Notre Amérique, Troisième Mouvement, L'été sera rouge

« xx »
De
de Kris et Maël
Ed. Futuropolis, 2020
56 p.
16 €
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Thème

Juin 1919. Max, Julien, Tina et Max arrivent par le train à Chicago. A peine ont-ils posé le pied sur le quai qu’éclate une fusillade qui transforme la gare de la capitale du Midwest en champ de tir où s’affrontent en une mêlée sanglante anarchistes, gangsters et membres du FBI. Max et blessé. Ils en réchappent de justesse puis se réfugient dans le quartier polonais où un vieux médecin désabusé soigne Max tout en levant le voile sur une partie de son passé. 

Ils sont alors pris en charge par une ancienne connaissance, Guido, et son oncle « Big Joe », le plus gros parrain de Chicago. Ceux-ci leur proposent de porter le fer de la révolution au cœur du quartier des abattoirs, « The Yards », cet « enfer de la viande », ce « terminus de la nation », ce « quartier des multitudes abattues et de la corruption », symbole de l’exploitation capitaliste effrénée alors à l’œuvre aux Etats-Unis.

Points forts

Il y a cette scène d’ouverture somptueuse qui se déroule sur les marches de l’escalier monumental du hall principal de la gare de Chicago. Ce morceau de bravoure graphique rend hommage tout en la magnifiant à la scène qui l’a inspiré, tirée de l’inoubliable Les Incorruptibles, titre original The Untouchables, Brian de Palma, 1987. Les auteurs avaient procédé de même en ouvrant le tome 2 de la Saga, Un Printemps Mexicain, par une scène d’attaque de train faisant écho à une scène similaire tirée des Cavaliers, titre original, The Horse Soldiers, John Ford, 1959.

Il y a le tempo toujours démoniaque du scenario de Kris qui nous emmène sur un rythme effréné des champs de bataille du premier conflit mondial aux speakeasy et abattoirs de Chicago, en passant par le Paris de l’après-guerre, les bassins humides du port de Rouen, une traversée rocambolesque de l’Atlantique, l’aridité des déserts mexicains, une traversée clandestine du Rio Grande, une embuscade en forme de massacre digne de la scène finale de La Horde Sauvage - titre original The Wild Bunch, Sam Peckinpah, 1969 -,une tempête dans le Golfe du Mexique, les mystères des villes fantômes Pueblo…

Il y a ce trio de héros marqué au fer rouge d’un destin implacable si bien résumé par Max : « On n’échappe pas au désir de se battre… ni à la réalité d’être vaincu. » Il y a la voix off de cette histoire fournie par cette jeune femme partie sur leurs traces plus de vingt ans après et dont la quête laisse présumer que la trajectoire de ce trio n’a pu s’achever que de façon tragique.

Il y a le dessin de Maël, ce style inimitable, dit « tremblé », forgé au feu de Notre mère la guerre. Sa vibration unique irrigue chaque case de l’album pour donner naissance, entre autres, à une magnifique galerie de personnages secondaires.

Quelques réserves

Difficile d’en trouver. Que dire ? Que l’on attend la suite avec impatience la fin de la série tout en la redoutant ? Que l’on aimerait savoir quel est le rôle du mystérieux Craven, lointain cousin de Klaus Kinski, dans la trajectoire de Max, Julien et Tina ? Que l’on aimerait que l’unité du trio soit capable de résister à l’usure du temps et des échecs ?

Encore un mot...

« Les plus désespérés sont les chants les plus beaux » disait Alfred de Musset. Il y a quelque chose de cet ordre dans la trajectoire de Max, Julien et Tina. Comme une impossibilité existentielle à accepter l’inéluctable, la fatalité de l’écrasement des libertés individuelles et populaires par le rouleau compresseur, la machine à broyer du cynisme, du profit, du rationalisme, du raisonnable. Quitte à choisir la voie de la violence et des armes, quitte à continuer à se lancer dans des combats perdus d’avance pour incarner cette forme de romantisme fondamental.

Une illustration

L'auteur

Kris : nous avions déjà présenté Kris dans la chronique d’Un Maillot pour l’Algérie, éd. Aire Libre, 2016 à laquelle je vous invite vous référer. Que dire de plus si ce n’est qu’il poursuit depuis trajectoire talentueuse et engagée comme en attestent des ouvrages tels que la série Violette Morris, pour laquelle il retrouve ses complices d’un Un Maillot pour l’Algérie, éd. Futuropolis, 2018-2019.

Né près de Grenoble, Martin Leclerc, dit Maël, manifeste très tôt un goût prononcé pour la BD puis que son projet d’enfant était de recopier l'intégrale de Lucky Luke, virer Morris et prendre sa place. Egalement passionné musique, Maël se partage entre un groupe folk-rock HitchcockGoHome! et le dessin de BD. A ce titre, sa rencontre avec Didier Convard en 2003 aura été un déclencheur. Si Les Rêves de Milton réalisé avec Sylvain Ricard et Frédéric Féjard, éd. Aire Libre, 2005-2006, lui apporte une première notoriété ; c’est le magnifique Notre Mère La Guerre avec Kris au scénario, 2009-2015, qui l’installe définitivement parmi les auteurs qui comptent.

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Fred Campoy, scénario et dessin et Mathieu Blanchot, dessin et mise en couleur, d'après la biographie de Marie Madeleine Peyronnet