La Dernière Reine

Un scénario exceptionnel, enfermé dans la monotonie des pages
De
Scénario, dessins, mise en couleur : Rochette
Editions Casterman
Octobre 2022
238 p.
30 €
Notre recommandation
3/5

Infos & réservation

Thème

Edouard Roux, dans son Vercors natal, c'est un colosse !  Ami de l'ours, il est aussi… roux.  Trois singularités qui ne plaisent guère. Envoyé au front en 1914, il en revient grièvement blessé, gueule cassée. Un compagnon d'arme lui recommande une artiste, Jeanne Sauvage, qui compose des masques sur les blessures et redonnent aux anciens soldats leur dignité. 

La force d'Edouard et la sensibilité de Jeanne vont se rencontrer alors qu'elle remodèle son visage à l'image d'une statue étrusque. Elle lui ouvre les portes du milieu des artistes de Montmartre, il lui dévoile les trésors cachés de son Vercors. Au fond d'une grotte, elle a la révélation de son œuvre majeure, un ours massif qui semble éternel. 

Elle réalisera son projet, mais l'escroquerie dont elle est victime les obligent tous deux à rejoindre les hauts plateaux du Vercors, pour une vie en symbiose avec la nature, qui ne permettra, ni à l'un, ni à l'autre, d'échapper à son destin.

Points forts

La Dernière Reine est une très belle histoire d'amour où se mêlent petit peuple de Paris et grands artistes, grands espaces et petites combines, vie sauvage et emprise de l'homme sur la nature.

La Dernière Reine brille par son sujet – la création, l'amour de la nature, l'amour de l'autre, le destin – et par un scénario remarquable dont on pourrait faire un roman autant qu'un film magnifiques. 

La narration par l'image est longue (près de 240 pages), les textes bien écrits. De la butte Montmartre à la prison de la Santé, des grottes aux forêts du Vercors, les ambiances présentent un parti pris créatif qui ne peut laisser indifférent.

Et vous aurez peut-être plaisir à croiser au hasard des pages, à l'Auberge du Lapin Agile, Bruant, Soutine et François Pompon, dont l'ours ressemble étrangement à La Dernière Reine, œuvre ultime de Jeanne, l'héroïne de cette histoire. 

Notez enfin que les dessins animaliers, comme ceux des grands espaces, parfois fouillés, parfois esquissés, sont d'une belle force évocatrice.

Quelques réserves

Si le dessin témoigne d'un parti pris et d'un talent certains, la mise en page m'a paru très linéaire, la forme répétitive des cases ne magnifiant pas des images qui pourtant le méritent souvent. Alors que La Dernière Reine rend hommage à ces espaces encore vierges à l'époque du récit, la mise en scène me semble les réduire à un cadre étriqué tandis que des couleurs souvent sombres enferment le récit dans une ambiance lourdement dramatique.

Un certain manichéisme est aussi présent dans les représentations de la société de ce premier quart du 20ème siècle.

Encore un mot...

Cela a déjà été dit, La Dernière Reine propose un scénario remarquable, comme il est rare d'en trouver pour une œuvre romanesque en bandes dessinées. Ici, pas d'inspiration venue d'ailleurs, Rochette a imaginé et imagé une vraiment belle histoire. Si la couverture de ce roman graphique est très réussie – une grande image pleine page –, la mise en place, qui n'est pas la mise en images, ne me semble pas offrir à ce récit l'amplitude visuelle qu'il mérite. Cette histoire tragique et belle, qui unit la malédiction de l'artiste à celle du bouc émissaire, mérite cependant vraiment d'être lue.

Une illustration

L'auteur

Rochette, comprenez Jean Marc Rochette, est peintre, sculpteur, auteur et dessinateur de bandes dessinées. Amoureux de la montagne, il en fait un thème privilégié de son travail d'artiste dont Le Loup, 2019, et Ailefroide, altitude 3954, 2018, sont deux témoignages récents. Son œuvre est diverse, avec un volet illustration et un passage par la littérature jeunesse, la peinture abstraite ou de paysage. Il est, avec ses trois scénaristes, le dessinateur de l'étonnante série post apocalyptique, Le Transperceneige, publiée de 1984 à 2015, qui fera l'objet de deux adaptations à la télévision et recevra le Prix Témoignage Chrétien du festival d'Angoulême en 1985. 

Il a reçu d'autres prix, dont le prix Ouest France Quai des bulles 2018 pour Ailefroide. La Dernière Reine évoque l'histoire du dernier ours abattu dans le Vercors.

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