La main sur le coeur

Mais qui est l’hidalgo sur le tableau du Greco ? Le récit romanesque d’une belle amitié masculine
De
Yves Harté
Le cherche Midi, “Les Passe-Murailles”
Parution le 25 août 2022
156 pages
18,50 €
Notre recommandation
4/5

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Thème

Le célèbre portrait réalisé par le Greco dans les années 1580 du « Chevalier à la main sur le coeur » est-il celui de Juan de Silva, comte de Portalegre, condottière et soldat perdu, ou celui de son cousin, Juan de Silva, marquis de Montemayor, riche notable sans envergure, comme le soutient l’affirmation officielle ? C’est la première thèse qui séduit Yves Harté ignorant encore que « l’identité du chevalier divisait le monde en deux catégories : les raisonnables et les rêveurs, les classiques et les romantiques, les prudents et les aventuriers. »

 Alors qu’il parcourt l’Espagne en compagnie de son ami Pierre Veilletet dont le caractère attachant lui paraît coller à la personnalité du guerrier méconnu, il finit par leur trouver de curieuses correspondances, un désenchantement commun : « trop d’exubérance chez l’un, trop de solennité chez l’autre. Mais un semblable ravage intérieur ».

Points forts

  • Une ode à l’amitié masculine « sans obligation de la dire » quand la conscience des défauts de l’un ne génère chez l’autre qu’une indulgence amusée (« j’aimais la façon dont il mentait »).
  • Une Espagne éternelle en voie de disparition, celle des corridas, des hidalgos dépassés et des bourgades brûlées de soleil « débordées par un urbanisme de dortoir ».Un Portugal légendaire où subsiste depuis des siècles le mythe d’un roi errant qui imprègne « l’âme triste d’une nation » (l’intraduisible « Saudade » si joliment évoquée par Dominique de Roux dans son cinquième empire ?)
  • Les concordances entre personnages historiques et modernes, particulièrement bien exploitées avec les mêmes fêlures chez des êtres qui semblent forts :
    - Philippe II, dernier très grand monarque espagnol encore épargné par la consanguinité, qui fait édifier l’Escorial, un énorme monument de tristesse, « un monstre d’équilibre pétrifié », « un songe de pierres grises », pour s’y réserver une chambre minuscule donnant sur le chœur de l’église, où il mourra, le corps ravagé d’ulcères,
    - El Greco, peintre de génie, frustré de ne pas être reconnu pour ce qu’il est par les Grands de son époque, 
    Juan de Silva, bataillant pour son roi jusqu’à y laisser un bras, écarté de la cour par indifférence,
    Veilletet, journaliste éblouissant, d’une culture encyclopédique,  prix Albert Londres, cantonné dans un rôle de rédacteur de presse régionale,
    tous ont une part de mystère ambivalent, tous furent des incompris en manque de reconnaissance, condamnés à finir dans la solitude, sinon l’oubli…

Quelques réserves

Tout en suggestions, cet ouvrage n’est pas un roman historique mais demande au lecteur de bien connaître son XVIe siècle européen.

Encore un mot...

Pour une fois que nous avons une belle histoire d’hommes, une véritable amitié enrichissante et pudique, nous n’allons pas bouder notre plaisir…

Une phrase

« Elle ne sait pas que je cherche un fantôme. Et qu’un notable assuré de ses rentes, fût-il peint par un génie, ne me donne pas ce que je lui réclame. Non pas cette passivité où il se laisse saisir par un artiste qu’il ne regarde pas vraiment, mais un esprit exténué, un homme aux abois empli de chimères qui dévisage son peintre en espérant qu’il lui offrira l’éternité. »P. 45

L'auteur

Né à Saint-Sever en 1954, Yves Harté a été éditorialiste, grand reporter et longtemps rédacteur en chef au journal Sud Ouest. Il a reçu le prix Albert Londres en 1990. La main sur le cœur est son premier ouvrage personnel. Son ami Pierre Veilletet, de 10 ans son aîné, découvert mort sur son lit en janvier 2013, fut responsable de la rédaction de Sud-Ouest Dimanche. Il a également reçu le Prix Albert-Londres.

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