Le corps des ruines

Fouillé, parfois fascinant, mais long à lire
De
Juan Gabriel Vasquez
Editions du Seuil - 500 pages
Notre recommandation
4/5

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Thème

A Bogota la mort violente peut frapper n’importe qui à l’improviste, dans la rue, en pleine journée, au milieu de la foule. Pour les gangs mafieux comme celui de Pablo Escobar ou pour des hommes au pouvoir c’est un moyen radical et courant d’écarter la concurrence. 

L’auteur, Vasquez, est le narrateur. Il est fasciné par la mort comme semble-t-il beaucoup de Colombiens : après un meurtre dans la rue, les passants trempent un tissu dans le sang répandu afin d’en garder le souvenir; Vasquez lui y mettra le bout de son soulier. 

Un soir il rencontrera Carballo, un illuminé fanatique de l’assassinat de Gaetan en 1948, qui voit des complots partout et qui lui remettra des documents anciens rédigés à l’époque par Anzola, un jeune juriste, sur l’assassinat en 1914 d’un autre homme politique colombien, Rafael Uribe Uribe. 

Vasquez va se laisser entraîner à devoir écrire un livre « inspiré » à propos de ces deux assassinats, avec en toile de fond l’assassinat filmé de John Kennedy.

Il devra construire une vérité romancée, car c’est un écrivain, forcément différente de celle offerte par les historiens et les journalistes qui peuvent être influencés par des forces obscures. 

Dans une écriture précise, enlevée, envoûtante, Vasquez nous plonge dans les coulisses de ces actions violentes.

Points forts

- La description des assassinats est saisissante. Pour celui de JFK, dont on pensait tout savoir, Vasquez nous maintient en haleine et on se précipite sur YouTube pour regarder « The Zapruder film ».  

- Les enquêtes sur la construction de manipulations d’Etat sont remarquables. Carballo est un adepte de la « théorie des complots » et il nous convainc presque que les tours du World Trade Center ne se sont pas effondrées à cause des avions ou que Diana est n’est pas morte dans un banal accident de voiture. Et on peut maintenant penser que le Lusitania n’a pas été torpillé par hasard, motivant l’entrée des Etats-Unis dans la Grande Guerre...

- Le rythme est haletant. Vasquez rend bien l’atmosphère de terreur qui règne à Bogota et comment la population s’en accommode.

Quelques réserves

Il y a beaucoup d’alternances, digressions et répétions comme dans une enquête policière fouillée. Le procédé est sans doute incontournable pour donner son volume et sa trame au roman, mais c’est très long à lire.

Encore un mot...

Ce livre offre une excellente réflexion sur la façon dont les témoins oculaires percoivent un événement violent et comment le pouvoir en place reconstruit le scénario suivant ses objectifs politiques. On aimerait que Vasquez écrive un roman sur l’assassinat de Jaurès !

Une phrase

"Chercher la vérité n’est pas un passe-temps vous savez. Ce n’est pas quelque chose qui vous occupe parce que vous êtes désœuvré. Ce n’en était ni pour Anzola ni pour moi. Je parle sérieusement, Vasquez, alors préparez-vous à ce que vous allez voir ici les jours prochains, entre ces quatre murs. Quand vous connaîtrez cette histoire, vous ne penserez plus de la même façon. Ce qui est arrivé à Anzola les années suivantes a bouleversé sa vie. Ne vous attendez donc pas à sortir d’ici comme si de rien n’était. Personne ne sort indemne de ce genre d’histoire".

L'auteur

Né en 1973 en Colombie, Juan Gabriel Vasquez fait ses études de droit en Colombie puis de Lettres à Paris. Il habite ensuite Barcelone avant de retourner en Colombie en 2012.

Il est, à l’origine, un journaliste littéraire talentueux, qui va se découvrir un grand talent d’écrivain pour parler de la Colombie passée et présente. 

Sans nul doute, la force de l’écriture de Vasquez dans « Le corps des ruines » le propulse dans le club des grand écrivains sud-américains. 

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