La vrai gloire est ici

François Cheng ré-enchante le monde
De
François Cheng
Editions Gallimard
Notre recommandation
4/5

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Lu / Vu par Culture-Tops

Thème

Il s’agit bien ici de poésie ! Même si le titre du recueil s’apparente à un manifeste, à une injonction, à une énigme philosophique. François Cheng n’est pas très à l’aise dans les catégories car sa prose est poétique et sa poésie, traduction limpide du flot de sa conscience. Le poète qui aime fixer des vertiges parvient à créer une œuvre en abyme où les mots-signes-sens se répondent comme les instruments d’un orchestre qui aurait une dimension cosmique. Il mêle l’intime à la totalité du monde qu’il embrasse de toute sa clairvoyance et avec toute sa présence.

Sa pierre philosophale c’est la chasse aux « épiphanies », ces moments de rêve éveillé vécus dans une plénitude absolue et qui font advenir des instants de vérité inouïs.

Sa pensée qui se fait don et accueil à travers les saisons, le soleil, les oiseaux ou les nuages, est comme touchée par une grâce franciscaine.

Mais une fois l’innomé nommé, et comme les rivières retournent à la mer, c’est dans un espace infini que le poète se retrouve au terme de l’accord parfait conclu entre lui, l’aimée et l’univers qui ne font plus qu’un.

Points forts

  1. La cohérence du recueil tient à la vision du poète qui, dans la longue ouverture. Par ici nous passons, balaie les possibles de sa présence au monde, d’une présence émerveillée. Ce monde qui dans la deuxième partie Lumières de la nuit, approfondit l’expérience de la séparation, conduisant à la mise en perspective du tout-Autre salvateur. Enfin la troisième partie, conclusive,Passion, est à la fois l’acmé de toute quête amoureuse et l’illustration d’une démarche de l’ordre de la Révélation.
  2. De très belles pages lorsque le poète voulant pointer telle expérience personnelle fulgurante, parvient à l’exprimer dans le jaillissement d'une nouvelle naissance. Avec force et douceur.
  3. Sa veine poétique qui s’enracine dans le Haiku oriental originel et qui pourrait nous égarer par le sens contraint de métaphores codifiées, jouit en réalité du renouveau que lui insufflent une fraîcheur et une jeunesse associées à une très grande sincérité.
  4. Il y a dans ces textes chargés de réminiscences un parfum que l’on goûte particulièrement. Certaines tournures de phrase ou choix de mots font apparaitre une complicité affectueuse avec Stéphane Mallarmé. Mais également avec d’autres poètes de la modernité qui témoignent eux aussi d’un accord avec le cosmos, pour peu qu’ils surmontent le sentiment tragique de l’existence.

Quelques réserves

  1. Peut-être parce que la succession des poèmes forme un long poème fleuve, un certain sentiment de ressassement se fait jour. Les mots s’usent à force de toujours resservir...
  2. Un recours persistant aux homonymes (cœur- chœur ; voie-voix, etc.) ainsi qu'aux paronymes confine à une posture que l’on n’est pas obligé de partager.
  3. Des poèmes non titrés et aléatoirement dédicacés font parfois nous interroger sur l’agencement le plus approprié de ceux-ci dans le recueil.

Encore un mot...

François Cheng, que j’avais découvert avec son roman L’Eternité n’est pas de trop, me confirme dans l’idée qu’il est un artiste et un homme remarquable. Sa pensée passée au feu de la double tradition orientale et occidentale établit une synthèse d’une grande richesse spirituelle. Assis entre le monde de la contemplation et celui de la révélation, le poète tend à épurer ses passions au crible d’une connaissance toute mêlée de compassion. François Cheng compte bien parmi ces esprits qui veulent ré-enchanter le monde, ce dont nous avons aujourd’hui plus que jamais besoin.

Une phrase

"La mort n’est point notre issue,

 

Car plus grand que nous

 

Est notre désir, lequel rejoint

 

Celui du Commencement,

 

Désir de la Vie."

L'auteur

François Cheng, né en 1929 dans la province de Shandong en Chine, est issu d’une famille de lettrés et d’universitaires. 

Il vit en France depuis 1948.Il a été naturalisé en 1971. 

Son prénom, François, il l'a choisi après avoir fait à Assise une expérience spirituelle décisive.

 

Universitaire, poète, calligraphe, traducteur en chinois de Baudelaire, Rimbaud, René Char, des Surréalistes, etc., il est auteur d’essais remarquables sur la poésie et l’art de la Chine. 

Il a reçu en 1998 le prix Femina pour son roman, Le dit de Tian-Yi, et le prix André Malraux du livre d’art pour Shitao, la saveur du monde. 

Son œuvre a été couronnée par le grand prix de la francophonie de l’Académie française. 

Il est le premier asiatique à être élu à l'Académie française,  en 2002.

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