21 Rue la Boétie

L'extraordinaire épopée d'un grand "passeur de modernité"
Notre recommandation
5/5

Infos & réservation

Musée Maillol
56/61 rue de Grenelle
75007
Paris
01 42 22 59 58
Jusqu'au 23 Juillet: Tous les jours, de 10h30 à 21H30. nocturne, le vendredi à 21h30.
Lu / Vu par Culture-Tops

Thème

L‘exposition retrace le parcours singulier de Paul Rosenberg (1881-1959),  l’un des plus grands marchands d’art de la première moitié du XXe siècle, au travers d’une soixantaine de chef d’œuvres qu’il a exposés  dans sa galerie parisienne, située 21 rue La Boétie, dans le 8e arrondissement, mais également à New York et Londres.
 
Inspiré du livre éponyme de sa petite fille, Anne Sinclair, paru en 2012, elle situe sa carrière au sein de l’époque tourmentée de la seconde guerre mondiale, qui en fait le témoin privilégié d’une histoire qui le dépasse et dont il est à la fois acteur et victime.

Fils du marchand d’art et d’antiquités Alexandre Rosenberg,  Paul Rosenberg fonde sa propre galerie en 1910, et débute en présentant  des œuvres des grands maitres de la peinture française du XIXe siècle et des peintres de l’école de Barbizon.

Il inscrira les peintres modernes dans la continuité des impressionnistes, en les présentant sur deux étages différents, dans des mises en situation d’intérieurs bourgeois, très originales à cette époque.

Ami intime et agent des plus grands artistes de son temps, de Maire Laurencin, Picasso, Matisse, Braque, Leger, qui allaient devenir les maitres de l’Art Moderne,  il a contribué à former le goût des collectionneurs et musées  américains pour cette peinture et ces artistes.

Il anticipera la migration du centre du marché de l’Art de Paris vers New York ,  mouvement accéléré par le Seconde Guerre mondiale.

En 1940, il fuit la France pour s’installer aux Etats Unis. Disposant d’un stock d’oeuvres mises à l’abri avant le conflit, il relance son activité et ouvre une galerie sur la 57e Avenue.

Déchu de la nationalité française, sa galerie sera réquisitionnée pour devenir une officine de la gestapo, « l’institut d’études de la question juive ».

L’ensemble de sa collection stockée a Paris et à Libourne sera volé par les Allemands.

A la fin de la Seconde Guerre mondiale, Paul Rosenberg entreprendra des démarches officielles pour récupérer ses oeuvres spoliées,  ce à quoi il parviendra partiellement, un grand nombre de celles ci demeurant à ce jour introuvables.

Parallèlement, il poursuivra à New York sont rôle de découvreur de talents, avec notamment Nicolas de Staël qui signera en 1953 avec lui un contrat d’exclusivité pour le marché américain.

Points forts

A travers  la vie des tableaux présentés, l’exposition rend compte de ce que fut l’aventure de l’Art Moderne,  le développement du marché de l’Art et l’évolution du métier de marchand d’art et de galeriste.

Elle associe l’ensemble au déroulement de la Grande Histoire, au sein d’une reconstitution historique de la période.

- La première partie  est particulièrement dédiée au parcours  de  Paul Rosenberg, à  sa proximité avec les artistes et au développement de son « système » pour en faire la promotion. Cela permet de comprendre en quoi il fut un véritable visionnaire, croyant au génie de ses contemporains Braque, Matisse, Fernand Leger et bien sûr Picasso.

L’exposition s’ouvre  ainsi sur deux œuvres de Picasso, un portait de Paul Rosenberg, réalisé en 1918  au crayon,  puis  celui de Mme Rosenberg et de sa fille, une des  rares œuvres de commande  que Picasso réalisera. Ce portrait va sceller  l’amitié profonde entre eux.  Paul Rosenberg deviendra son marchand au sortir de la période cubiste, le marchand de son ami « Pic » comme il le surnomme.

