Si Guitry m'était conté

De
Sacha Guitry
Librement adaptés par Jacques Sereys
Mise en scène
Jean-Luc Tardieu
Recommandation

Sachant que certains jeunes auront l'impression d'être projetés au temps des dinosaures...

Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Studio Théâtre de la Comédie Française
Paris
0144589858
Jusqu'au 2 novembre: du mercredi au dimanche à 20H30

Thème

Jacques Sereys dresse, au Studio-Théâtre de la Comédie-Française, un portrait de Sacha Guitry à travers ses écrits en tous genres.
La mise en scène est de son complice Jean-Luc Tardieu, le tandem ayant déjà réalisé un "Du côté de chez Proust" et, surtout, un exceptionnel "Cocteau/Marais".

Points forts

1 Jacques Sereys a très habilement composé un patchwork de séquences historiques -enfance, carrière etc...- et de séquences thématiques -l'école, les femmes etc...-, à travers lequel le spectateur découvre, en s'amusant, plein de choses sur Guitry, ou en a la confirmation.

2 Sereys a su admirablement choisir, avec respect mais sans complaisance, dans les écrits de Guitry, des textes qui le montre tel qu'en lui-même, personnalité aussi complexe que démesurée.

3 Il nous le fait découvrir avec beaucoup de simplicité et une certaine tendresse. Ce Guitry-là échappe à la posture et on a l'impression que pour nous, il tombe le masque, devenant proche, accessible, presque complice. C'est d'autant plus fort que tout, chez Guitry, est placé sous le signe de l'extrême : sa passion de la vie; ses relations avec les femmes; sa vision assez sombre de l'homme, sauvé par le geste; sa manière de faire de sa propre vie sa plus belle pièce de théâtre.

4 Il y a du Oscar Wilde dans Guitry, y compris dans leurs communs démêlés avec la justice, Guitry s'en étant il est vrai beaucoup mieux sorti. Et il n'y a pas dans l'oeuvre de Guitry l'équivalent de ces deux chefs d'oeuvre que sont "De Profundis" et "Ballade pou la geôle de Reading". Guitry restant quand même bien plus qu'un simple auteur de boulevard. Son image de dandy l'a sans doute desservi, comme Wilde, mais il a de bonnes chances de rester l'un des grands noms de l'histoire de la comédie en France, avec Molière, Marivaux, Beaumarchais, Feydeau etc...

5 Sereys a très bien su choisir les pépites d'humour de Guitry. On se régale quand il parle de "ces gens qui se regardent vieillir mais ne se voient pas changer"; qu'il affirme : "les hommes mal mariés font tort à l'amour"; ou remarque : "j'ai pris mon rhume en grippe"...

6 Même chose pour la radioscopie des rapports sociaux dans la France de la première moitié du 20° siècle : le regard de Guitry est ironique, parfois sarcastique, mais finalement assez indulgent à l'égard des faiblesses humaines, qu'il savait exprimer sans détour. Sereys a déniché cette étonnante confidence de Guitry, racontant qu' à son retour, tout jeune, de Russie, il avait trouvé qu'à Paris "il y avait trop de riches et trop de pauvres". Surprenant, non ?

7 Autre mérite de Sereys, celui de nous montrer qu'à travers toute sa mise en scène de lui-même, Guitry avait su garder son âme d'enfant, étonnamment avide de bonheur.

Quelques réserves

1 Le spectacle est peut-être un peu long, à commencer par son introduction musicale.

2 Les chansons, qui montrent un Guitry farceur, sont, à mon avis, trop nombreuses. Et risquent de ringardiser le spectacle auprès des plus jeunes. Et quand je dis cela, ça va probablement jusqu'à 40 ou 50 ans...Attention, danger!
 

Encore un mot...

1 Ce spectacle montre, s'il le fallait, la fascination qu'exerçaient sur Guitry les grands écrivains et les grands peintres, son respect pour le travail de ceux "qui ont laissé un peu de leur âme au bout de leur plume", et son amour des mots : "quelle mystérieuse existence, dit-il, que celle des mots"...

2 Il montre aussi que c'est d'abord, et avant tout sans doute, pour impressionner son père, grand homme de théâtre avant lui, que Guitry a construit sa carrière. Un père qu'il n'a jamais cherché "à tuer" mais au contraire à conquérir, ou plutôt à reconquérir. Ce à quoi il est parvenu, le théâtre finissant par les réconcilier.

3 Et puis, nouveau signe de la magie du théâtre, ce Jacques Sereys, si à l'aise, si épanoui, si proche sur scène, à 86 ans. A un âge où tant d'autres comptent les jours qui passent...

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