De l’autre côté de la Frontière

Juste un bon Polar de plus
De
Dessins : Philippe Berthet, Scénario : Jean-Luc Fromental
Editions Dargaud,
66 p.
15,99 €
Notre recommandation
3/5

Infos & réservation

Thème

« De l’autre côté de la Frontière » est un polar réalisé de main de maître, par un tandem prestigieux, Berthet au dessin et Fromental au scénario. Ce dernier a imaginé son récit à partir de l’histoire vraie du père du célèbre Commissaire Maigret, Georges Simenon. Dans l’immédiat après-guerre, Simenon a vécu une dizaine d’année aux Etats-Unis, y assouvissant son féroce appétit de vie, nourri de sexe, d’alcool, d’aventures et d’écriture. Sur ce modèle, Fromental a donc créé le personnage de François Combe, auteur de polars francophone (qu’on devine Belge, même si ce n’est jamais mentionné clairement) vivant dans cette région frontalière entre l’Arizona et le Mexique. Combe va se mettre dans la peau de son personnage de roman, un célèbre détective, en essayant de résoudre une série de crimes horribles, dans laquelle un de ses amis est impliqué.

Le lieu est un élément important du récit, en plein désert mythique de Sonora, et est symbolisé par la ville de Nogales, ville américano-mexicaine coupée en deux par la frontière. Combien de polars se sont basés sur ces villes frontières, où le passage de l’autre côté était comme un renoncement à la moralité. En voici donc un de plus.

Points forts

Les amateurs de polars en Bandes Dessinées devraient ici trouver leur compte. Le scénario est maîtrisé du début à la fin, avec son lot de fausses pistes et de rebondissements, les personnages sont bien typés, pas vraiment de bons et de méchants. Le clivage est celui de la Frontière. Les Américains riches d’un côté, et les Mexicains pauvres de l’autre. L’esclavagisme historique des noirs est ici remplacé par son petit frère économique. Les Mexicains passent la Frontière tous les jours, récoltent un salaire de misère, et sont soumis aux caprices de leurs patrons américains. Les vices et les turpitudes de ces derniers n’ont rien à envier à leurs ancêtres esclavagistes.

Le dessin de Berthet affiche la même maîtrise que le scénario de Fromental. Il faut dire que ce n’est pas sa première incursion dans cet univers américain du milieu du XXème siècle. Que ce soit avec son « Privé d’Hollywood » (3 tomes aux éditions Dupuis), ou sa série des « Pin-up » (10 tomes chez Dargaud), il a toujours montré une prédilection pour cette période de l’histoire des Etats-Unis et est passé maître dans l’art de restituer les ambiances de ces époques. La légèreté de son trait, qui est une des caractéristiques essentielles de ce dessinateur, saisit avec peu d’effets les ambiances les plus contrastées, des plus bucoliques aux plus perverses.

Quelques réserves

Cette BD dégage une atmosphère extrêmement conventionnelle. La maîtrise évoquée dans les points forts enlève également toute originalité à cette aventure. On la lit sans surprise, elle est très agréable à suivre, mais s’oublie rapidement une fois la dernière page atteinte. Aucun personnage ne nous surprend dans son comportement, et, en dehors d’un rebond du scénario sur la fin du récit, le respect des conventions du genre diminue un peu l’enthousiasme du lecteur. Le personnage de François Combe, par exemple, aurait pu être plus travaillé et exploré dans ses perversités et ses excès, en gardant en tête son miroir du monde réel, Georges Simenon.

Encore un mot...

POLAR AGREABLE, MAIS SANS SURPRISE

Même si l’enthousiasme n’est pas au Rendez-vous de cette chronique, ne boudez pas votre plaisir en découvrant cette BD. A côté d’ouvrages qui bousculent les codes du genre, c’est agréable d’en avoir également qui cochent toutes les cases. Et quand en plus, c’est mis en dessin par Berthet, c’est une raison supplémentaire de la lire et de la déguster graphiquement. Lire une BD de Berthet, c’est comme regarder un vieux film des années 50. On s’attend à voir apparaître Humphrey Bogart ou Lauren Bacall à chaque coin de page. Les cadrages sont soignés, les décors magnifiques et épurés, pour laisser la vedette aux personnages, et en particulier aux personnages féminins que Berthet dessine comme peu de ses confrères.

Une illustration

L'auteur

(d’après BD Gest pour Fromental)

Né à Thorigny sur Marne le 22 septembre 1956, Philippe Berthet est un auteur de BD certes reconnu, mais qui, de mon point de vue, est resté aux portes de la Renommée qu’aurait dû lui ouvrir son immense talent. Je l’ai découvert pour la première fois dans les pages de la revue Circus (la revue de BD des éditions Glénat), au début des années 80, avec « le Marchand d’Idées », une série réalisée conjointement avec Cossu (4 tomes parus chez Glénat), et c’est peu dire que cela a été un choc. Cette série de science-fiction bousculait tous les codes du genre de l’époque, et le dessin de Berthet apparaissait déjà d’une grande maturité. Sans donner la liste exhaustive de toutes ses BD, on peut citer son « Privé d’Hollywood », l’histoire d’un détective privé dont les enquêtes se passaient dans le milieu du cinéma à Los Angeles (avec Bocquet et Rivière au scénario, trois tomes chez Dupuis), puis sa célèbre série des Pin-Up (avec Yann au scénario, 10 tomes chez Dargaud), ou encore, plus récemment, sa série « Nico », avec Duval au scénario (3 tomes, chez Dargaud).

Après dix ans dans l'édition, Jean-Luc Fromental s'adonne à la presse, la publicité, la télévision et bien sûr, la bande dessinée. En 1981, il crée (avec José-Louis Bocquet) L'Année de la bande dessinée. En 1983 il lance le bimestriel Métal Aventure et prend en 1985-86 la rédaction en chef du mythique Métal hurlant. Il fait ses premières armes dans le dessin animé en 1986 comme co-scénariste de la série Bleu, l'Enfant de la Terre, réalisée par Philippe Druillet, puis travaille en 1991 sur le projet de long-métrage de Moebius, Starwatcher. En 1994, il conçoit la série animée Il était une fois pour 26 dessinateurs de BD. Il s’oriente vers le long-métrage d’animation, avec l’adaptation du roman de Roy Lewis Pourquoi j’ai (pas) mangé mon père que réalisera Djamel Debbouze en 2012. En 2003, il revient vers l'édition en créant au sein de la maison Denoël le label de bande dessinée adulte Denoël Graphic qui a publié notamment Tamara Drewe de Posy Simmonds ou La Genèse de Robert Crumb. Jean-Luc Fromental s’est aussi illustré comme scénariste de bande dessinée : il a écrit pour des artistes tels que Floc’h, Loustal, Stanislas (Les Aventures d’Hergé), Chaland, Blexbolex, Miles Hyman, Jano. Il est l’auteur d’une trentaine de romans, récits de voyage, contes et bande dessinées.

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