L’art de perdre

A la recherche d’un pays absent
De
Alice Zeniter
Adaptation : Sabrina Kouroughli
Mise en scène
Sabrina Kouroughli
Avec
Fatima Aibout, Sabrina Kouroughli et Issam Rachyq-Ahrad
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Théâtre de Belleville
16, passage Piver
75011
Paris
01 48 06 72 34
Jusqu’au 30 septembre 2023, mercredi et jeudi à 19H15, vendredi et samedi à 21H15

Thème

  • Dans L’art de perdre, Alice Zeniter menait une quête de réconciliation avec la mémoire de sa famille. La narratrice, Naima, petite fille de harki, part en Algérie sur les traces de sa famille pour combler les parts d’ombres et comprendre son histoire. Mais plus qu’un livre sur la guerre d’Algérie, c’est un roman sur l’exil, sur la transmission et les liens entre générations issues de l’immigration.
  • Dans cette adaptation théâtrale, Sabrina Kouroughli s’est concentrée sur la partie familiale plutôt que sur le récit historique, ramenant ainsi l’intime au cœur du spectacle. Naima est ici tiraillée entre sa vie de jeune trentenaire à la grande ville et la quête d’un passé familial envahi par le silence. Le désir presque viscéral de se rattacher à un pays dont elle vient, mais qu’on ne lui a jamais appris à connaitre, se manifeste de plus en plus fort. Sa grand-mère kabyle, Yemma, et son grand-père Ali, ancien harki, vont l’aider à reconstituer le puzzle de sa famille.
  • C’est un portrait de femme d’aujourd’hui, issue d’une histoire d’exilés, qui tente de comprendre ses origines, de les sentir en elle, de chercher une appartenance à un pays qu’elle ne connait pas, et qui pourtant l’habite tout entière.  

Points forts

  • Le décor est simple, mais évoque avec précision toutes les facettes du récit :
    • au premier plan, Naima est assise au sol devant une malle sur lequel est posé un ordinateur portable, des livres d’histoire autour, et un petit olivier, dont la signification première est un rappel de la source de fortune du grand-père en Kabylie avant leur départ forcé, mais dont la symbolique n’est autre que la force de vie, la résilience face aux traumatismes ;
    • puis on trouve Yemma, qui brode en silence sur une table en formica, où sont posés une théière et un plateau de makrouts. Cette cuisine est le lieu du dialogue, où la complicité de Naima avec sa grand-mère s’exprime à travers des échanges non dénués d’humour, et où la mémoire familiale resurgit ;
    • enfin, à l’arrière-plan, un homme, assis de dos, n’intervient que dans la dernière partie de la pièce ; il n’est autre que le grand-père Ali, et il apporte au récit la violence du départ d’Algérie et de l’arrivée en France.
  • La sobriété de la mise en scène rend le propos d’autant plus poignant, et l’interprétation des trois comédiens est profondément émouvante, sans jamais pour autant tomber dans un quelconque pathos
  • Sabrina/Naima ouvre le spectacle avec une danse proche d’une transe, comme si le corps se mouvait sans que le cerveau ne soit concerté. Les bras, le ventre, les jambes, les mains, le corps entier se met à trembler dans un élan de liberté. C’est cette dualité entre force et fragilité que Sabrina Kouroughli retranscrit parfaitement, et nous fait immédiatement ressentir les questionnements de cette femme en quête de construction.

Quelques réserves

Il n’y en a guère.

Encore un mot...

  • Ce récit intime touche à l’universel, dans cette quête d’identité, ce besoin de briser le silence, de comprendre ses racines, son histoire.
  • Malgré la douleur que provoquent l’exil et le déracinement, c’est ici l’amour que l’on ressent, grâce aux échanges entre ces deux femmes, Yemma et Naima, que deux générations séparent, mais qui demeurent intimement liées.

Une phrase

  • « Un grand-père harki, un départ brutal, un père élevé dans la peur de l'Algérie. J’aimerais n'avoir peur de rien. Ce n'est pas le cas. J’ai doublement peur » avoue-t-elle. « J’ai reçu en héritage les peurs de mon père et j’ai développé les miennes. »
  • « Je perdrais l'absence de l'Algérie peut-être, une absence autour de laquelle ma famille s'est construite depuis 1962. Il faudrait remplacer un pays perdu par un pays réel. C'est un bouleversement qui me parait énorme. "

L'auteur

  • Alice Zeniter est une écrivaine française née en 1986. Ancienne élève de l’Ecole Normale Supérieure, elle est l’autrice de cinq romans, tous récompensés. L’art de perdre retrace l’histoire de sa famille sur trois générations, à travers l’Algérie et la France, et a été récompensé, entre autres, du prix Goncourt des lycéens et du prix littéraire Le Monde. Alice Zeniter est par ailleurs scénariste, réalisatrice et dramaturge.
  • Sabrina Kouroughli est diplomée du CNSAD en 2004, après des études au Conservatoire de danse de Lyon. Elle travaille ensuite avec de nombreux metteurs en scène. Professeure d’art dramatique, elle intervient régulièrement dans différents établissements, en France ou en Belgique. L’adaptation du roman d’Alice Zeniter est de loin le travail le plus intime qu’elle a mis en scène.  « Parler de cette histoire, c’est parler d’un voyage qui ne finit jamais et dont il est impossible de déterminer l’arrivée. Car l’exil entraîne dans son sillage les générations suivantes » explique Sabrina Kouroughli.

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