Sept morts sur ordonnance

Sept morts en pleine forme
De
Anne Bourgeois et Francis Lombrail
D'après le film de Jacques Rouffio, et le scénario de Georges Conchon,
Mise en scène
Anne Bourgeois
Avec
Bruno Wolkowitch, Claude Aufaure, Valentin de Carbonnières, Jean-Philippe Puymartin, Julie Debazac, Francis Lombrail, Jean-Philippe Bêche, Bruno Paviot
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Théâtre Hébertot
78 bis boulevard des Batignolles
75017
Paris
01 43 87 23 23
Du mardi au samedi à 21h Matinée dimanche à 15h30 Jusqu'au 31 mars Réservations : Du lundi au samedi de 11h à 18h

Thème

Dans une ville quelconque deux suicides assez similaires se produisent à dix ans d'intervalle. Deux chirurgiens doués, Jean-Pierre Berg et Pierre Losseray, heureux en famille, sont aux prises avec le même milieu étouffant de notables. Ils succombent au harcèlement et aux manipulations orchestrés par le vieux Professeur Brézé, propriétaire de la clinique Ste Marie, et de ses fils, médecins et chirurgiens médiocres.

Sur fond de cercle et de dettes de jeu, de spéculation immobilière et de construction de clinique, cette histoire inspirée de faits réels, braque les projecteurs sur une bourgeoisie de province dévorée d'ambition, obsédée par le pouvoir et l'argent et qui élimine ce et ceux qui la menacent et la concurrencent, faisant au passage quelques victimes collatérales (la femme du commissaire). Le seul à tout savoir et à tout comprendre est le psychiatre Mathy, cette figure moderne des récitants antiques, observateur et analyste fin, ambigu, ami de tous et traitre en puissance : « je ne triche pas dit-il, je suis psychiatre. »

Points forts

  • Ils tiennent avant tout à la qualité de la mise en scène qui, s'impose non par sa fantaisie mais par la pertinence de sa fluidité. Dans un décor épuré composé de panneaux lumineux et colorés, qu'on a vu déjà chez Bob Wilson, disposés de façon à aménager une ligne de fuite dans la scène, quelques chaises blanches. On passe, au gré des couleurs froides et chaudes, de l'hôpital (vert, bleu) ou de la clinique au salon des uns et des autres (orange, rouge, multicolore). La bande sonore, discrète mais signifiante (battements de coeur, notes liquides) vient appuyer la montée en puissance des révélations et des tensions.
  • Le scénario dévoile, via des narrations alternées, les ambiguités de ce théâtre humain.  La succession des récits - celui de Simon l'ami de Pierre d'abord, puis celui du commissaire – dévoile progressivement le destin de Berg, dessinant l'horizon de la vie de Pierre. Comment deux êtres aussi différents - Berg, rapide, imbattable, excentrique et génial ; Pierre lent, scrupuleux, appliqué et modeste – se rejoignent-ils inéluctablement dans une destinée tragique ? Est-ce une tragédie, d'ailleurs contre laquelle il ne sert à rien d'être prévenu et aidé ou la mise en oeuvre efficace du machiavélisme implacable d'un clan uni qui les anéantit ?
  • L'interprétation, au sein de laquelle Claude Aufaure remporte la mise, incarnant avec une cruelle suavité un professeur Brézé courtois et souple et par là même insaisissable et inatteignable.

 

Quelques réserves

  •  Le scénario, un peu daté, témoigne d'une vision psychologisante du monde social et des rapports humains très années 70. Il met aux prises une assemblée très masculine dont les protagonistes principaux ont peur d'être castrés. Certes, ce regard est actualisé et approfondi dans le contexte actuel d'une attention nouvelle portée au harcèlement moral et professionnel, ce qui lui restitue toute sa pertinence sociologique; reste que les femmes de cette histoire demeurent des adjuvants, totalement soumis pour l'une, plus indépendant et actif pour l'autre, mais dont le destin surprend à peine tant il s'inscrit dans une tragédie vieille comme l'humanité et dans laquelle les femmes appartiennent aux hommes jusque dans la tombe.
  •  Le tableau final, sans doute inutilement explicite qui, sur fond sonore de partie de tennis, nous montre un Professeur Brézé juché sur un trône – le siège surélevé de arbitres de tennis -  et triomphant.
  •  La pièce souffre un peu de l'ombre que lui fait le film et le trio insurpassable, Depardieu, Piccoli, Vanel.

Encore un mot...

Une gageure : adapter un film trois fois nominé aux césars en 1976 et récompensé par le césar du meilleur montage. Mais une gageure qui n'en était une qu'à demi pour Anne Bourgeois, metteure en scène éclectique,  qui, après avoir beaucoup pratiqué les grands textes du répertoire classique, a aussi réussi de belles adaptations théâtrales de romans (Des souris et des hommes, Sur la route de Madison). La mise en scène très maîtrisée règle impeccablement la succession des scènes, les entrées et les sorties des personnages, introduisant habilement la distorsion temporelle entre les deux époques et les flash back par le surgissement de Berg, sorti de sous la terre comme un revenant. Nul artifice dans cette adaptation équilibrée et sobre

Une phrase

"Le calvaire pour Jésus c'était déjà dur, mais alors pour quelqu'un qui n'est pas fait pour"...

L'auteur

Disparu en 1990, Georges Conchon, le scénariste du film, n'a pas un parcours moins éclectique que ne l'est la production artistique d'Anne Bourgeois. Après une licence de philosophie, il devient assistant parlementaire, puis secrétaire des débats au Sénat,  romancier (L'État sauvage, qui lui vaut le Goncourt en 1964  et est porté à l'écran par Francis Girod en 1978), journaliste et scénariste à partir de 1967 pour Jacques Rouffio, Francis Girod, Jean-Jacques Annaud, mais aussi Patrice Chereau pour Judith Therpeauve.

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