Au cœur du désert
Mars 2025
104 p.
18,95
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Thème
La guerre de Sécession est à peine finie. Entre Arizona et Utah, au cœur de ce "Monument Valley" emblématique de l'Ouest américain, un colonel "renégat" se révolte contre son commandement en protégeant des indiens navajos et en massacrant tous ceux qui leur cherchent querelle. Pour faire revenir à la raison cette sorte de justicier, l'armée convoque son jeune frère, afin qu'il le convainque d'arrêter ses exactions.
Cette histoire raconte donc la mission du lieutenant Norman Pyle parti à la rencontre de son frère, mais, plus encore, sa rencontre avec la réalité brutale de cet ouest américain en cours de conquête, ses violences territoriales et raciales, ses mensonges, ses courages et ses désespoirs.
Points forts
Charles, voici un nom qui ne vous dit peut-être rien !
Et c'est pourtant lui qui fait l'originalité et la qualité de cette bande dessinée. Jean François et Maryse Charles forment un couple d'auteurs, de dessinateur et de coloriste. Maryse plus au scénario, Jean François également scénariste mais surtout aux dessins et à la couleur, proposent une libre adaptation du célèbre roman de Joseph Conrad, Au cœur des ténèbres. Pas de voyage en remontant le fleuve Congo pour retrouver un trafiquant d'ivoire, mais une chevauchée dans l'Amérique sauvage de la fin du 19ème siècle, nourrie des classiques du genre, et de quelques photos et souvenirs de voyage du couple.
On y trouve les thèmes emblématiques installés par le cinéma ou la bande dessinée : les colons en route vers une vie meilleure ; les rivalités de territoire ; la violence des cow-boys, en l'occurrence contre des bergers ; les "tuniques bleus" qui oscillent entre courage, indifférence et racisme ; un frère auréolé d'un passé d'aventurier par son jeune frère en quête d'une figure tutélaire.
La belle révélation de cette grande et longue BD est son traitement graphique. Une fois n'est pas coutume, parlons un peu technique !
Une BD classique, c'est du papier blanc, du dessin au trait, et une mise en couleur. On trouve aussi de plus en plus de BD dont dessins et mise en couleur sont assistés par ordinateur. Au cœur du dessert est dessiné et peint sur papier toilé, c’est à dire un papier qui imite la trame des toiles pour peintures à l'huile. Et le rendu est tout à fait unique, tant dans l'impression visuelle que dans la puissance et le réalisme des couleurs. La mise en page de grands formats projette le lecteur dans un univers artistique peu courant en BD.
Quelques réserves
Pas de réserve pour cette bande dessinée, sauf à vouloir lui reprocher son classicisme et son attention à ne pas multiplier les scènes de violence racoleuses. Oui, et alors ?
Encore un mot...
Sans ironie, et avec le respect dû à ce beau travail, vous trouverez dans cette BD le métissage de Blueberry, de Lucky Luke (sans l'humour), des westerns de Sergio Leone et des grands classiques américains du genre, sur une trame grave et réaliste, mise en scène et en images avec talents. Les planches s'inspirent, pour les paysages et les animaux, des peintres américains de la fin du XIXè et du début du XXe siècle ; des documents de l'époque dont les Charles disent que John Ford dut aussi s'inspirer pour les costumes de ses westerns. Ce travail formellement original donne à cette BD une personnalité très particulière qui mérite d'être découverte.
Une illustration
L'auteur
Jean François et Maryse Charles sont dessinateurs, auteurs et scénaristes de bande dessinée. De nationalité belge, ils se rencontrent très jeunes, étudiants à Bruxelles, l’un aux Beaux-Arts, l'autre en littérature. Ils écrivent ensemble synopsis et scénarii que Jean François dessine. Egypte, Orient, Asie sont souvent le décor de leurs histoires. Les amateurs se souviendront peut-être de lui comme un des auteurs et dessinateurs des Belles histoires de l'Oncle Paul, qui ont fait les belles heures du magazine Spirou.
Une de leur singularité est de produire de grands récits à la trame historique, comme India Dreams, édité de 2002 à 2016. Jean François a reçu de nombreux prix, dont en 2012, les grands prix Saint Michel et Diagonale (petit frère du festival d'Angoulême, il prend en 2018 le nom de Festival de Louvain-les-Bulles) ; en 2015 celui du festival de la BD de Chambéry pour l'ensemble de son œuvre. Jean François Charles poursuit en parallèle une activité de peintre.
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