Divine Jacqueline

Je me suis aimée plus que tout et j’ai eu raison
De
Dominique Bona
Gallimard, paru le 1er avril 2021 -
520 pages -
24 euros
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Thème

Comment s’y prendre quand on a, au départ, tous les atouts ? La naissance, la beauté, l’allure, l’argent et que l’on veut conquérir, non pas Paris mais …le monde entier ? Jacqueline de Ribes, née en 1929, vous en donne le mode d’emploi au travers d’une biographie Divine Jacqueline magistralement écrite par Dominique Bona. Qu’a donc de remarquable cette héroïne hormis sa volonté d’avoir été l’une des femmes les plus élégantes du monde ?

Les dieux semblaient s’être mis d’accord avant sa naissance pour faire de cette Narcisse XXL une femme bien décidée à consacrer son existence à la permanente contemplation d’elle-même. Bien née, bien mariée, fort riche, mère de famille parce qu’il fallait bien l’être (pour la lignée), la comtesse de Ribes, à défaut d’avoir été l’inspiratrice de Marcel Proust, incarne sous la plume de l’auteure, une traversée des apparences à laquelle ne manque plus qu’un film la consacrant. Au fil des pages, la personnalité de Jacqueline de Ribes s’étoffe au point d’imposer à sa belle-famille un nouvel art de vivre : le sien. Au diable le dédain témoigné par la famille aux couturiers, bijoutiers, décorateurs, danseurs, cinéastes, et autres photographes, l’héroïne de Dominique Bona en fera ses alliés. Bien avant que mai 68 rebatte les cartes de la société française, Jacqueline de Ribes se lance à la conquête de l’Amérique.

Photographiée par Richard Avedon en 1960, il « l’immortalise en Sphinx : les cheveux dénoués, le buste reposant sur les avant-bras, dans la pose du monstre millénaire, the Sphynx Within, un des chefs d’œuvre d’Avedon, seul le mystère l’habillle.» Le Harper’s Bazaar, le Life, puis The New Yorker et Vogue la révèlent à l’Amérique. D’est en ouest, les Américains sont séduits par cette Française incarnant l’élégance absolue et l’art de vivre sous toutes les latitudes. Un ancrage international qui la conduira à lancer sa propre maison de Haute Couture en 1983, hélas fermée douze ans plus tard.

Points forts

Qu’elle se trouve dans son salon, dans un aéroport ou à un défilé de Haute Couture, la gestuelle attentive de Jacqueline de Ribes, sa beauté glacée, son sourire froid et son allure d’impératrice ont fait de ses « entrées » un art consommé : cette Néfertiti d’un siècle englouti écrase, par sa seule apparition, pharaons contemporains et concurrentes rêvant sottement de remplacer ce produit made in France. Voulant aller bien au-delà d’un simple portrait, Dominique Bona recrée cette femme froide mais passionnée, aussi exigeante dans ses choix qu’amoureuse d’elle-même. Faire de sa propre vie un chef d’œuvre est une gageure qu’elle conduira avec une détermination sans égale. 

Quelques réserves

Je n’en vois aucun.

Encore un mot...

Montée en première classe dès le berceau pour traverser le vingtième siècle et le siècle suivant, Jacqueline de Ribes, grâce à Dominique Bona nous livre, non pas son intimité, mais ce qu’il faudra retenir d’elle : en toute simplicité et en toute modestie : l’excellence de A à Z, traversant guerres, tremblements de terre, crises boursières et dégringolades diverses avec le panache requis. Si, d’aventure, quelques malheurs venaient à s’abattre sur elle, l’héroïne fait face quels que soient ses ennemis. Derrière le personnage qu’elle joue, se cache une femme de fer. Dominique Bona n’a pas craint de se lancer dans cette biographie à hauts risques. Un parcours du combattant de 524 pages qui était loin d’être gagné d’avance ! Pourquoi ? Parce que rien n’est plus difficile qu’une héroïne ne laissant derrière elle aucune œuvre tangible, aucun exploit digne d’être célébré urbi et orbi et pas le moindre scandale que les réseaux sociaux se seraient empressés de livrer au public. 

Une phrase

Le premier extrait vient du premier dîner de Dominique Bona chez la comtesse de Ribes, juste après l’admission de l’auteure à l’Académie française. 
« C’est en tant que toute neuve académicienne, ayant attisé la curiosité de la comtesse de Ribes, que j’y fus invitée. Un petit dîner, selon la maîtresse de maison, soit vingt-quatre personnes réparties de deux tables de douze. Je la trouvais superbe dans sa longue tunique de soie, et très impressionnante par cette espèce de raideur royale, sa façon de regarder de haut, de tout en haut, les gens autour d’elle. 

2ème extrait : 
« Jacqueline de Ribes n’a pas seulement sculpté sa vie, son personnage… elle a construit de son vivant à la fois sa légende et son cénotaphe…Je sens sur moi son regard à la fois impérial et inquiet qui a l’incroyable prétention de percer le secret de sa vie. » 

3ème extrait (le plus touchant, dit par Jacqueline de Ribes à ses amis en 2010, trois ans avant la mort d’Edouard, son mari)
« Malgré quelques frayeurs évidentes et compréhensibles, Edouard a toujours accepté et supporté mes différentes entreprises… je suis née un 14 juillet, j’ai mis évidemment un peu de révolution dans la maison, j’espère avoir mis aussi un peu de feux d’artifice. »

L'auteur

Agrégée de lettres modernes, membre de l’Académie française depuis 2013, journaliste et critique littéraire au Quotidien de Paris, puis au Figaro Littéraire, Dominique Bona est également membre du jury du prix Renaudot depuis 1999. Sa carrière littéraire lui a valu en 1992 le Prix Interallié pour son roman Malika (Mercure de France), Prix Méditerranée en 1994 pour Gala (Flammarion). En 1998, le Prix Renaudot pour Le manuscrit de Port-Ebène (Grasset). A cette carrière de brillante romancière, s’est ajoutée celle de biographe qui a été couronnée en 1987 par le Grand Prix de la biographie de l’Académie Française pour son Romain Gary (Mercure de France). Ses Vies extraordinaires des sœurs Heredia (Lattès, 1989) recevront quatre prix littéraires. En 2000, Berthe Morisot, (Grasset) Prix Bernier de l’Académie des Beaux-Arts. Deux ans plus tard, Dominique Bona reçoit le Prix Prince Pierre de Monaco pour l’ensemble de son œuvre. En 2012, Prix Littéraire Spécial Simone Veil pour Deux sœurs Yvonne et Christine Rouart, muses de l’impressionnisme. Une carrière magnifique dont le Divine Jacqueline (Gallimard, 2021) est la toute dernière œuvre. Et pourquoi ne pas décerner un douzième prix littéraire à cette onzième biographie ?

Ajouter un commentaire

Plain text

  • Aucune balise HTML autorisée.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.
Ils viennent de sortir

Ils viennent de sortir