
Black Legends
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Thème
Au commencement était l’Afrique, car le spectacle débute par l’évocation de ces esclaves venus de là-bas, « déclarés meubles » par le roi de France, et que les traites jetteront sur la place Congo de la Nouvelle-Orléans, où ils se mêlent et avec eux leurs traditions musicales.
Puis résonnent les premiers Work songs rythmant le travail servile dans les plantations de coton ou de tabac du Sud des futurs Etats-Unis : un chef de groupe (Field holler) engage le chant, et ses compagnons d’infortune lui répondent… Dans les paroisses baptistes fréquentées par les afro-américains, l’échange entre l’appel du Pasteur et la réponse des fidèles ne fera qu’entériner la structure couplet / refrain qui s’est inventée !
S ‘ensuivent 36 tableaux menés comme une revue à grand spectacle, qui vont retracer les principaux jalons de l’évolution de la musique noire américaine. On passe en effet du célèbre Cotton Club de Harlem - où officièrent Duke Ellington mais aussi Cab Calloway, lequel popularise le scat avec son célébrissime Hi de ho Man - à la naissance de la soul music sous l’impulsion d’artistes comme Ray Charles, sa politisation dans les années 1960 sous la houlette du Black Panther Party et de la “fierté noire“, que célèbre James Brown dans « I’m black and I’m proud », pour en arriver au rap, avec bien des étapes intermédiaires (Funk, Disco, R‘n’B, Hip hop)…
C’est donc un véritable best of de la musique noire américaine qui nous est ici proposé par la troupe des Black Legends.
Points forts
Toute la troupe possède un talent fou : elles et ils chantent, dansent, jouent la comédie avec un entrain, une envie, un enthousiasme communicatifs. Ils se glissent aisément dans la peau de multiples artistes pour interpréter leurs plus grands succès.
Le choix des 36 morceaux est impeccable, comme celui des artistes qui les ont créés. Certes, chacun a ses préférences et aurait aimé entendre telle ou telle œuvre, mais la sélection est inattaquable car elle est pertinente et illustre à la perfection le propos tenu (voir Encore un mot).
L’ensemble est mis en musique par un orchestre “chaud bouillant“, qui confectionne un écrin magnifique dans lequel évoluent des interprètes déchaînés.
Les transitions parlées sont judicieuses et suffisamment courtes pour ne pas couper le rythme endiablé du spectacle.
La mise en scène, c’est-à-dire principalement les chorégraphies, sont millimétrées et parfaitement exécutées, dans un tourbillon de décors et de lumières éblouissant sans jamais être tape-à- l’oeil.
On a particulièrement noté le soin apporté aux costumes et les “trouvailles“ de mise en scène épatantes pour évoquer par exemple les relations entre la boxe et les Black Panthers à la fin des sixties, ou encore la culture ultra-hédoniste des adeptes du Disco, en transe dans un cube, pour ne rien dire d’une redécouverte surprenante de Donna Summer…
Quelques réserves
Aucune.
Encore un mot...
Black Legends montre bien comment, malgré la ségrégation, les persécutions, les inégalités (passées ou présentes), les Afro-américains ont instillé leurs sons pour en faire la matrice de la plupart des genres de l’histoire musicale des Etats-Unis puis, mondialisation oblige, d’influer à l’échelle planétaire. Au sein des Etats-Unis, la musique reste un vecteur essentiel dans la l’affirmation et la reconnaissance sociétales des noir-e-s, dont le patrimoine artistique nourrit et ne cesse d’enrichir la pop culture.
Cette diffusion débute surtout à partir de la fin du XIXe siècle, quand une bonne partie de la population noire sudiste - émancipée de l’esclavage avec la guerre de Sécession mais toujours ségrégée dans les ex-Etats confédérés – va tenter sa chance dans les grandes villes du nord-est des Etats-Unis, important le blues (à Chicago notamment) qui servira de socle pour la plupart des genres musicaux à venir.
On voit aussi comment cette musique noire oscille au fil du temps entre deux tendances, du reste pas toujours exclusives l’une de l’autre :
d’un côté la foi (Gospell, Negro Spiritual), une déploration (blues) teintée de sensualité (et pour cette raison considérée comme “musique du diable“), puis la revendication protestataire voire contestataire de la soul music au conscious rap : des hymnes inoubliables (Dancing in the street de Martha and the Vandellas, What’s going on de Marvin Gaye) ont ainsi accompagné nombre d’activistes célèbres et anonymes, et ils résonnent dans Black Legends ;
d’un autre côté, l’entertainment, du jazz New Orleans et des big bands (Duke Ellington, Count Basie) qui se danse, tout comme plus tard le Funk et la Disco tournés vers le divertissement (et la cocaïne), sans parler du rock qui eut ses prophètes noirs (Little Richard, Chuck Berry) ni de cette profusion de groupes vocaux féminins (des Supremes aux Ronettes) ou masculins (des Temptations aux Jackson Five) se trémoussant sur des bluettes inoffensives mais harmoniquement impeccables.
