Berthe Morisot et l’art du XVIIIe siècle
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Berthe Morisot est une figure connue à plusieurs titres : première femme peintre attachée explicitement au mouvement impressionniste à la fin du 19e siècle, elle fut aussi l’épouse d’Eugène Manet et l’une des grandes muses de son beau-frère Edouard Manet.
Le fait que sa vie privée soit aussi célèbre que ses œuvres, souligne combien il a été difficile pour l’artiste de pratiquer son art, dans un monde encore très réticent à la création féminine.
Jusqu’au XVIIIe siècle, les femmes n’avaient pas accès à un enseignement artistique en dehors du cercle familial, ce qui empêchait l’émergence de femmes peintres en dehors des familles d’artistes. Berthe Morisot est l’une des premières peintres à être issue d’une bourgeoisie aisée. Son œuvre porte cette empreinte ; l’éducation qu’elle a reçue a formé son œil et forgé ses goûts. En particulier, elle puise de solides références dans la création du XVIIIe siècle.
L’exposition permet de découvrir en quoi son travail a été fortement marqué par ces influences, dans une sorte de filiation symbolique avec des peintres comme Watteau et Fragonard tout en affirmant une singularité et une modernité qui font de Berthe Morisot, un des peintres majeurs du XIXe siècle.
Le chemin parcouru est d’autant frappant que les thèmes de ses toiles, surtout des portraits familiaux et des vues domestiques, témoignent du champ limité d’expression de l’artiste du fait de son statut prioritairement affirmé d’épouse et de mère.
Points forts
Ce qui frappe immédiatement tient en quelques mots : délicatesse, grâce, finesse, lumière, féminité.
Si Berthe Morisot n’est pas la seule des Impressionnistes à avoir trouvé une inspiration dans les peintures, notamment galantes, de Boucher ou de Fragonard, elle apporte indéniablement une touche nouvelle toute en élégance et en modernité.
Si les thèmes demeurent, leur expression est marquée par une transparence inégalée que l’on trouve aussi bien dans les pastels que dans les huiles de l’artiste.
L’originalité des compositions, des cadrages en gros plan, des expressions des modèles, l’attrait pour les toiles « non finies » qui évoquent une fugue musicale, les associations de nuances audacieuses pour donner vie à un reflet, sont aussi la marque d’une modernité et d’un regard féminin différent qui éclairent les portraits de femmes d’une lumière intérieure profonde, dans une sororité inédite.
Il émane de la palette subtile de Berthe Morisot, toute en blanc, gris, rose, bleu, une légèreté et une sensibilité uniques, comme si le souffle aérien des modèles ou la brise des jardins traversaient la toile dans une intimité en miroir avec le spectateur.
L’exposition réussit également son pari de resituer l’œuvre de Berthe Morisot dans un continuum artistique, grâce une mise en perspective historique très documentée.
Quelques réserves
Aucune réserve pour cette exposition captivante.
Encore un mot...
C’est toujours un bonheur de traverser les collections permanentes de ce superbe hôtel particulier du XIXe dont certaines pièces sont meublées ; un voyage qui vous emmène jusqu’au jardin de Monet à Giverny.
Et de très jolis produits dérivés dans la petite boutique peuvent inspirer de beaux cadeaux originaux pour les fêtes.
Une illustration
Une phrase
« Avec des natures comme celle de vos filles, ce ne sont pas des petits talents d'agrément que mon enseignement leur procurera ; elles deviendront des peintres. Vous rendez vous bien compte de ce que cela veut dire ? Dans le milieu de la grande bourgeoisie qui est le vôtre, ce sera une révolution, je dirais presque une catastrophe. Êtes-vous bien sûre de ne pas me maudire un jour ? »
Lettre du Professeur Joseph Guichard à Madame Morisot dans Berthe Morisot par Armand Fourreau, Paris, 1925
L'auteur
Berthe Morisot (1841-1895) naît à Bourges d’un père Préfet du Cher.
M. Morisot devenu banquier, la famille s'installe à Paris au début des années 1850.
Les sœurs Morisot reçoivent une éducation soignée, notamment des cours de peinture. Elles rencontrent Edouard Manet dans le petit cercle des copistes du Louvre.
Une première toile de Berthe est exposée au Salon de 1864.
De tempérament indépendant, la jeune femme fréquente ensuite l’avant-garde artistique et est la seule femme cofondatrice du Mouvement des Impressionnistes en 1874. La même année, elle épouse Eugène, le frère d’Edouard Manet. Leur fille unique Julie, qui deviendra son modèle privilégié, naît en 1878.
Son mari sera dès leur rencontre, un ferme et constant soutien de Berthe dans son cheminement artistique.
Les années 1890 sont celles de la maladie ; l’artiste est déjà pleinement reconnue comme l’une des grandes figures de l’avant-garde impressionniste. Elle meurt en 1895.
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