
Palombella rossa
Durée :1h40
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Thème
Le titre de la pièce – emprunté au célèbre film de Nanni Moretti que Mathieu Bauer a choisi d’adapter au théâtre – peut s’entendre de deux manières : la fois comme une figure du water-polo (une sorte de lob), mais aussi comme la colombe, symbole de paix exploité à l’envi par les partis communistes (les « Rouges » en somme) et leurs organisations-liges (le Mouvement pour la paix au temps de la guerre froide) depuis le célèbre dessin de Picasso.
Le communisme italien - qu’il s’agisse du parti, de sa doctrine ou de ses militants - se retrouve dans la figure de Michele, devenu amnésique à la suite d’un accident automobile à la fin des années 1980, alors que le PCI est dans une telle crise qu’il envisage de se trouver une nouvelle dénomination.
En quête de sens, Michele se trouve brinquebalé entre l’avant-scène, la piscine où se déroule un match de water-polo (sport qu’il pratique), et la buvette du stade, installés dans le même décor.
Points forts
Le spectacle reprend le titre et l’idée centrale développés par Moretti, qui montre la crise du communisme italien dans une société devenue « flottante ». Prenant le terme au pied de la lettre, il file la métaphore et met en scène la crise de conscience d’un intellectuel qui réfléchit aux perspectives du communisme péninsulaire dans un tel environnement.
Le décor, fonctionnel, est centré autour d’une piscine où barbotent et s’affrontent les compétiteurs de la lutte politique du moment : Michele en communiste toujours pétri d’idéaux mais déphasé, et son principal adversaire, incarnant un berlusconisme bien plus en phase avec la société du spectacle et le langage politique et médiatique du moment, qu’il utilise et contribue à forger (Silvio Berlusconi rachète le club de football du Milan AC en 1986, et diverses chaînes de télévision dans la première moitié des années 1980, pour finir par fonder Forza Italia en 1994).
L’animation musicale, produite par un guitariste-claviériste et un percussionniste judicieusement placés dans de petites fosses d’orchestre et une chanteuse à la buvette, donne un peu de légèreté à l’ensemble, qui en a bien besoin… mais cela suffit-il ?
Quelques réserves
L’économie d’une pièce de théâtre étant sensiblement différente de celle d’un long métrage, le spectacle qui nous est proposé pèche par sa longueur et sa confusion (mais il est vrai que ce parti-pris reflète celle du personnage principal) et son caractère répétitif : une fois la métaphore sportive bien posée, le propos ratiocine, et les extraits du Docteur Jivago ont beau faire, ce ressassement nuit à une pièce à peu près dépourvue de dynamisme et de cette légèreté et cette distance humoristiques caractéristiques de la plupart des œuvres made in Italy.
Le public, assez « gauche Nouvel Obs » et donc a priori bien disposé, ne tarde pas à subir un fourre-tout assez ennuyeux à la longue, ne réagit guère et applaudit modérément lorsque le rideau tombe, apparemment soulagé de se diriger vers la sortie et la sympathique buvette du théâtre Silvia Monfort.
Le jeu des comédiens est assez inégal, à la fois entre les comédiens et pour chacun d’entre eux, à l’exception de Nicolas Bouchaud, qui dévide de manière convaincante son égarement et son désarroi tout au long de la pièce alors au fil de leurs interventions.
Encore un mot...
- En présentant la société italienne comme « flottante » et en la matérialisant par une piscine où se livre la compétition sociale et politique, Nanni Moretti annonce la « société liquide », concept forgé par le sociologue Zygmunt Bauman pour désigner celle dont les structures pourvoyeuses de liens solides entre les individus (partis, syndicats, etc…) se sont effrités pour laisser place au triomphe de la consommation, de l’immédiat, de l’éphémère et du précaire.
Une phrase
- Michele : « Nous sommes différents mais nous sommes semblables, c’est la vie… Maman, viens me chercher ! »
L'auteur
Giovanni (dit Nanni) Moretti, né en 1953, se lance dans la réalisation cinématographique à l’âge de 20 ans via un court métrage, puis il s’attaque aux long métrage trois ans plus tard.
Le succès survient à la fin des années 1980, avec Palombella Rossa (1989) puis Journal intime (1994), et surtout La Chambre du fils (2001), qui lui vaut la Palme d’or au festival de Cannes.
Il poursuit son exploration de la société italienne avec Le Caïman (2006), consacré à la figure de Silvio Berlusconi, tout en menant en parallèle une carrière d’acteur.
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