La Jeune Fille au chevreau

Intelligence et brio pour une période historique si délicate : l’épuration
De
Jean-François Roseau
de Fallois - 276 pages
Notre recommandation
4/5

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Thème

Roman historique avec, en toile de fond, Nîmes, l’Occupation, la Libération et son épuration. L’auteur y mêle habilement la fiction (l’initiation sentimentale d’un adolescent) et la réalité (le procès d’une jeune femme accusée d’intelligence avec l’ennemi).

Points forts

On sait la délicatesse avec laquelle il est convenu d’aborder cette période sensible et notamment le temps de l’épuration, ce tabou dont il faudra bien un jour étaler la bestialité. Jean-François Roseau aborde ce thème avec un grand sens de l’équilibre et toute la nuance qui s’impose, ne dissimulant rien des turpitudes des uns et des lâchetés des autres. Aux horreurs commises par les SS (la pendaison de 15 camisards sous les ponts marquant l’entrée de la ville de Nîmes en mars 1944) répondent la violence inouïe des règlements de compte à la Libération (77 exécutions à Nîmes en septembre 1944, dont 45 en l’espace de seulement 10 jours). Spectateur plutôt qu’acteur, le personnage principal, baptisé « Le petit Pygmalion », subjugué par la beauté d’une statue réalisée en 1926 par le sculpteur Marcel Courbier ornant les Jardins de la Fontaine – La Jeune fille au chevreau, tombe amoureux de son modèle, devenue sous l’Occupation une jeune femme dont la conduite ambigüe suscite tout à la fois une réprobation légitime, l’envie et la jalousie en dépit des services indiscutables qu’elle peut rendre à certains en intervenant auprès du commandant des troupes allemandes occupant la ville (dont elle est – peut-être – sans doute - la maitresse). La fin ne peut qu’être tragique. Jean-François Roseau nous y conduit avec intelligence et brio.

Quelques réserves

Seuls les amateurs de suspens seront susceptibles d’éprouver une certaine déception. Tout est en effet écrit à l’avance et la quatrième de couverture ne dissimule rien de l’issue des événements. Cette histoire est tragique et la tragédie ne peut que suivre son cours, inexorablement.

Encore un mot...

Un roman qui nous emporte loin des misérables autofictions dont nous abreuvent désormais les auteurs à la mode. Ouf !

Une phrase

« Dès six heures, il s’était posté à l’entrée de la citadelle en espérant la voir une dernière fois, presque seul avec elle au cours de retrouvailles improvisées. Mais c’était sans compter l’attrait fascinant de la mort aux yeux des hommes. Jamais il n’aurait cru trouver tant de gens réunis pour un spectacle hideux dont le procès n’avait été qu’un prélude attrayant. Apparemment, les habitants de la ville s’étaient passé le mot. Croyant attendre seul, il fut mêlé à ce public d’inconnus de tout âge, levés à l’aube pour semer leurs crachats sur le passage de la sorcière. Il y avait des vieux, des jeunes, des femmes et des enfants. Ça bougeait, ça riait, ça fumait. Ce monde grouillait comme un amas de vers attirés par l’odeur d’un cadavre. »

L'auteur

Né en 1989, Jean-François Roseau a déjà publié quatre romans dont La Chute d’Icare (Éditions de Fallois, 2016, disponible en Folio), prix François-Mauriac de l’Académie française, et Une comédie à la française (Éditions de Fallois, 2018), satire de notre vie politique.

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