LA DERNIERE BANDE

Un texte exigeant mis à la portée de tous les coeurs par un immense comédien
De
Samuel BECKETT
Mise en scène
Jacques OSINSKI
Avec
Denis LAVANT
Notre recommandation
5/5

Infos & réservation

Athénée Théâtre Louis-Jouvet
7 rue Boudreau
75009
Paris
01 53 05 19 19
du 07 au 30 novembre 2019 à 20h

Thème

‘La Dernière bande’ raconte le rituel d’anniversaire d’un vieil homme, Krapp. Ce rituel consiste à enregistrer tous les ans une bande magnétique sur un magnétophone, comme on les vendait dans les années 70, où il dresse un état des lieux de son année. Chaque fois aussi, il écoute une bande d’une année passée prise au hasard, ou bien choisie, dans une des nombreuses caisses qui entourent sa table, sans sa turne...

Points forts

■ la performance de Denis Lavant – acteur fétiche de Leos Carax ( Boy Meets Girl, Mauvais sang, Les amants du Pont Neuf, etc.), Denis Lavant est avant tout un homme de théâtre, passé par le Conservatoire, le théâtre de rue et fasciné par le mime. Il habite magistralement son personnage, le vieux Krapp – et on sait que les longues et minutieuses didascalies de Beckett, qui laissent peu de latitude, sont un défi pour un comédien (et pour un metteur en scène) ! Tout son corps, ses expressions sont mobilisés pendant 1h30 par l’étonnant dialogue entre Krapp et sa voix enregistrée. 

■ la singularité de la pièce – Notre société met tout en œuvre pour nous faire oublier que nous finirons tous décatis et seuls. La Dernière bande « raconte » ce dernier âge, et enfonce le clou : l’obscurité entoure, ou plutôt assiège, le personnage ; le mouvement est haché et entravé ; le temps n’est plus qu’un retour sur la voix des bandes précédentes ; il n’y a plus de parole vivante mais des bégaiements, des répétitions et des silences stériles qui s’étirent. Un théâtre fascinant, pour notre XXIe tellement bavard, agité et qui ne veut pas voir sa fin. 

■ l’émotion – On pourrait imaginer que cette pièce, si économe de moyens, est cérébrale et froide. C’est tout le contraire. En écoutant ses voix d’autrefois, Krapp se confronte cruellement à ses « avatars » et fait éclater pour le spectateur tous les scandales d’une vie. Scandale de la jeunesse  (« Difficile de croire que j’aie jamais été ce petit crétin ») comme de la vieillesse (« Que reste-t-il de toute cette misère ? »), du train fantôme des souvenirs qui s’estompent et de l’amour qu’on a laissé passer. Un texte profondément humain.

Quelques réserves

Aucun

Encore un mot...

Il faut aller voir ‘La Dernière bande’ en essayant de balayer tout ce que l’on sait sur Beckett et sur cette pièce, et retrouver la fraîcheur d’un spectateur qui assiste à une création. On est alors entièrement avalé par le présent du comédien et de Krapp, sa solitude désolante et désespérée, et on s’y projette avec une évidence qui n’a rien d’intellectuel. On aura tout le temps, plus tard, en (re)lisant le texte, d’admirer la perfection d’une langue drôle et tragique qui ne laisse rien au hasard quand il s’agit de montrer l’être humain dans l’impasse.

Une phrase

« Ici, je termine cette bande. Boîte – (pause) – trois., bobine – (pause) – cinq. (Pause) Peut-être que mes meilleures années sont passées. Quand il y avait encore des chances de bonheur. Mais je n’en voudrais plus. Plus maintenant que j’ai ce feu en moi. Non, je n’en voudrais plus. »

L'auteur

Samuel Beckett naît à Dublin en 1906. Etudiant brillant, il part enseigner à l’Ecole Normale Supérieure de Paris et décide de s’installer dans la capitale française où il se lie notamment d’amitié avec James Joyce. Il se fera d’abord connaître par son théâtre, puis par ses romans, et recevra le Nobel de Littérature. Traducteur de ses propres oeuvres, Beckett écrira en français et en anglais. Sa langue minimaliste et innovante, son théâtre qui pose sans cesse la question de ce qu’il reste à dire, font de lui un créateur singulier et passionnant.

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