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Thème
Dans un salon de beauté au nom ambivalent – Less is more - des femmes de tous âges se retrouvent pour se plonger dans des bains, se faire épiler et/ou « ravaler la façade » par la « bouchère » et, surtout, se préparer aux épreuves d’un Grand Concours dont on ne sait pas bien s’il est de beauté ou d’autre chose.
Se gavant du sperme d’une certain Titus Verus comme d’une eau de jouvence, elles échangent potins plus ou moins sordides et inquiétants et réparties cinglantes, se font servir comme des princesses par une armée d’employées critiques et qu’elles méprisent comme les « bonnes » qu’elles sont. Mais les unes et les autres partagent les mêmes rêves d’élection, une élection qui doit évidemment tout au regard d’un homme.
Points forts
L’idée est excellente et la critique salubre. Il faut évidemment, sans se lasser, rappeler ce qu’est le poids des normes sociales qui pèsent sur le corps des femmes, et donc la représentation qu’elles ont d’elles-mêmes et ne pas oublier, se faisant, que les soins esthétiques sont aussi le lieu où se jouent des rapports de classe et donc de violence symbolique.
L’autre pan de cette critique - la mise en spectacle d’un monde concurrentiel et qui sombre dans l’absurde appartient - aussi à la série de ces bonnes idées.
L’univers visuel, original et décalé, fait parfois penser au film Brazil et l’interprétation de Baptiste Dupuy et Léo Landon Barret sont particulièrement savoureuses.
Quelques réserves
Le burlesque soit. Mais le texte, rudimentaire et sans véritable unité, n’assume pas complètement sa loufoquerie. Oscillant entre un surréalisme approximatif et une fantaisie oulipienne, il devient rapidement insipide et s’avère sans contenu.
En jouant à fond sur l’outrance, les grimaces et les gesticulations la mise en scène finit par ne plus avoir aucun sens : on ne sait pas ce qu’il se passe sur scène, on ne comprend rien aux dialogues furieux de ces dames, et pas grand-chose non plus à ce qu’elles font (la scène d’immersion des visages dans des bassines a conservé tout son mystère). L’on finit par s’ennuyer, et l’on en vient à songer avec mélancolie au Grand Magic Circus, ou à Arrabal et son Théâtre Panique fondé sur la terreur, l’humour, la confusion.
Si on aperçoit la brutalité de rapports sociaux parce qu’elle est poussée jusqu’à la caricature, on ne voit pas la violence infligée aux corps. Oui, les femmes peuvent être drôles et faire rire, évidemment, mais le sont-elles ici ?
Encore un mot...
Les spectacles qui mettent en lumière les femmes, leurs contraintes et leurs combats se multiplient de nos jours. Il ne s’agit évidemment pas d’une mode, mais d’une lame de fond culturelle libératrice et qu’on ne peut que saluer. Mais il serait tellement plus utile que ces réalisations aient une vraie valeur littéraire et dramaturgique et séduisent au-delà d’un public captif, a priori conquis, forcément conquis...
S’il s’agit de promouvoir la sororité - qu’on n’aperçoit d’ailleurs guère ici, et qui n’est du reste pas forcément la meilleure arme - peut-être est-il temps de rompre avec cette représentation de relations féminines dominées par les rivalités aigres et les empoignades furieuses, aspects compris depuis déjà un bon moment.
Une phrase
« Que faites-vous des pauvres gens qui meurent chaque jour à cause de leur travail ? Y'a qu'à regarder les marins emportés par les eaux, son cousin était marin. Et vous pensez aux récureurs de nos ruelles qui meurent de nos reflux nauséabonds ? Son papa en était un. Et les polisseurs de nos autos, qui éclatent leur crâne sur le bitume ? Et les hommes à la mine, qui étouffent dans les profondeurs de nos fientes ? »
L'auteur
Après des études en Lettres supérieures option théâtre à Paris et une formation à L’École du jeu, Louise Herrero est aujourd’hui dramaturge, metteuse en scène et comédienne au théâtre comme à la télévision. En 2021, elle a créé sa compagnie La Mesa Feliz qui met en jeu le « burlesque féminin. » Son premier spectacle, co-écrit avec Estelle Rotier et intitulé C’est un réflexe nerveux on n’y peut rien, s’affirmait déjà comme une dystopie burlesque.
Romancière, Shane Haddad a également coécrit deux spectacles. Depuis 2019, elle anime des ateliers d’écriture et de théâtre dans des établissements scolaires, des universités et des centres de détention.
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