Le monde d'avant

La vie qui va, autrefois, dans une petite ville ouvrière. Une mélodie douce-amère
De
Marc Lambron
Grasset
Parution : février 2023
92 pages
14 €
Notre recommandation
4/5

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Thème

La nostalgie, on le sait, n' est plus ce qu'elle était. Sauf lorsque l'esprit s'éveille, se cabre, puis divague au fil du temps et de l'eau - tiens il s' agit ici des bords de Loire - à quelques coudées du bocage nivernais. 

Dans ce récit,  tous les personnages s'inscrivent d' abord dans une géographie, un paysage. De cuivre et d'acier pour Pierre (le grand père de Marc Lambron), un ouvrier taiseux et dur à la tâche, de granges et d' étables pour Léonie (la grand mère) si économe, qui s' échine, vaille que vaille, à faire bouillir la marmite...

Entre eux,  les mots manquent parfois, mais la tendresse se faufile. Léonie désigne son mari par " le Pierre" et ce dernier la surnomme " la Maman ". Leur morale est celle des gens simples, des cœurs purs, qui " poussent les enfants vers le meilleur."

 Ainsi,  leur fille Jacqueline pourra fuir " les grandes cheminées " de l' aciérie pour aller étudier au collège de Nevers, avant de devenir institutrice. 

Passe aussi le souffle de la grande Histoire (défaite de 40, Occupation, Libération) mais à tire-d' aile, sans trop raboter ou meurtrir  la terre et les gens.Tout  semble immuable : interminables parties de pêche avec les copains de Pierre, qui prolongent la camaraderie de l'usine, joyeuse préparation en famille des confitures et de la tarte aux prunes, bals musette endiablés, où les jeunes paysans tentent maladroitement de séduire "Mademoiselle l' institutrice." 

Avec les trente glorieuses pourtant, la France va  changer. Devenu veuf, Pierre découvre le transistor et le twist, les canapé-lits et le pont de Tancarville, les DS du Général de Gaulle... Ouvrier- philosophe, il restera fidèle à ses plants de tomates et à ce jardin où il fait, selon l' auteur, " chanter les couleurs. "

Points forts

  • Le portrait du grand-père, fier et digne, mais rebelle au paternalisme patronal, alors si courant. A travers cette figure,  Marc Lambron érige un  monument à la classe ouvrière ( autrefois magnifiée dans un film célèbre) " qui allait encore au paradis" , avant de s' éteindre peu à peu...
  • Au cœur de cette France rurale, si proche et si lointaine dans notre mémoire, l'auteur cueille avec gourmandise des bouquets de sensations, d'odeurs, de parfums, puis glane ces petits fragments de conversation qui font le sel de la vie. 

Quelques réserves

La palette est impressionniste, mais Marc Lambron par pudeur peut-être, se contente de restituer les souvenirs et la photo parfois un peu figée du destin de ses aïeux. Le lecteur qui découvre des personnages réels aimerait parfois les faire basculer dans la fiction, pour leur donner un peu plus de chair et d' épaisseur. 

Je reste un peu sur ma faim, mais rappelons qu'il s' agit d'un récit de moins de cent pages.

Encore un mot...

Pas d' ironie mordante dans ce récit, mais comme dans les chansons d'Alain Souchon, une mélodie douce- amère.

L'auteur

Marc Lambron a été élu à l' Académie française en 2014. Journaliste, homme de radio, critique littéraire, il a obtenu le prix Femina en 1993 pour L'Oeil du silence

Sa patte acérée a égratigné Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal à travers de redoutables essais.

Commentaires

Pierre Four
mar 26/03/2024 - 21:41

Cette évocation familiale durant les Trente glorieuse m’a beaucoup ému, une sorte de journal intime par procuration .

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