Eugène Boudin, le père de l’Impressionnisme : une collection particulière

Exposition événement sur le « Roi des ciels ». Trois heures de bonheur absolu
Notre recommandation
5/5

Infos & réservation

Musée Marmottan Monet
2 rue Louis Boilly
75016
Paris
01 44 96 50 33
Jusqu’au 31 août 2025. Du mardi au dimanche de 10h à 18h Nocturne le jeudi jusqu’à 21h.

Thème

Le peintre des ciels, « père de l’impressionnisme », sort de la pénombre pour apparaître en pleine lumière au musée Marmottan, autrement dit dans la maison de Monet. 

Un éblouissement. Les 90 toiles du maître, prêtées pour 80 d’entre elles par le collectionneur Yvon Guyonvarc'h, nous font rêver depuis les Marines du vieux bassin de Honfleur  jusqu’aux Jolis trois mâts en pleine mer au Havre en passant par les plages animées de Deauville et de Trouville. 

Partout le ciel est à l’honneur. Boudin est, en effet, selon les mots de Gustave Courbet, le « Séraphin » ou mieux encore, selon Corot, le « Roi des Ciels », compliment passé à la postérité tant il restitue bien l’habileté du peintre pour saisir  le flux des vents et le mouvement des nuages.

Boudin était habité par l’étude de la lumière et fasciné par les grands ciels (occupant toujours environ 1/3 de la toile). On raconte qu’il poursuivait les nuages du ciel et les bateaux, le pinceau à la main, accompagné du jeune Jongkind. Jongkind et Boudin étaient déjà les deux pionniers qu’admirait la jeune garde. Tandis que Boudin est aujourd’hui loué dans le monde entier, la notoriété du second, célébré par Signac, est moindre auprès du grand public. 

Le dernier mot reviendra à Claude Monet qui dira : « Je dois tout à Boudin, je considère Eugène Boudin comme mon maître ». Les confidences du jeune Monet dans une correspondance évoquent, littéralement, un coup de foudre : « Je regardais Boudin travailler en plein air, ce fut tout à coup comme un voile qui se déchire, je fus envahi par une profonde émotion, je fus illuminé !»

Points forts

Ce sont, certes, les innombrables scènes de plages normandes, elles se ressemblent toutes à première vue, mais toutes sont différentes : elles illustrent la première civilisation des loisirs de l’époque Napoléon III. La plage de Trouville rivalise sur la toile avec la plage de Deauville : les belles dames en crinoline, les garçonnets en tenue de marin, les cerfs-volants et les petits épagneuls avec la présence incontournable, dans le ciel, de nuages d’un blanc marbré tirant vers le rose, torturés, changeants et légers... 

La Normandie est à l’honneur bien sûr, avec ou sans la mer. Le petit cercle de 4 amis à La Ferme de Saint Siméon avec Jongkind est formidable de vie et d’humanité,  mais la Bretagne plus rustique, plus âpre, avec la vie quotidienne des lavandières et les scènes pittoresques de noces et de Pardons, n’est pas en reste. Boudin fera aussi plusieurs séjours à Venise où sa touche minutieuse lui permettra de restituer la lumière douce, un peu brumeuse, du nord de l’Italie avec une perfection rare.

L’Impressionnisme vient de naître avec ce talent nouveau propre à Eugène Boudin, celui de savoir saisir, sur la toile, au bout de son pinceau, l’instant unique offert par la nature. Capturer un moment précis, capturer un éclat de lumière, capturer la nature par de mini coups de pinceaux, sans continuité apparente, telle est la base du travail de Boudin comme de celui de Monet, un  peu plus tard. 

Découvrons ensemble quelques œuvres caractéristiques : La route de Trouville, 1855; Sur la Plage, 1860; L’embarcadère et la jetée de Trouville, 1863; La jetée de Trouville, 1864; Tempête  à l’approche, 1864; Le port du Havre, 1882. Laveuses au bord de la Touques, 1885; Trouville, La jetée à marée haute, 1888 (le trait s’affine, les contrastes s’affirment); Corvette russe dans le port  du Havre, 1887. Nos préférées ? Surtout Crinolines sur la plage, 1863 (pour le détail); L’impératrice à la plage, 1863; La Plage à Trouville, 1864/1865 (le petit chien est là, le cheval aussi); Trouville, scène de plage, 1874. Et Voiliers à marée basse, 1892.  

Quelques réserves

Point fort ou point faible ? 

Le côté répétitif, obsessionnel, de l’accrochage et des œuvres qui ne lasse pas mais agit comme une drogue. On peut vite devenir addict, de toile en toile, et en même temps se laisser prendre au jeu, à un jeu qui pourrait s’appeler « Chercher l’erreur » ou au plus classiquement « La différence », avec l’œuvre de Claude Monet, par exemple avec La Plage de Trouville, 1870, plus intimiste. Plus de ciel chez Boudin,  plus de perspective chez Monet, deux visions du monde mais la même technique « impressionnante ».

