Moâ Sacha

Derrière le "Moâ", un homme lucide, observateur jubilatoire de nos travers
De
Christophe Barbier
Mise en scène
Christophe Barbier
Avec
Christophe Barbier, Chloé Lambert et Pierre Val
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Théâtre de Poche Montparnasse
01 45 44 50 21
Jusqu' au 10 juillet les mardi et mercredi 21h
Lu / Vu par

Thème

• Les spectateurs sont accueillis (et même servis !) dans une salle disposée en cabaret, comme il en existait tant à Paris au temps de la splendeur de Sacha Guitry. Celui-ci (interprété par Christophe Barbier la plupart du temps) doit répondre aux questions d'un juge en cette fin août 1944, car à la Libération il est reproché au flamboyant Sacha sa complaisance envers les autorités d'Occupation.

• Mais ce magicien du bel esprit amène l'interrogatoire sur des terrains plus favorables : ses origines et sa jeunesse, l'amour, ses relations avec les femmes, et notamment le "cinq majeur" composé de celles qu'il épousa (Charlotte son initiatrice, la volcanique Yvonne Printemps, puis Jacqueline, Geneviève et enfin Lana), ses œuvres, théâtrales notamment...

Points forts

  • Christophe Barbier a troqué son écharpe rouge pour une robe de chambre vermillon, et c'est tant mieux. Même si des esprits chagrins peuvent trouver révélateur son intérêt pour un personnage public aussi vibrionnant que superficiel, il faut reconnaître qu'il endosse le rôle de Guitry avec une grande aisance, et soutient la comparaison avec ses partenaires chevronnés, le robuste Pierre Val et l'irrésistible Chloé Lambert, laquelle campe des personnages féminins avec un glamour consommé...
  • Surtout, dans ce spectacle où la bonne humeur est communicative, l'autodérision a droit de cité : des ruptures inattendues nous conduisent au temps présent, où les comédiens, amenés à se détacher des personnages d'époque qu'ils interprètent, en viennent à réclamer le propre rôle de Guitry, et chambrent sans retenue le chroniqueur à l'écharpe rouge qui leur donne la réplique. Personne ne se prend trop au sérieux, ce qui eut certainement plu à Guitry...
  • Les permutations de rôle donnent une constante dynamique à la pièce, l'insertion d'extraits d'œuvres de Sacha Guitry (d'Une Lettre bien tapée à Mon père avait raison) s'opère avec fluidité, car la construction de la pièce est maline et judicieuse. Le public, souvent composé de connaisseurs, apprécie et se laisse aller à des rires fréquents et de bon cœur, ce jusqu'aux salutations finales en deux temps, assez astucieusement troussées...

Quelques réserves

  • Il ne faut pas attendre ici d'approfondissement ni de réflexion poussée sur ce que révèle le cas Guitry sur la collaboration artistique durant l'Occupation : son arrestation et ses deux mois de détention ne sont que des prétextes pour la mise en scène d'un patchwork réjouissant et bien enlevé.
  • Les clefs de compréhension de la personnalité de Guitry – menteur et séducteur compulsif, bisexuel ( ?) – sont effleurées, et le pronom « Moâ » qui donne son titre au spectacle a sans doute peu à voir avec le véritable "Moi" de cet artiste, d'autant que le seul matériau pour le percer à jour réside ici dans ses aphorismes divers et variés, souvent contradictoires et toujours virevoltants. Quelques pistes intéressantes cependant, autour de la relation avec son père, Lucien, et du mystérieux IVe acte de Faisons un rêve, joué une seule fois, en 1916.

Encore un mot...

Le procès de Guitry n'est pas celui qu'on attendait : c'est celui d'un artiste mis en accusation par ses femmes successives et c'est surtout le nôtre, car Christophe Barbier montre avec talent et enthousiasme que le grand Sacha, qui ne cessa jamais de pointer avec esprit les défauts de ses contemporains, souligne encore malicieusement nos travers...

Une phrase

Parmi les nombreux et savoureux aphorismes qui jalonnent le spectacle, on a sélectionné :

«  Je ne suis pas misogyne. Je suis phallocrate, c'est différent... »

« Mon dieu que c'est bête un homme... alors deux ! »

« Quand j'avais vingt ans, on ne changeait pas de siècle tous les deux ans ! »

L'auteur

Christophe Barbier, né en 1916, cultive depuis l'âge de 17 ans une véritable passion pour le théâtre, et s'est essayé tant à l'interprétation qu'à la mise en scène et à l'écriture (Une histoire de la Comédie française, 2012 ; Le Tour du théâtre en 80 minutes, 2017...).

Dans le cas présent, il organise sa pièce autour des classiques de Sacha Guitry (La Jalousie, N'écoutez pas Mesdames, Une paire de Gifles, Quadrille...) mais aussi de ses œuvres plus sombres et méconnues (Françoise, Un sujet de roman), et la truffe des innombrables saillies spirituelles qui firent la réputation de Sacha Guitry, né en Russie en 1885 et mort à Paris en 1957.

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