POLICE

Porté par un trio d’acteurs brillants, un drame social sur les questions si brûlantes de l’immigration…
De
Anne Fontaine
Avec
Virginie Efira, Omar Sy, Grégory Gadebois...
Notre recommandation
4/5

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Thème

Virginie (Virginie Efira), Erik (Grégory Gadebois) et Aristide (Omar Sy) sont trois flics parisiens lambda qui font leur boulot aussi bien que leurs fêlures et problèmes personnels (avortement, alcoolisme, solitude) le leur permettent. Un jour, le hasard (ou presque) va les réunir pour une mission bien particulière : conduire un clandestin tadjik jusqu’à l’avion dans lequel il sera expulsé. Sur la route de l’aéroport, Virginie prend douloureusement conscience que, si cet étranger est reconduit dans son pays, il est voué à une mort certaine. Elle va tenter de convaincre ses collègues de désobéir aux ordres et de le laisser s’échapper.

Points forts

– Une fois encore Anne Fontaine surprend. Après s’être aventurée dans un conte de Grimm, Blanche comme neige, elle revient se cogner à la réalité avec ce film, inspiré du roman éponyme de Hugo Boris, qui plonge dans deux sujets d’actualité : le quotidien des policiers de proximité et l’immigration clandestine.

— Son scénario est adroit. En quelques scènes bien choisies, censées être tournées en une seule journée, elle dresse le portrait de trois flics, certes différents, mais qui partagent tous trois d’être cabossés, non seulement par la dureté et la dangerosité de leur métier mais aussi par les « chienlits » de la vie. La révélation des « bleus » indélébiles qui les meurtrissent les rend immédiatement attachants et sympathiques. En déchirant l’image violente, sexiste et manichéenne qu’on a souvent, en France, des policiers, ces trois-là nous embarquent. Ce stratagème d’écriture va relancer et surtout crédibiliser la suite du film, lorsque le trio va s’interroger sur le bien-fondé de laisser s’enfuir, ou non, l’immigré qu’on les charge de reconduire à la frontière. De film psychologique et social, Police va basculer dans le thriller.

– Comme à son habitude, Anne Fontaine a soigné sa réalisation. L’image (signée Yves Angelo, un as dans son métier) est belle, stylisée ; les cadres, bien choisis, et le montage, d’un rythme parfait.

– Le casting est réussi aussi, emmené par un trio d’acteurs justes et brillants, Virginie Efira, Omar Sy et Grégory Gadebois. La première est formidable de retenue, de charme et de compassion, le second est sensationnel dans un registre qu’il aborde pourtant peu souvent, celui du drame. Quant au troisième, il joue à fleur de peau son personnage de flic bourru, porté sur la bouteille et pourtant si sensible.

Quelques réserves

– On aurait aimé en savoir un peu plus sur les trois principaux protagonistes

– L’épilogue du film, tourne court, laisse un peu sur sa faim.

Encore un mot...

Anne Fontaine dit que Police n’est ni un polar, ni une analyse sociologique, mais « un voyage intérieur qui pose des questions métaphysiques ». On ne saurait mieux dire. On ajoutera qu’en dehors de sa belle interprétation, la grande force de son film est que la cinéaste ne s’érige jamais en juge de ses personnages. Elle les montre au plus près de leur vérité, loin des idées reçues de leur métier. Le résultat est que, malgré sa fin un peu escamotée, on sort bouleversé de son film.

Une phrase

« J’ai tout de suite été happée par la trajectoire singulièrement humaine des personnages du livre d’Hugo Boris. Des policiers lambda, soudain confrontés à leur propre vérité au cours d’une mission pour laquelle ils n’ont pas été formés. J’ai eu envie de suivre leur cheminement intérieur, partager leurs questionnements. Comment réagirait-on si on nous ordonnait de renvoyer un demandeur d’asile dans son pays ? Comme le lecteur du roman, le spectateur devrait pouvoir naviguer avec ses propres interrogations sur la transgression, la désobéissance… » ( Anne Fontaine, réalisatrice ).

L'auteur

Née à Luxembourg en 1959, Anne Fontaine est l’une des réalisatrices françaises les plus inclassables, qui aime surgir là où on ne l’attend pas.

Après avoir suivi une formation de danseuse, elle débute sa vie professionnelle comme… actrice, notamment dans des comédies dont, en 1985, P.R.O.F.S. de Patrick Schulmann, où elle interprète le rôle de la compagne de Patrick Bruel. L’année suivante, elle plaque le grand écran et se lance dans la mise en scène de théâtre pour diriger Fabrice Luchini dans Voyage au bout de la nuit qu’elle a adapté avec lui. En 1991, nouvelle volte-face : elle revient au cinéma avec Les histoires d’amour finissent mal… en général, cette fois-ci en tant que réalisatrice. Elle a trouvé sa voie et n’arrêtera plus de tourner. Des films de genres et de sujets à chaque fois différents, qui témoignent de son insatiable curiosité. En 1995, c’est Augustin ; en 1997, Nettoyage à sec ( qui l’impose comme une réalisatrice à suivre) ; en 1999, Augustin, roi du kung-fu. Suivront, entre autres, un drame, Comment j’ai tué mon père (2001), un thriller romantique, Entre ses mains ( 2006), un biopic, Coco avant Chanel ( 2009), un drame historique , Les Innocentes ( 2016), et une adaptation d’un conte de Grimm Blanche comme neige (2019).