Encore un mot...

Des souvenirs qui resteront gravés : un premier coup de cœur, celui du collectionneur Yann Guyonvarc'h qui a initié ses achats avec un tableau tardif, de dimensions modestes Plage de Deauville de 1893, acquis en 2007 à la foire de Maastricht. Il a constitué depuis la plus vaste collection d’Eugène Boudin au monde.

Une autre émotion, plus personnelle, celle  d’un chroniqueur breton, auteur de ces lignes, devant un des seuls tableaux de Boudin qui tranche (4 femmes en coiffe, sans ciel) : Etude de Bretonnes, 1862. C’est la rencontre de cet amateur également breton et fou de Boudin avec l’expert Laurent Manoeuvre (le frère du critique du Jazz, spécialiste des Stones) qui est à l’origine de cette exposition consacrée au père de l’Impressionnisme au musée Marmottan Monet.

Trois heures de bonheur absolu qui se concluent par deux toiles exécutées au crépuscule de la vie  du maître : la peinture des gondoles sagement alignées à Venise sous un pâle soleil ou, à l’opposé, Venise, le Campanile, le Palais Ducal  (une symphonie de bleus).

Une illustration

Eugène Boudin La Plage à Trouville 1863 Collection de M. Yann Guyonvarc’h © Studio Christian Baraja SLB

Une phrase

D’Eugène Boudin à Paul Durand-Ruel, son principal marchand et ami, alors en difficultés financières, « Croyez que je serais très heureux de vous voir surmonter les difficultés de la situation et de vous voir mener à bien une entreprise aussi ardue que celle d’apporter la lumière à des talents nouveaux et de les faire accepter par un public aussi difficile que l’est le nôtre. Nous serions tous de grands ingrats si nous méconnaissions les services que vous nous rendez et les efforts que vous tentez dans notre intérêt commun. » (Eugène Boudin dans le Figaro H.S.).

L'auteur

(d’après Jean-Marie Tasset

  • 12 juillet 1824, naissance d’Eugène Boudin, fils du marin Léonard Sébastien Boudin. Ses premiers maîtres seront Constant Trognon, Jean-François Millet. Corot, ce sera un peu plus tard ! Monet commencera par être son élève !
    La technique de Boudin va s’affirmer assez tôt avec ses fameuses touches rompues et des notes « atmosphériques ». Il enterre définitivement le style académique et les cieux allégoriques. Aux yeux de ses artistes contemporains, il devient peintre de la substance et non de la rêverie. Fils et petit-fils de marin, il acquerra une expérience de mousse sur le bateau de son père entre Le Havre et Hambourg puis il entre à l’Ecole des Frères Chrétiens et reçoit un prix de la calligraphie et débute sa carrière comme encadreur chez un éditeur imprimeur qui ira jusqu’à lui offrir sa première boîte de couleurs en 1842.
  • 1844, 20 ans, il décide de se consacrer entièrement à la peinture.
  • 1862 : première vente aux enchères. Boudin y met en vente une dizaine de tableaux, paysages de la tourmente, marines… C’est un échec qui le sauve et le libère. Boudin explose en découvrant sa vraie nature, la méditation ! Il épouse Marie Anne Kenneth.
  • 1865 : exposition dans un salon de sa première Plage de Trouville. Succès ! Boudin devient le peintre des plages reconnu et estimé de tous.
  • 1870 /72 : la Bretagne  est à l’honneur (Daoulas, Landerneau, Plougastel), Boudin découvre les paysages enchanteurs, marines, ports, bateaux ; il pousse jusqu’à Bordeaux et même Rotterdam.
  • 1874 : c’est l’explosion de l’Impressionnisme avec l’expo chez Nadar, organisée par Monet avec Cézanne et Degas. Durand-Ruel achète toutes les toiles de Boudin et les expose. C’est l’enchantement pour Boudin qui se fait construire une maison à Deauville en 1884.
  • 1886 : première grande exposition impressionniste à New York. Boudin y participe avec 23 œuvres. Les autres grands peintres se joignent à lui : Renoir, Sisley, Pissarro, Caillebotte, etc…
  • 1888 : grandes ventes à Drouot, les amateurs s’arrachent 60 tableaux, 30 pastels, des aquarelles… L’Etat commande et achète. Ainsi la fameuse Corvette  russe dans le bassin de l’Eure pour le musée du palais du Luxembourg.
  • 1890 : Durand-Ruel organisent de grandes expositions à Boston et à Paris. On lui remet  la croix de la Légion d’honneur.
  • Mai 1895 : Boudin retourne à Venise où il peindra 75 œuvres.
    Son dernier tableau  La baie des fourmis  sera réalisé à Beaulieu dans le sud de la France.
  • Août 1898 : Eugène Boudin s’éteint en Normandie ; il sera inhumé au cimetière Saint-Vincent de Montmartre ; il venait d’écrire à un ami : « le voyage à Venise aura été mon chant du cygne. »

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