Oh les beaux jours !
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Thème
Dans cette partie indéfinie du globe et une mise en scène entre désert et ciel de plomb, où il fait une chaleur écrasante, une femme est enterrée jusqu’à la taille puis jusqu’au cou. A quelques pas, il y a un homme, Willie, qui tente de se mette à l’abri du soleil, puis plonge derrière un mamelon, sans doute dans une caverne. Il va essayer d’en sortir et de ramper auprès de cette femme, Winnie, sa compagne ou sa femme, jacasse comme une perruche et le harcèle de questions anodines. A peine sorti de son sac, entre eux, sur le sol, git un révolver, qu’elle appelle affectueusement, son “Brownie“ ! Devinez la suite. Un indice ? La clé se trouve peut- être dans les deux prénoms…
Le temps est un thème majeur dans cette œuvre de Beckett. La succession des jours, l’énumération lancinante des objets quotidiens, sans intérêt, pourrait conduire au suicide. Winnie vide son sac : elle extrait sa brosse à dent, récurrente, ses limes à ongles, les lunettes de soleil également. L’ombrelle qui se met à fumer, à se consumer au soleil, mais cette fumée a quelque chose de « papale ». On veut peut être nous annoncer quelque chose, mais quoi ? Sommes-nous condamnés ? Tous ? Décidément cette pièce interroge.
Le temps, ici, est circulaire : il s’écoule en boucle de manière répétitive, puis il devient linéaire, sans fin. Avec l’étirement du temps, s’inscrivent, entre les mots du texte, des didascalies, précieuses pour l’organisation de la mise scène, du décor et du jeu et notre compréhension. Nous percevons alors clairement le combat de Winnie contre les prémices d’une fin de vie insidieuse. Winnie résiste à cette chaleur, torride, à la lumière, aveuglante, à ces conditions d’existence accablantes et à la perspective d’une mort qui rôde.
Le contraste est fort entre la vitalité joyeuse de Winnie et la vacuité de la vie. Elle ne rend pas compte de son enfoncement progressif, elle se liquéfie insensiblement : Beckett démontre ici sa volonté de donner une dimension nouvelle au théâtre, par l’apport d’une poésie plaquée sur les souffrances endurées par l’homme sur Terre.
Points forts
Le texte, bien sûr, base d’une réflexion philosophique sur la condition humaine et l’incommunicabilité des êtres, un thème très sartrien présent en particulier dans Huis clos, et un concept traité aussi par Eugène Ionesco dans Rhinocéros.
Beckett ne philosophe pas sur l’absurdité de la condition humaine, il la montre. Par ailleurs, une succession de métaphores assez faciles à décoder, à commencer par celle du sac de Winnie (on n’ouvre pas le sac d’une dame) qui symbolise la mémoire sauf qu’ici ce ne sont que des bribes de souvenirs dérisoires.
L’interprétation du personnage de Winnie : Dominique Valadié, qui parait hésitante au début, prend de l’assurance au fur et à mesure que la partie visible de son corps diminue. En fin de compte, elle va dominer son sujet de manière spectaculaire. Elle résiste aux douleurs, aux migraines, à la fatigue, à tous ces maux qui rongent l’être humain jusqu’à la mort. Le remède miracle : la voix, les murmures qui s’échappent de temps à autre de la gorge de Willie : la marque d’un amour salvateur.
Quelques réserves
Aucune, surtout quand on connait Beckett, notamment son En attendant Godot, mais deux conseils :
placez-vous (placement libre) face à la partie droite de la scène ;
relisez la pièce après l’avoir vue.
Encore un mot...
Le premier Beaux jours sur scène eut lieu à New York en 1961, et à Paris, la pièce fut montée en 1963, interprétée par le couple mythique Madeleine Renaud - Jean Louis Barrault, dans leur royaume de l’Odéon. Un triomphe !
Une phrase
- Winnie [s’adresse à Willie, qui vient de surgir d’un mamelon de terrain] : « Enfile ton caleçon, mon chéri, tu vas roussir, non ? Oh, je vois il te reste de ton produit. Fais le bien pénétrer. L’autre à présent ! Oh le beau jour encore que ça va être » ; Elle regarde ses paumes moites, à peu près pareilles, pas de douleurs. « Mon chéri, ne t’endors pas ; je pourrai avoir besoin de toi ; ne te re-pelotonne pas ! » (diminution d’entrain, manque d’allant, 6 cuillères à bouche chaque jour. Elle vide la bouteille, liquide rouge)
L'auteur
Samuel Beckett, le plus français des auteurs Irlandais est, né en 1906 à Cooldrinagh et mort à Paris en 1989. Sa tombe se trouve au cimetière Montparnasse. Héros de la Résistance, il est titulaire de la Croix de guerre 1939/45 et a reçu le prix Nobel.
Ecrivain, poète, dramaturge au pessimisme noir, mais à l’humour ravageur, il a écrit trois pièces majeures : En attendant Godot (1952), Fin de partie (1987), Oh les beaux jours ! (1960) et un roman -monument en trois parties : Molloy, Malone meurt, L’innommable.
Son maître a été James Joyce, ses auteurs préférés furent Marcel Proust, Jean-Paul Sartre, Franz Kafka, Oscar Wilde. On a assimilé ses créations aux œuvres de Schoenberg en musique et de Kandinsky en peinture : il voulait radicaliser le dépouillement du langage, son ambition étant de créer un monde abstrait.
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