles Patrick Chamoiseau ouvre l’angle de la réflexion, passant du personnel à l’universel (par exemple, les « en-dessous qui hurlent » du peuple antillais).

- La cohabitation parfaitement dosée de l’intellectualisme du narrateur et de la dérision de sa sœur, « la Baronne ».

- L’« intime grandiose » magnifié par le style tout en grâce et simplicité de Patrick Chamoiseau.

Quelques réserves

La « tromperie sur marchandise » ! En effet, « La matière de l’absence » est présenté, sous le titre, comme « roman ». On le comprend, c’est faux : ce livre est un récit autobiographique assaisonné à la sauce de l’essai poétique.

Encore un mot...

Ça commence avec un deuil personnel: la mort de la mère. Et naturellement ça en vient à l’universel. Ainsi, « La matière de l’absence » rappelle que Patrick Chamoiseau est un maître dans l’art du brassage des cultures et de la réflexion philosophique. Un récit-essai important, dont on peut parier qu'il restera comme  un classique...

Une phrase

« Qui le premier a utilisé le terme « disparu » pour désigner un mort ? Qui le premier a abandonné l’idée de « sommeil », de « voyage », de « repos éternel », de « passage » vers une autre rive, pour se concentrer sur la « disparition » ? Jamais terme ne m’a semblé aussi adapté à ce qu’il veut décrire. Car la dépouille, plutôt que de la nier (comme pour certaines espèces de singes qui trimbalent le petit corps du rejeton perdu jusqu’à ce qu’il tombe en miettes, ce qui transperce alors la muraille de l’instinct et le force à intégrer l’inconcevable) ne fait que proclamer à notre conscience qu’il n’y a plus derrière cette peau, ces yeux, dans la chair de ce corps, ni rien ni personne, et surtout pas cette existence irréductible que nous avons aimée ».

L'auteur

Né le 3 décembre 1953 à Fort-de-France (Martinique), Patrick Chamoiseau est journaliste et écrivain. Après des études en métropole et inspiré par les travaux de l’écrivain- poète- essayiste Edouard Glissant (1928- 2011), il rentre en Martinique et travaille, pendant quelques années, comme éducateur à l’Administration Pénitentiaire. Intéressé par la culture créole et après un conte pour le théâtre paru en 1981 (« Maman Dlo contre la fée Carabosse »), il publie son premier roman en 1986 : « Chronique des sept misères ». En 1992, il reçoit le prix Goncourt pour son quatrième roman, « Texaco », qui raconte l’épopée du petit peuple martiniquais à travers l’histoire des habitants d’un bidonville près d’une raffinerie de Fort-de-France.

Patrick Chamoiseau qui publie cet automne ce dixième roman (« La matière de l’absence ») est également réputé pour des essais (dont « Eloge de la créolité »- 1989, en collaboration avec Jean Bernabé et Raphaël Confiant), une autobiographie en trois volumes (« Une enfance créole »), deux bandes dessinées et cinq scénarios pour le cinéma.

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