Les Forces vives

Comment se faire une chambre à soi avec le monde entier
De
Simone de Beauvoir
Mise en scène
Camille Dagen, en collaboration avec Emma Depoid
Avec
Sarah Chaumette, Camille Dagen, Marie Depoorter, Romain Gy, Hélène Morelli, Achille Reggiani, Nina Villanova
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Théâtre de l’Odéon Ateliers Berthier
1, rue André Suarès
75017
Paris
01 44 85 40 40
Jusqu’au 20 décembre 2024. Du mardi au samedi à 20h. Dimanche à 15h.

Thème

  • Enfant rageuse aux inextinguibles colères, adolescente pleine de vitalité, Simone se trouve confrontée à un véritable défi : 

    • comment avoir une vie, une vie à soi, devenir la créatrice de sa propre existence, comment échapper aux assignations de genre et de classe que lui impose une famille aimante certes, mais bourgeoise et catholique ? 

    • Comment devenir ce qu’elle veut être : un être plein d’appétits, de curiosité et de joie de vivre, un être « ému d’exister » comme le lui dit Merleau-Ponty, qui dialogue avec le monde ? 
    • Comment être une femme qui pense, avec rigueur et passion et qui n'est pas seulement « la compagne de Sartre », malgré leur inépuisable complicité, mais travaille à réduire le divorce qu’elle constate entre « sa condition proprement humaine et sa vocation féminine » ? 
  • Tout ceci elle le fut, et pleinement, mais aussi un être soumis aux impératifs de l’histoire et de ses guerres, la guerre d’Algérie l’ayant bouleversée et mobilisée avec une intensité qu’on oublie parfois. Et elle s’insurgea parfois contre les « beautés menteuses » de l’art et de la nature qui font oublier l’horreur des massacres.

  • Et puis il y a les défis, plus universels encore, des amis qui disparaissent, du temps qui passe, de la vieillesse qui alourdit le corps et l’âme et de la mort qui jette son ombre tragique sur toutes les vies et durant toute la vie. 

Points forts

  • Le montage des différents textes, sans laisser de côté les pages les plus mémorables de l’autrice, ménage aussi d’heureuses réminiscences de lecture et des percées passionnantes sur des aspects moins connus de l’existence de Simone de Beauvoir, à partir des Cahiers de jeunesse, notamment. 

  • Le spectacle est présenté en deux parties : l’enfance et la jeunesse d’abord, jusqu’à la rencontre avec Sartre et la guerre, la notoriété publique, introduite par une évocation très actuelle des commentaires inouïs que continue à susciter son œuvre (et en particulier Le Deuxième sexe), puis vient l’enchâssement des scènes consacrées à la guerre d’Algérie, qui pourrait ressembler à un autre spectacle en rompant en partie l’unité du récit, mais qui conduit au contraire à mettre en relief les écueils que rencontre nécessairement toute existence engagée dans son temps. 

  • Le rôle de Simone est joué par quatre femmes différentes, au fil des âges certes, mais pas seulement. Ce que suggèrent les dialogues qui s’engagent parfois entre deux d’entre elles c’est une interrogation sur l’unité et la stabilité de l’identité. Vouloir être soi certes, mais ce soi est mouvant.

  • Le déplacement au gré des changements de scène et de l’action des panneaux ou plutôt des structures roulantes qui cloisonnent des espaces distincts sur l’immense scène des Ateliers Berthier et sur lesquels s’accrochent et se décrochent des éléments de décors accentue le dynamisme du spectacle.

Quelques réserves

  • L’inventivité même de la mise en scène induit quelques ratés : un excès d’agitation, de cris, de mouvement qui teintent certaines scènes aux couleurs de l’hystérie. 

  • De la même façon, l’artifice de la série de « bon ! » qui ponctue un moment de l’évocation de la guerre d’Algérie paraît un peu lourd et la gestuelle de la scène finale, celle de la vieillesse, presqu’outrageusement “jeuniste.“

Encore un mot...

  • On pourrait dire de Simone de Beauvoir, née en 1908 dans une famille aisée et morte en 1986, comme on l’a dit de Victor Hugo, qu’elle est une « femme-siècle » portant en elle et avec elle l’histoire de la France.

  • C’est bien pourquoi, entre théâtre documentaire et récit de vie intime, ce spectacle saisit à partir de la vie de Simone, femme engagée, l’histoire du siècle. Avec elle, il explore les archives de la guerre d’Algérie, l’affaire Djamila Boupacha faisant écho au choix qu’elle fit d’écrire ses mémoires précisément pendant cette guerre. 

  • Qu’il donne envie de lire ou relire l’ensemble de cette œuvre importante n’est pas le moindre des mérites de ces Forces vives.

Une phrase

  • « La mort m’a épouvantée dès que j’ai compris que j’étais mortelle. Au temps où le monde était en paix et où le bonheur me paraissait sûr, je retrouvais souvent le vertige de mes quinze ans devant cette absence de tout qui serait mon absence à tout, pour toujours, à partir d’un certain jour ; cet anéantissement m’inspirait tant d’horreur que je n’admettais pas qu’on pût l’affronter de sang-froid. » 

L'auteur

  • Composé avec des extraits du Deuxième Sexe, des Cahiers de jeunesse, des Mémoires d’une jeune fille rangée, de La Force de l’âge et de La Force des choses (tomes 1 et 2) de Simone de Beauvoir (© Éditions Gallimard), le texte du spectacle offre une synthèse éclairante de l’œuvre du « Castor », de ses choix théoriques de philosophe, comme de ses engagements politiques.
    Les objectifs de la compagnie Animal Architecte, fondée en 2018, sont en harmonie avec les parcours de cette femme à la tête bien faite et éminemment politique.

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