Un rêve de feu
Traduit de l’américain par Hubert Tézenas
Publication le 21 août 2025
720 pages
26,50 euros
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Thème
Le 6 novembre 1860, Abraham Lincoln est élu Président des États-Unis. Quatre jours plus tard, la Caroline du Sud fait sécession. Face à l’agitation, le major Anderson, un ancien propriétaire d’esclaves fidèle à l’Union, reprend en main Fort Sumter, une forteresse fédérale au milieu de la baie de Charleston. Avec ses 32 maisons de négoce d’esclaves, la ville, à l’écart du chemin de fer, est dominée par les planteurs qui se voient comme une chevalerie moyenâgeuse. Pour eux, l’esclavage est une “bénédiction sociale, morale et politique”. La Bible ne l’interdit pas. Dans le Nord, le combat abolitionniste a pris de l’ampleur depuis la parution de La Case l’oncle Tom. L’antagonisme Nord- Sud est puissant, l’affrontement inévitable.
Un rêve de feu illustre la dynamique de la Sécession à travers la chronique au jour le jour de la reddition de Fort Sumter le 13 avril 1861. Larson décrit comment Anderson a longtemps contenu la pression du gouvernement confédéré alors que le pouvoir fédéral, hier encore favorable aux esclavagistes, est aux abonnés absents (le très légaliste Lincoln ne sera investi que le 4 mars). Cette résistance vaudra à Anderson de devenir un héros de l’Histoire des États-Unis.
Points forts
Un rêve de feu est un ouvrage de “non-fiction”. Toutes les citations entre guillemets sont tirées d’un document historique (archives, journaux intimes, mémoires) et chaque référence à une action physique est le fait de l’auteur ou d’un témoin. Le résultat est un récit riche et rythmé alimenté par une multitude de sources (politiciens, activistes et militaires des deux bords, journalistes...) qui démultiplient les regards sur les acteurs et les événements (concentrés ici sur un laps de temps réduit de cinq mois).
Larson restitue bien le contexte économique et social du Sud du milieu du 19e siècle. Avec le coton, les planteurs estiment disposer d’une arme fatale qui assurera la pérennité de leur modèle d’asservissement. Les parcours des planteurs et politiciens Hammond et Ruffin aident à saisir leur cynisme et ce qui anime leur guerre civilisationnelle. La faiblesse politique de l’Union et de ses dirigeants, les jeux de pouvoir à Washington, le dangereux voyage de Lincoln depuis Springfield jusqu'à Washington pour l’investiture sont racontés avec brio. Un Lincoln un brin cynique qui, avec la chute de Fort Sumter, aurait laissé se cristalliser la trahison du Sud pour justifier la guerre contre la Sécession, aux dépens des nerfs du pauvre major Anderson.
Quelques réserves
Ce gros livre n’a pas l’intensité du précédent (La splendeur et l’infamie). La chronique de Fort Sumter est parfois paresseuse, alors que le suspense est inexistant et l’issue connue (la chute du fort, la guerre de Sécession). Larson s’égare parfois dans des anecdotes latérales amusantes mais inutiles. La perspective des Noirs est absente, ce qui est dommage (faute de documentation ?). A cette chronique des difficultés d’Anderson de convaincre Washington d’intervenir, on a préféré la vision économique, morale et sociale de la société du Sud, utile pour comprendre le racisme latent aux États-Unis et le combat anti-ségrégation des années 1960.
Encore un mot...
Un rêve de feu nous plonge avec brio aux sources des divisions la société américaine actuelle : ségrégation raciale, poids du religieux, violence politique, légitimité du pouvoir fédéral.
Une phrase
« Heureusement pour lui, il s’est trouvé que le Sud avait à portée de main une race adaptée à cette fin. Une race inférieure à la sienne, mais éminemment apte, par son tempérament, sa vigueur, sa docilité et son aptitude à endurer le climat, à répondre à tous ses besoins. Nous les utilisons à cet effet et les appelons esclaves» (Sénateur Hammond, p.97-98). »
L'auteur
Erik Larson est un journaliste, écrivain, enseignant et conférencier américain. Il a notamment publié Le jardin de la bête (2011), un reportage historique sur le destin de la famille du premier représentant diplomatique américain auprès du régime nazi. Culture Tops avait qualifié son dernier livre, La Splendeur et l'infamie, paru en 2022 de « régal pour les admirateurs du bouledogue au cigare ».
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