La Défaite de l’Occident

Une analyse précise et originale qui bouscule les certitudes du monde occidental
De
Emmanuel Todd
Gallimard
Parution le 11 janvier 2024
384 pages
23 €
Notre recommandation
3/5

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Thème

La guerre en Ukraine est l’occasion pour Emmanuel Todd d’esquisser un parallèle entre les démocraties occidentales et le régime russe mis en place sous la férule de Vladimir Poutine. En appliquant la sociologie à l’étude des régimes politiques, notre auteur avait déjà expliqué comment la structure familiale russe avait facilité l’instauration du communisme dans l’ancien empire des tsars. Il récidive cette fois-ci en analysant les structures familiales des belligérants, analyse à partir de laquelle il explique en partie les ressorts du conflit.

Points forts

Dans le contexte actuel qui fait la part belle aux défenseurs de l’Ukraine, entraînée à son corps défendant dans une guerre d’agression, Todd propose une explication plus originale. Il note ainsi que l’Ukraine est un pays hétérogène, l’ouest étant de peuplement germanique, l’est russe; les structures familiales des deux ensembles, différentes, justifieraient des modes de gouvernance opposés. L’ouest serait ainsi attiré par l’Europe, l'est par la Russie. Il y aurait donc une logique évidente à la scission de ce pays et… une justification à l’offensive russe.

De la Russie, l’auteur présente une vision plus idyllique que la plupart des commentateurs. Il fait référence à une série d’indicateurs sociologiques qui  établiraient la réussite de la gestion de Poutine, augmentation de l’espérance de vie, baisse de l’alcoolisme, baisse de la mortalité infantile… La Russie jouirait d’un taux de croissance bien supérieur à celui de l’Occident; les sanctions décidées contre le pays lui auraient plutôt été bénéfiques. Quant à Poutine lui-même, Todd en trace un portrait relativement positif, loin des caricatures le décrivant comme un dirigeant mégalomane et en proie à l’hubris.

Notre auteur en revanche ne ménage pas ses critiques sur l’Occident en général et sur les États Unis en particulier. En se fondant, là encore, sur des indicateurs sociologiques, il dépeint un monde en pleine décadence, nihiliste, où l’espérance de vie décroît, un monde en proie à ses démons, drogue, violence, hausse de l’analphabétisme…

Quelques réserves

Entre le pain et la liberté, Todd semble pencher du côté alimentaire. La situation des libertés publiques en Russie ne paraît pas l’émouvoir considérablement. 

Quant à l’équilibre européen qui repose sur la mise au ban des guerres d’agression, Todd ne semble pas en faire un enjeu majeur.

On a pu également l’accuser de reprendre sans filtre la propagande russe et d’utiliser des méthodes de raisonnement qui n’auraient de scientifique que l’apparence.

Mais c’est surtout dans l’analyse de la décadence occidentale que notre auteur laisse la bride sur le cou à ses pulsions anti-américaines. Avec l’aide passive de son collègue Piketty, il rebâtit un modèle de croissance de l’économie américaine, en supprimant “à la louche“ des éléments qui rentrent dans le calcul du Produit National Brut. Il est vrai que de longue date, des critiques ont été formulées à l’encontre de ce mode de calcul, mais de là à tirer des considérations définitives sur la base d’un petit modèle établi sur un coin de table, il y a une marge épaisse.

Encore un mot...

On peut ne pas être d’accord avec les thèses de Todd, les trouver outrancières, voire totalement viciées. Pourtant la lecture de ce livre ouvre des horizons à la réflexion personnelle parce qu’il s’inscrit en faux contre la plupart des thèmes dominants, tant sur  la Russie, sur la genèse du conflit russo-ukrainien que sur la société et l’économie américaine et plus généralement occidentale.

Une phrase

« Il m’a semblé nécessaire de disposer d’un concept central qui symbolise la conversion de l’Amérique du bien au mal. Notre problème intellectuel, au fond, est que nous aimons l’Amérique. Les Etats Unis ont été l’un des tombeurs du nazisme; ils nous ont montré la voie à suivre pour atteindre la prospérité et la décontraction. Pour accepter  pleinement l’idée qu’aujourd’hui ils tracent celle qui mène à la pauvreté et à l’atomisation sociale, le concept de nihilisme est indispensable. » P. 244

L'auteur

Emmanuel Todd est à la fois historien, anthropologue, démographe… Il a publié de nombreux essais. La structure familiale est sa méthodologie d’analyse des sociétés et des régimes politiques. Il est ainsi parvenu en 1976 à prédire la chute de l’Union Soviétique dans un essai (La Chute Finale) qui lui valut une notoriété certaine. Esprit original, inclassable, il est en butte à la fois à des louanges extrêmes et à des critiques sans nuances.

Commentaires

Pierre Bertin
dim 19/05/2024 - 12:27

Pourquoi Todd oublie t il la vente de l’usufruit des terres agricoles ukrainiennes (40% aux USA Carlyle Monsanto, 20% aux russes et 5% aux chinois). Vente par le pouvoir ukrainien corrompu en place. Cela servirai son propos. Ce livre ne laisse pas indifférent

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