L’affaire de la rue de Lourcine

Labiche toujours jeune
De
Eugène Labiche, Albert Monnier et Édouard Martin
Mise en scène
Justine Vultaggio
Avec
scar Voisin, Antoine Léonard, Grégory Dété, Gabriel Houdou, Reynold de Guenyveau, Maxime Seynave et Justine Vultaggio
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Théâtre du Lucernaire
53 rue Notre-Dame-des-Champs
75006
Paris
01 45 44 57 34
Jusqu’au 23 janvier. Du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 17h

Thème

• Oscar Lenglumé, jeune homme rangé de la bourgeoisie, s’éveille au lendemain d’une nuit d’ivresse dont il ne garde guère de souvenirs. Il a ramené chez lui, à la grande surprise de son épouse, Norine, un de ses camarades de beuverie, ancien comme lui de l’Institution Labadens et lui aussi sans mémoire de ce qu’ils ont fait la veille. Lors du déjeuner, le valet négligeant donne à Madame un journal de 1837, qu’elle prend pour la parution du jour, et dans lequel elle lit le récit de l’horrible assassinat d’une jeune charbonnière, commis rue de Lourcine. 

• Tous les indices convergent vers les deux compères qui, se sentant coupables, tentent de dissimuler ce qu’ils imaginent être leur forfait. Les quiproquos s’enchaînent alors sur fond du baptème du petit cousin Potard.

Points forts

• Pour jouer Labiche en 2021 il faut un parti pris et c’est le cas ici : celui de l’excès, de la folie d’une mise en scène au rythme trépidant, d’un jeu un peu outré, toutes choses qui balayent et emportent l’énorme invraisemblance de l’affaire. Reste la cruauté d’une peinture sociale sans concession : celle de la bourgeoisie du Second Empire prête à tout pour sauver les apparences et préserver ses intérêts, d’un cynisme et d’une légèreté sans bornes. « Cela est si gai, si fantasque, si léger dans la charge et d’une folie si sincère » écrivait au lendemain de la première le critique Paul de Saint-Victor dans La Presse, « qu’on ne s’aperçoit même pas de l’atrocité du sujet ». 

• Les comédiens chantent fort bien, on notera la belle voix de Justine Vultaggio sur une mise en musique parfaite.

Quelques réserves

• Peut-être l’outrance du Vaudeville jointe au bonheur visible qu’éprouvent les comédiens à incarner cette folie contemporaine érodent-ils ici un peu la finesse de la satire et la virulence de la critique de Labiche : Lenglumé semble moins scélérat et hypocrite, son cousin Potard moins platement sordide, Mistingue moins brutal et cynique. Mais on rit tellement qu’on peut difficilement leur en faire reproche.

Encore un mot...

• Théâtre de caractère qui, en mettant en exergue la bêtise de la petite bourgeoisie, vaut bien les dessins de Daumier, cette pièce n’est pas qu’une critique sociale. Le vertige du dérèglement en fait tout le sel. Car les deux oublieux, constamment embrumés par l’alcool qu’ils boivent en continu pour se remettre de leurs émotions, sont saisis par l’angoisse de la « lacune » : privés d’un moment de leur existence ils voient leur identité remise en cause, le sens de toute chose s’effondrer. Ils se livrent alors à des danses frénétiques, des courses sans but, des chansons absurdes et monstrueuses qui, empruntant aux complaintes criminelles et au cabaret, font partager aux spectateurs leur ivresse.

Une phrase

« Il y a une lacune dans mon existence ! Ah çà ! comment diable suis-je revenu ici ?… J’ai un vague souvenir d’avoir été me promener du côté de l’Odéon… et je demeure rue de Provence !… Était-ce bien l’Odéon ?… Impossible de me rappeler !… Ma lacune ! toujours ma lacune !… (Prenant sa montre sur la cheminée.) Neuf heures et demie !… (Il la met dans son gousset.) Dépêchons-nous de nous habiller. (On entend ronfler derrière les rideaux.) Hein !… On a ronflé dans mon alcôve ! (Nouveaux ronflements.) Nom d’un petit bonhomme ! J’ai ramené quelqu’un sans m’en apercevoir ! »…

L'auteur

• Cette comédie en un acte mêlée d’intermèdes chantés était, dit-on, une des pièces préférées de Labiche. Elle a été représentée pour la première fois, au  théâtre du Palais-Royal, le 26 mars 1857, et fut  publiée en 1864. 

• Donnée régulièrement depuis, elle se prête à des lectures plus ou moins sociales. Ainsi elle fut montée par Chéreau en 1967, au théâtre de Sartrouville afin d’offrir à un public populaire ce qui reste avant tout une parodie du théâtre du crime.

Commentaires

Ledruge
mer 13/04/2022 - 23:41

Assez d'accord avec vous : il reste que les personnages de labiche sont des bourgeois ... rangés.
Ici, la jeunesse des comédiens joue pour eux et contre eux également : ils sont l'énergie, le côté speed
que leur donne la peur, mais ils peinent à être des "types", comme les comédiens d'origine (on l'imagine)
ou de vieux routiers, comme chez Deschamps ou ailleurs;
A cette réserve près, le spectcale nous emporte ...
grâce à la situation et ... au texte, bien sûr !

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