Ric Hochet (les nouvelles aventures de), Tome 5. Commissaire Griot

RIC HOCHET, LES REBONDS D’UN MYTHE
De
Scénario : Zidrou, Dessins : Van Liemt
Notre recommandation
4/5

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Thème

Voici donc le 5ème tome de la série des Nouvelles Aventures de Ric Hochet. Commençons par resituer le personnage. Ric Hochet est créé au début des années 60 dans le Journal de Tintin par le tandem Tibet et Duchâteau. 78 albums vont se succéder entre 1963 et 2010, année de la disparition de Tibet. Duchâteau, lui, s’est éteint l’an dernier. Cet album lui est dédié.

Ric Hochet est un jeune reporter au journal La Rafale qui aide son ami le commissaire Bourdon à résoudre des affaires criminelles. Bourdon représente l’archétype du vieux policier vite dépassé, mais heureusement aidé par le perspicace et dynamique Ric. Au fur et à mesure des épisodes, les aventures vont prendre un tour de plus en plus fantastique, mais avec toujours des explications rationnelles. Avec le temps, la série tombe dans l’oubli en raison d’intrigues de moins en moins en moins passionnantes et d’une qualité graphique en baisse. Mais les premiers albums ont marqué l’histoire de la BD franco-Belge, en particulier celle du journal de Tintin.

Zidrou et Van Liemt ont eu la belle idée de donner une seconde jeunesse au héros, avec la parution en 2015 de R.I.P.. Ric !, premier tome de ces nouvelles aventures. Cet album est un petit bijou, tant dans la construction du scénario que la réalisation graphique. Il impose d’emblée une nouvelle recette de succès pour le journaliste-détective : intégrer les codes de la série d’origine pour mieux les parodier et les rajeunir. Les auteurs jettent ainsi un regard décalé sur cette période, en s’amusant des travers des Français des années 60-70.

C’est particulièrement vrai dans cette nouvelle aventure, Commissaire Griot. Dans le cadre d’un échange entre les Polices Françaises et Sénégalaises, le commissaire Bourdon va se rendre en mission pendant deux mois au Sénégal, tandis que son homologue africain, le commissaire Ousmane Dior va faire le chemin inverse vers la France. Dans le cadre de leurs missions respectives, l’un et l’autre vont être confrontés à des affaires criminelles. Les plus spectaculaires ont lieu en France, où le commissaire Dior va affronter deux meurtriers très spectaculaires dans leurs modes opératoires. Heureusement, il bénéficiera de l’aide de Ric Hochet et de Nadine, nièce du Commissaire Bourdon, petite amie de Ric, et personnage récurrent de la série.

Points forts

Après deux albums moins convaincants, ce dernier opus de la série marque le retour en forme du jeune journaliste. Les 3 enquêtes qui s’entrecroisent, les deux du Commissaire Dior à Paris et celle de Bourdon au Sénégal, tiennent le lecteur en haleine, même si on a l’impression qu’elles servent surtout de prétexte au scénariste Zidrou pour s’amuser des codes de la France de ces années 60-70. Ce jeu n’est pas sans risque. La France est à peine sortie de sa période coloniale dont beaucoup de Français gardent la nostalgie. Le racisme y est ordinaire. Les auteurs le symbolisent dès les premières cases, en y intégrant la célèbre publicité de l’époque pour le cacao Banania et son slogan : « Y a bon Banania » (voir l’illustration de cette chronique). A l’époque, le sentiment de supériorité vis-à-vis d’Africains considérés comme de braves indigènes était monnaie courante. L’inspecteur Ledru, fidèle adjoint du Commissaire Bourdon, lui aussi personnage récurrent de la série, incarne par ses remarques ce racisme ordinaire. « Avoir pour supérieur un homme de race inférieure » déclare-t-il sans problème à Ric Hochet quand on l’oblige à travailler sous les ordres du commissaire Dior.

Le personnage du commissaire Dior est également une très belle réussite. Il oppose à ce racisme permanent un flegme à toute épreuve et un talent oratoire, mélange d’humour et de répartie, qui illustre le titre de cet album Commissaire Griot. Le Griot, dans la tradition africaine, est un barde chargé de la transmission orale de l’histoire de sa communauté.