Police est le dix-huitième long métrage de cette cinéaste éclectique, qui est mariée au producteur Philippe Carcassonne.

Et aussi

 

« POISSONSEXE » D’OLIVIER BABINET – AVEC GUSTAVE KERVERN, INDIA HAIR…

Alors que Miranda, la dernière baleine du monde, fait la une des journaux, Daniel, un biologiste obstiné tente de redonner l’envie de copuler aux poissons, en voie de disparition. Célibataire lunaire et désabusé, il est lui-même hanté par le désir de paternité. Le hic, c’est que là où il habite et travaille, seules trois femmes sont en âge de procréer. Selon ses calculs, il n’a donc qu’une chance sur 6232,33 de rencontrer la mère de ses futurs enfants. Pourtant, un jour, en sauvant de la noyade un étrange poisson à pattes, nommé axolotl, Daniel va doucement réapprendre à tomber amoureux…

Il ne faut pas se fier aux apparences de ce film. C’est un OVNI. Même si ses décors et ses costumes portent à croire qu’il se passe dans la réalité de notre monde, sa poésie décalée et divinement intemporelle le fait relever de la fable et son constat d’un monde où les mers seraient dépeuplées de ses animaux l’apparente à de la science-fiction. Ce Poissonsexe est d’autant plus séduisant qu’il est porté par deux comédiens merveilleux de douceur et de fantaisie, Gustave Kervern et India Hair.

Signé Olivier Babinet, l’auteur du surréaliste Robert Mitchum est mort, Poissonsexe, dont le charme vient aussi de sa photo, très soignée, remporte la palme du film le plus délicieusement captivant de la semaine.

Recommandation : excellent

 

« ANTIGONE » DE SOPHIE DERASPE – AVEC NAHÉMA RICCI, RACHIDA OUSSAADA…

Pour son cinquième long métrage, comme Anouilh avant elle, la jeune réalisatrice québécoise Sophie Deraspe s’est saisie de l’une des pièces les plus mythiques de Sophocle, mais sa transposition ressemble peu à celle du dramaturge français. D’abord, sa version se déroule dans le Québec contemporain. Ensuite son Antigone est une adolescente issue de l’immigration qui, au nom de sa propre justice, celle de l’amour et de la solidarité, va aider son frère – qu’elle estime injustement condamné – à éviter la prison. Comme dans la tragédie grecque, l’histoire de l’héroïne est encadrée par des chœurs, mais ces derniers s’expriment, ici, entre autres, sur des rythmes de rap…Rassurons les amoureux de Sophocle : la question centrale de ce film contemporain reste évidemment la même que celle de son texte fondateur : faut-il se plier à la tyrannie des hommes et des Etats ou écouter les élans de son cœur et donc tenter de se révolter contre ce qu’on estime injuste ?

L’interrogation reste d’une brûlante actualité. Réalisé avec une maîtrise et une énergie qui évoque celle des films de Xavier Dolan, cet Antigone est porté par une distribution parfaite. Dans le rôle-titre, la jeune franco-tunisienne Nahéma Ricci est incandescente et déchirante. Recommandation : excellent

 

« EMA » DE PABLO LARRAIN – AVEC MARIANA DI GIROLAMO, GAEL GARCIA BERNAL…

Ema, une jeune danseuse volcanique et éprise de liberté, vient d’abandonner le fils qu’elle avait adopté un an auparavant avec son chorégraphe de mari. Détruite par les conséquences de son acte, elle choisit, non pas de se renfermer sur elle même, mais, au contraire, de tout envoyer valser, couple et conventions sociales, pour se lancer à corps perdu, dans des expériences sexuelles tous azimuts, sans renoncer pourtant à l’idée de parvenir un jour à assumer une maternité…

Après les remarquables et distingués Neruda et Jackie (respectivement, des biopics du poète Pablo Neruda et de Jackie Kennedy), Pablo Larrain dresse le portrait d’une femme à l’image  d’ un feu follet, fascinante de vitalité, de sensualité, de liberté d’être et de désespoir mêlés. Même si on ne comprend pas vraiment où le cinéaste chilien veut en venir, on ne peut pas quitter l’écran des yeux tant son film fascine, par son incandescence, son rythme frénétique et la sensualité jusqu’au-boutiste qu’il dégage. Dans le rôle-titre de cet Ema d’une grande beauté formelle, Mariana Di Girolamo. D’un charisme époustouflant, la danseuse comédienne qui tient ici pour la première fois le haut de l'affiche est magistrale de bout en bout. Dans le rôle de son époux, le beau et talentueux Gael Garcia Bernal n’est pas mal non plus !

Recommandation : excellent

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