Une phrase
« Parmi les comédiens, l’un d’entre eux est américain, d’autres sont descendants d’esclaves : servir ce propos n’en est que plus crucial pour eux. Mais le racisme ordinaire touche tous les artistes. Avec une énergie incroyable, ils incarnent ce théâtre musical bien plus modeste en termes financiers que la plupart des spectacles dans lesquels ils se produisent d’habitude … Et néanmoins, ils ont tous répondu présents. »
(Valery Rodriguez, créateur du spectacle.)Evocation et déploration des persécutions envers les noirs du Sud, malgré l’abolition de l’esclavage :
« Southern trees bear a strange fruit
Blood on the leaves and blood at the root
Black bodies swingin' in the Southern breeze
Strange fruit hangin' from the poplar trees.. »
(Strange Fruits, paroles de Lewis Allan, int. par Billie Holiday, Nina Simone…)Pour le scat et le côté “musique du diable“ :
« Got a gal, named Daisy, she almost drives me crazy
She knows how to love me, yes indeed
Boy, you don't know what she do to me !
Tutti frutti, oh rootie (4 times)
A wop bop a loo bop a lop bom bom. »
(Tutti Frutti, Little Richard)Sur la force et la condition des afro-américaines :
« I ain't no psychiatrist
I ain't no doctor with degrees
But, it don't take too much high IQ's
To see what you're doing to me
You better think ! (think)
Think about what you're trying to do to me
Yeah, think ! (think, think)
Let your mind go, let yourself be free.
Oh, freedom (freedom), freedom (freedom)
Oh, freedom, yeah, freedom ! »
(Think, Aretha Franklin)
L'auteur
- Valery Rodriguez commence sa carrière à Londres. Inspiré par le théâtre musical, il se “challenge“, et décide de monter ses propres projets. Swinging Life, sa première oeuvre, est jouée dans les plus grands théâtres. L’accueil chaleureux réservé à ses projets l’encourage à en créer d’autres.
- Sa fascination pour la culture afro-américaine et caribéenne a donné naissance à Black Legends.
Commentaires
Superbe spectacle, à voir absolument
Spectacle époustouflant avec des artistes remarquables nous avons passé un très bon moment !! A voir absolument
Magnifique : une soirée d’émotion et de grand bonheur. Merci à la troupe.
Magnifique, un pur moment de bonheur à voir et revoir, encore et encore....
J'ai assisté à la représentation du 26 janvier 2024, le spectacle au niveau musical, voix, chorégraphie, costume est de très grande qualité. Cependant j'ai été très mal à l'aise tout au long du spectacle car je venais pour me distraire et passer un moment de détente et finalement je me suis sentie prise à partie dans une histoire qui n' est pas là mienne, je ne suis en aucun cas responsable du racisme des Etats Unis. A aucun moment donné, dans les commentaires on évoque ce sujet , s'il en avait été ainsi je ne serai pas venue.
J'aurai aimé être avertie du contenu, ce qui m aurait évité de me sentir très mal à l'aise et injustement critiquée car oui cela donne le sentiment que nous sommes responsables de la situation passée ce qui n'est pas de notre responsabilité, je crois que l'histoire française est déjà assez lourde à porter...
Spectacle de très très grande qualité. Une comédie musicale rythmée partant du cotton club début siècle dernier jusqu'à Beyoncé avec comme fil rouge l'émancipation du peuple afro américain. Le tout en live show avec chanteurs danseurs et musiciens (basse batterie guitare clavier saxo trompette) qui assurent vraiment (mention spéciale au bassiste).
Quelle énergie tout au long du spectacle . Des superbes tableaux qui s’ enchaînent de façon incroyable. Des performances vocales et musicales fantastiques . À ne pas rater
Et puis une histoire afro Américaine retracée par des décennies musicales, une belle réussite .
Je partage tous les avis enthousiastes, un rythme et une énergie incroyable pour retracer ces années de luttes. Superbe comédie musicale!
Un seul reproche: dommage de ne pas projeter la traduction des textes des chansons qui apporterait plus de force encore au spectacle qui le mérite, car celui-ci est plus qu'un divertissement.
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