L'homme qui plantait des arbres

Une bouffée de fraicheur pour une terre brulante
De
Scénario Florence Lebonvallet, Dessin Daniel Casanave, d'après l'œuvre de Jean Giono
BD / Roman graphique
Ed. Gallimard BD, 2025
176 p.
22€
Notre recommandation
4/5

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Thème

Dans les années 1910, le narrateur entreprend "une grande course à pied" dans le Sud de la France, non loin du plateau de Valensole, entre Drôme et Durance. Il parcourt un paysage sauvage et nu, couvert de lavandes, et le découvre "d'une désolation sans exemple". Aucun arbre, des villages abandonnés, pas âme qui vive… Enfin, pas tout à fait.

A la recherche de cette eau qui fait tant défaut, il rencontre un berger solitaire qui lui offre à boire et de l'héberger pour la nuit. Il lui partage également sa rude fierté d'arriver à vivre malgré tout en ce lieu difficile. Elzéard Bouffier, c'est son nom, révèle au voyageur sa connaissance de l'histoire des lieux. Mais aussi, son secret. 

A l'occasion de toutes ses transhumances et de ses déplacements, il plante des arbres. Ou plutôt, des glands, des faines, des samares (graines de bouleaux). Avec le secret espoir de faire renaître la vie sur ces plateaux, vallées et coteaux désolés. L'amitié naît entre eux, le curieux et le taiseux. Une amitié séparée d'une guerre, retrouvée et rattrapée par la modernité et son petit peuple de fonctionnaires qui voit avec intérêt refleurir la nature, la vie et la joie de vivre. 

Le narrateur s'appelle Jean Giono.

Points forts

Avec un Giono souriant, aux faux airs d’un Tintin qui serait affublé de la pipe du Capitaine Haddock, ce roman graphique campe des personnages pleins de poésie, sous le trait simple et amusant de Daniel Casanave. Ici, pas d'hyper réalisme, mais un univers minéral et végétal qui met les personnages et le dessein secret d'Elzéard particulièrement en valeur : repeupler d'arbres un territoire qui a perdu la vie. 

Le scénario, composé par Florence Lebonvallet à partir de cette "petite nouvelle" publiée par Jean Giono en 1953, privilégie les silences, la discrétion du commentaire, le mot juste, simplement nécessaire à exprimer les sentiments des personnages, l'atmosphère du moment ou d'un lieu.

Avec ses couleurs vives et douces, dues à Claire Champion ; ses dessins grands formats parfois mis en double page ; ce roman graphique vous invite à un regard complice sur cette aventure hors du commun.

Ne boudez pas, entre autres, ni un petit clin d'œil au romantisme allemand, avec un Elzéard contemplant un horizon de brouillards et de landes ; ni la confession de Giono sur ce qui inspira cette histoire… Histoire qui fut comprise comme vraie mais révélée par Aline, sa fille, comme une rêverie romantique.

Quelques réserves

Aucune réserve. Ce roman graphique sent la lavande et le vent, la sécheresse de la lande, la gourmandise des écureuils, la douceur des chênes et la fraîcheur de l'eau. Il sent la vie qui renaît et la silencieuse détermination de ce magicien de berger. Et vient joliment se ranger aux côtés d’une autre adaptation d’une œuvre de Giono précédemment chroniquée sur notre site.

Encore un mot...

L’homme qui plantait des arbres est paru en 1953 aux États-Unis et connut un grand succès à l'étranger. Vu avec nos yeux d'aujourd'hui, cette histoire, terriblement actuelle, est tout à la fois une bouffée d'air frais et d'espoir. Le caractère démiurgique d'Elzeard Bouffier pourrait paraître très utopique, comme se plaît à le souligner Giono lui-même : « les hommes pourraient être aussi efficaces que Dieu dans d’autres domaines que la destruction ». 

Il y a quelques mois, nous chroniquions dans nos colonnes Le chaos climatique n'est pas une fatalité, manifeste écrit par deux Elzéard Bouvier contemporains, Jean François Rial et Matthieu Belloir, pour pousser à replanter des arbres sur toute la planète et en faire de gigantesques puits de carbone. Comme eux, la discrétion et la détermination gigantesques d'Elzéard pourraient inspirer beaucoup d'entre nous ! Car il est bon de rappeler que goutte après goutte, les petits ruisseaux portent l'espoir de faire de grandes rivières ! Cet album est une belle respiration au nez des pessimistes.

Une illustration

L'auteur

Laurent Verron est dessinateur de bandes dessinées. Il commence sa carrière comme assistant de Jean Roba, le père de Boule et Bill, série publiée dans l'hebdomadaire Spirou des années 1970-1980. À partir de 2003 et jusqu’en 2015, il en reprend le dessin. Il illustre également des séries comme Le Maltais (1991-1994) et Odilon Verjus (1996-2006). C'est en 2017 qu'il engage sa collaboration avec Yves Sente. Elle s'incarne dans le premier tome de Mademoiselle J. Il s'appelait Ptirou, sorte de prélude au personnage à l’origine de Spirou, pour lequel ils recevront un prix en 2018.

Yves Sente est scénariste de romans et de bandes dessinées, par ailleurs ancien directeur éditorial des Editions Le Lombard. Il est reconnu aujourd'hui comme l’un des grands scénaristes contemporains de BD, en reprenant des séries emblématiques comme Blake & MortimerThorgal ou XIII. Depuis les années 2010, il se consacre principalement aux scénarii dont le remarqué Cinq branches de coton noir (2018) et, en collaboration avec Verron, la série Mademoiselle J., qui témoigne de sa capacité à mêler Histoire, fiction et séries populaires. Il a signé son premier roman sous le titre de L'expérience Pentagramme, dont la chronique est à lire sur le site Culture-Tops.

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