Dans la continuité des albums précédents, le dessin de Van Liemt, très classique, est de grande qualité et fidèle au trait original de Tibet. Il contribue au charme du renouveau de cette série.

Quelques réserves

A jouer avec les codes de l’époque, les auteurs sont toujours au bord de la ligne jaune et l’on est un peu mal à l’aise avec certaines situations où la caricature forcée se retourne contre les auteurs. Ainsi lorsque le commissaire Bourdon enquête dans le petit village du Sénégal où il a été envoyé, il se retrouve confronté à un environnement empreint de superstition et de naïveté. Ou encore lorsque le même commissaire Bourdon fait preuve envers les policiers sénégalais d’une condescendance dérangeante qui semble être avalisée par le scénario.

Je disais dans mon introduction que les enquêtes originales de Ric Hochet étaient marquées par un fantastique qui trouvait toujours une solution rationnelle. Ici, l’histoire casse ce code historique en introduisant du « vrai » surnaturel. Je trouve cela un peu facile, et même un peu décevant de la part d’auteurs qui se veulent tellement fidèles à l’esprit des créateurs, Tibet et Duchâteau.

Encore un mot...

La lecture de ce dernier Ric Hochet devrait vous procurer un agréable moment pour peu que vous soyez, comme moi, un fan de la série originale. D’abord, vous découvrirez une solide intrigue policière, et même, plusieurs intrigues entremêlées, menées avec clarté et dynamisme. Puis vous vous attacherez à ce nouveau personnage du commissaire Dior, savoureux manieur de mots. Enfin, pour les plus jeunes, vous découvrirez la France de vos parents, du moins dans sa version très caricaturale, où le racisme ne s’appelait pas encore racisme. Pour clore cette rubrique avec une note positive, cela nous montre le chemin parcouru depuis, y compris et surtout, par la jeune génération de cette époque (et boomers d’aujourd’hui pour reprendre une expression à la mode), pour redonner leur place à tous les genres et à toutes les couleurs de peau.

Une illustration

L'auteur

Né en 1962 à Bruxelles, Benoît Drousie, dit Zidrou, est découvert avec L'élève Ducobu, aux éditions du Lombard, qui s'impose comme un véritable best-seller. Les tribulations de ce cancre sympathique, certainement inspiré par les années passées à enseigner, séduisent un très large public et révèlent Zidrou comme un gagman de choix. Dix ans après ses débuts, le scénariste a l'envie d'explorer des pistes plus adultes. Il écrit plusieurs scénarios, sombres, qui dans un premier temps ne reçoivent qu'un écho restreint. En 2009 et 2010, Dupuis publie deux recueils de ses nouvelles en bande dessinée qui remettent en lumière cette face méconnue de son inspiration. En 2010 toujours, Zidrou écrit pour Jordi Lafebre Lydie (chez Dargaud), une poignante histoire de famille qui est unanimement acclamée. Depuis cette réussite, Zidrou se partage entre des séries familiales humoristiques et des histoires plus tortueuses, parvenant toujours à ajouter beaucoup d'humanité à ses récits, quelque ce soit le genre abordé.

J’ai eu l’occasion de chroniquer ses albums à deux reprises sur Culture-Tops, avec L’instant d’après et La bête, toutes deux chez Dupuis. Vous pourrez retrouver ces chroniques sur ce site.

Né un 2 octobre, Simon Van Liemt est un jeune artiste, qui a commencé sa carrière de dessinateur comme illustrateur dans le milieu de la publicité. Il fait ses premières armes de dessinateur bande dessinée dans Lanfeust Mag, le magazine de Soleil, pour lequel il réalise la série Starship Princess. Il travaille également au Studio Gottferdom aux côtés d'Arleston, Pellet, Latil et Nhieu. Incantations est son premier album de bande dessinée qui est paru en juin dernier sur un scénario de Derrien. Dans cette première série, l'auteur se montre surprenant de maturité et d'aisance graphique. Une belle carrière commence...

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