
JOURNEE DE NOCES CHEZ LES CROMAGNONS
Infos & réservation
Thème
Une famille libanaise vit dans une maison de guingois. Dehors, les bombes tombent et dedans, on prépare le mariage de la fille, même si l’on n’a pas encore trouvé le fiancé.
La future mariée est narcoleptique, les parents s’engueulent, le fils aîné est parti, le cadet est un peu perché et les coupures d’électricité empêchent de cuire le festin. Le mouton, que personne n’arrive à tuer correctement, va devoir être mangé cru (d’où le nom de la famille qui donne son titre à la pièce) : bienvenue chez les Cromagnons !
Points forts
On pourrait croire qu’on s’habitue à l’état de joie et d’enthousiasme et que finalement, l’habitude rimant avec l’absence de surprise, on en viendrait à se lasser des spectacles de Wajdi Mouawad. C’est dans cet état d’esprit que pouvait être abordé ce tout dernier spectacle, avec cette légère inquiétude : est-ce que cette fois-ci, l’on ne va pas (enfin!) être déçu.e ?
Eh bien non ! La surprise est toujours là, toujours vivante et innovante, battant en brèche tout sentiment d’habitude. On beau avoir vu, voir et revoir tous les spectacles de ce maître des mots et de la langue qu’est Wajdi Mouawad, on ne se lasse pas. Malgré les thèmes de la guerre, de la peur et de la folie douce familiale, les non-dits entre parents et enfants et la douleur de l’exil, toujours omniprésents chez ce dramaturge et metteur en scène, ce spectacle est une jubilation heureuse du début jusqu’à la fin.
En cinq actes toniques, menés au pas de charge, l’auteur nous livre une fable corrosive et joyeuse sur la famille et les huis clos. Les comédiens sont tous magnifiques, avec une mention spéciale pour celle qui joue la mère et le grand escogriffe qui joue le doux dingue de fils.
Comme toujours chez Wajdi Mouawad, la langue étrangère - ici l’arabe libanais, bien évidemment surtitré - donne sa profondeur à la pièce en créant comme une chambre d’écho à tout ce qui n’est pas dit explicitement. Les sonorités âcres et perçantes de cette langue servent magnifiquement à la fois le fond tragique et les nombreux comiques de situation.
Bref, et pour conclure sur le mot qui a initié cette chronique : non, on ne s’habitue pas à la joie ! Courez à sa rencontre !
Quelques réserves
- Peu de significative à formuler.
Encore un mot...
- Wajdi Mouawad a mis lui-même en scène pour la première fois sa pièce de jeunesse, écrite à vingt-trois ans, en 1991, et il a choisi de le faire avec une troupe libanaise et dans sa langue maternelle, l’arabe libanais.
Une phrase
- « La narcolepsie est un don de Dieu dans un pays en guerre. »
L'auteur
Né en 1968 au Liban, arrivé en France en 1974 puis au Québec en 1983, Wajdi Mouawad a eu une enfance mouvementée. En 1991, il est diplômé de l’Ecole national du théâtre du Canada et crée aussitôt sa première compagnie. En 2007, il connait un premier succès avec sa pièce Littoral. Auteur et metteur en scène, il est rapidement remarqué puis distingué par ses pairs. Il reçoit notamment le Prix littéraire du Gouverneur général du Canada, le titre de Chevalier de l’ordre des arts et des lettres, le Molière du meilleur auteur francophone et le Grand prix du théâtre de l’Académie française. En 2009, il présente à Avignon le dernier volet de sa quadrilogie Littoral, Incendies, Forêts, Ciels. On lui doit également l’adaptation de Un Tramway, d’après Un tramway nommé désir de Tennessee Williams.
W. Mouawad est nommé directeur de La Colline le 6 avril 2016. Créé en 2017, Tous des oiseaux remporte le Grand prix ainsi que le prix de la Meilleure création d’éléments scéniques décernés par l'Association Professionnelle de la Critique de Théâtre, de Musique et de Danse.
Désigné titulaire de la chaire « L’invention de l’Europe par les langues et les cultures » pour l’année 2024-2025, il a donné le 6 février 2025, au Collège de France, une éblouissante leçon inaugurale intitulée « L’ombre en soi qui écrit » qui peut être réécoutée en ligne.
Ajouter un commentaire