Il l’installera d’ailleurs au 23 rue la Boétie. On comprend la proximité des deux amis et l’influence du marchand sur la production de l’artiste, et ce notamment avec le travail présenté sur  la série des « Arlequins ».

J’ai trouvé passionnantes les explications concernant  le « système Rosenberg », organisation mise en œuvre par cet homme d’affaires, qui en articulant son activité en quatre axes, va donner une nouvelle dimension au métier de marchand d’art.

Il conçoit ainsi une mise en scène des œuvres particulièrement étudiée associée à des meubles de styles, un répertoire de « fiches » pour chaque oeuvre dont la reproduction de certaines sont exposées,  l’organisation «  en rafale »  d’expositions lui permettant d’être constamment présent sur le marché, l’utilisation de moyens modernes de promotion (catalogues, publicités, expositions de bienfaisance), et enfin  le développement d’un réseau de collectionneurs fortunés et de conservateurs de musées européens  mais également américains.

Ceci paraît assez banal aujourd’hui, mais était semble-t-il tout à fait novateur à l’époque.

- La seconde partie met en perspective son destin dans la période troublée de 1936 à 1945, principalement par l’évocation saisissante de la politique culturelle développée comme « instrument politique »  par Hitler et Goebbels et du système de spoliation mis en place par les nazis.
Cette seconde partie comporte deux volets remarquablement expliqués :  
       -  la promotion de l’art officiel aryen -peinture réaliste, figurative et populaire-, par l’organisation dés 1937  de  grandes expositions,
       - la mise  au pilori de l’Art Moderne, considéré comme « art dégénéré », la suppression et destruction de 16.000 à 20000 œuvres provenant de musées allemands, de marchands et collectionneurs principalement juifs, l’organisation d’un grande exposition sur « l ’art dégénéré » à Munich (2 millions de visiteurs),  ainsi qu’en 1939 la mémorable vente de Lucerne concernant 125 chef d’œuvres, dont le pouvoir voulait se débarrasser.
Paul Rosenberg dira alors : « cet argent retombera sous forme de bombes »
 
- La scénographie particulièrement réussie de Hubert le Gall, qui recrée l’ambiance de la galerie. Les reconstitutions  en 3 D des photos d’époque, présentant les salons de la galerie où les œuvres étaient exposées au milieu d’un mobilier de style, sont formidables.
 
- Enfin la dernière partie de l’exposition, qui retrace le long combat mené par Paul Rosenberg pour la restitution de ses œuvres spoliées.  Ce travail reste d’ailleurs inachevé.
J’ai trouvé particulièrement éloquent la présentation de l’itinéraire du tableau «  la femme assise », de Matisse, qui est présenté en illustration de cette quête. Volé avec sa collection stockée à Libourne, il est reconnu lors de l’exposition Matisse, au Centre Pompidou en 2012. Il sera restitué en 2014 par son propriétaire,  le Centre Henie Onstad.

Quelques réserves

Je n’en vois pas. Le visiteur est saisi par la puissance de ce destin et la beauté des œuvres exposées, dont un grand nombre proviennent de collections privées.

Encore un mot...

La carrière de Paul Rosenberg permet d’appréhender sous un prisme nouveau le double tournant dans l’histoire de l’Art que représentent l’émergence de l ‘Art Moderne puis, dans la tourmente de la Seconde Guerre mondiale, le déplacement du centre de l’histoire de l’Art de Paris vers New York.

Une phrase

« J’ouvre prochainement de nouvelles galeries d’Art moderne, 21 rue la Boétie, ou je compte faire des expositions périodiques des Maitres du XIXe  et des peintures de notre époque.
J’estime toutefois que le défaut des expositions actuelles est de montrer isolément l’œuvre d’un artiste.
Aussi ai-je l’intention d’organiser chez moi des expositions d’ensemble d’Art décoratif.
Bien des personnes ,qui ne sont pas assez sûres de leur goût et du goût des Artiste pris séparément , verraient leur tâche facilitée en jouissant d’un coup d’œil d’ensemble de l’étroite réunion de tous les Arts dans l’atmosphère d’une habitation privée ». Paul Rosenberg. 

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