Titus n’aimait pas Bérénice

Bérénice 2015: bouleversant et magnifique.
De
Nathalie Azoulai
Editions POL
Notre recommandation
4/5

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Lu
par Culture-Tops

Thème

“Dans un mois, dans un an, comment souffrirons-nous,

Seigneur, que tant de mers me séparent de vous?

Que le jour recommence, et que le jour finisse,

Sans que jamais Titus puisse voir Bérénice,

Sans que de tout le jour je puisse voir Titus?”

Racine, Bérénice, 1670.

 

Au premier siècle après Jésus-Christ, Titus s’éprend de Bérénice, reine de Palestine. Devenu empereur de Rome, il ne peut épouser une étrangère et la renvoie chez elle, “invitus invitam”, malgré lui et malgré elle (Suétone, Vie de Titus).

En 1670, Jean Racine fait de cette histoire une tragédie à la tristesse majestueuse,Bérénice, qui émeut jusqu’au roi Louis XIV.

      Nathalie Azoulai choisit pour son exercice de réécriture le monde d’aujourd’hui: Titus aime Bérénice, mais il rompt avec elle dans un café, pour rester fidèle à sa femme Roma, la mère de ses enfants. De cette rupture, Bérénice ne se remettra jamais vraiment: le roman est l’histoire bouleversante et magnifique d’un abandon et du chagrin de l’amour.

Histoire originale et surprenante également, car elle est un va-et-vient entre le présent du chagrin d’amour, et le passé dans lequel la Bérénice de Nathalie Azoulai décide de se plonger, allant puiser aux délices des vers raciniens pour en abreuver sa douleur. Son obsession de Racine va si loin que son chagrin prend rapidement les contours d’une forme de biographie: avec l’héroïne, nous sommes alors immergés dans le Grand Siècle, pour suivre l’ascension fulgurante de Racine, depuis l’austère Port-Royal jusqu’aux fastes de la cour.

Points forts

Ce roman est une très belle méditation sur l’amour et sur la douleur de la perte. Nathalie Azoulai surprend par le talent qu’elle déploie pour pénétrer avec sensibilité, tendresse et précision les replis et les méandres de l’âme humaine.

Il constitue également une très belle enquête sur la vie intérieure de Jean Racine: comment un orphelin à l’éducation janséniste a-t-il pu créer des héroïnes tragiques telles que Bérénice, Phèdre, Andromaque, et tant d’autres?

On apprécie enfin un certain humour chez Nathalie Azoulai et une distance vis-à-vis de son sujet: “ Racine, c’est le supermarché du chagrin d’amour”.

Quelques réserves

Tout ce qui concerne la vie intérieure de Jean Racine reste du domaine de l’hypothèse

Encore un mot...

Les amoureux de Racine liront ce roman avec délectation. Pour les néophytes ou pour ceux que l’on aurait fâchés avec Racine sur les bancs de l’école, c'est une excellente occasion de faire ou de refaire connaissance!

Une phrase

“Quand la mort emporte celle que vous aimez, elle a beau l’enlever, elle ne vous enlève rien d’autre, tandis que l’abandon pur et simple vous retire tout d’un coup en jetant sur le tout premier serment la lumière noire du mensonge".

L'auteur

Nathalie Azoulai est normalienne et agrégée de lettres. Après avoir travaillé dans l’enseignement et dans l’édition, elle publie en 2002 un premier roman remarqué,Mère agitée, suivi par d’autres. Titus n’aimait pas Bérénice a été sélectionné pour les prix Goncourt, Médicis et Fémina 2015.

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