Le revenant d'Albanie

Remercions Jean-Christophe Rufin qui nous offre un nouvel épisode des Incroyables  aventures d’Aurel Timescu, le seul membre du corps diplomatique français de nationalité roumaine. Une terreur des Ressources Humaines du Quai car il déploie un savoir-faire redoutable afin de ne rien faire. Le personnage est reconnaissable à des kilomètres grâce à sa tenue, celle qu’affectionnait le défunt Ceausescu. Ancien pianiste de bastringue, il adore jouer du piano et boire sans modération du vin blanc, du Tokay de préférence. Mais il possède aussi  un talent rare bien utile dans le monde diplomatique : il sait résoudre les affaires les plus troubles. Ce qui fait de  lui, de Maputo à Bakou, une véritable légende.

Ce jour-là, Aurel déjeunait  au Sénat  à l’invitation d’un sénateur auquel il avait rendu un précieux service. Ce  dernier plein de reconnaissance avait  décidé d’amener Aurel  à exercer des fonctions plus dignes de ses capacités. Face à cette proposition l’angoisse s’empara de lui, il haïssait les  responsabilités ; elles ne faisaient  pas partie de son plan de carrière.

Mais trois semaines plus tard il débarquait Tirana.  Ses craintes n’étaient pas fondées. L’ambassadrice, Mélanie, avait  déjà eu à faire à Aurel et l’appréciait. En tant que consul, il ne serait pas débordé. Deux  personnages semblaient jouir d’une certaine  influence.  Grobert, chargé de la sécurité, un ancien gendarme, qu’on ne voyait jamais  à l’ambassade car divers trafics l’occupaient. Il y avait également un certain Gaétan qui vivait lui dans le pays depuis des décennies. Il connaissait tous ceux  qui comptaient  en Albanie,  à telle enseigne que  nombre d’Albanais voyaient  en lui le représentant de la France. Tout se déroulait au mieux pour Aurel  le consul qui commençait à  s’ennuyer.  Mais bientôt, une affaire  allait le sortir de sa torpeur. A priori il s’agissait d’une  banale demande qui avait été adressée au consulat de France.  Un dénommé Marc Lumière avait été assassiné près de Chamonix. Or  cet homme était d’origine albanaise et  avait adopté  le patronyme de son épouse. 

Aurel sentit qu’il y avait  peut-être derrière  cette simple information  une histoire plus complexe. Grâce à la cousine de sa secrétaire,  il allait  obtenir plus  de détails. En réalité,  d’après un certificat, cet homme était décédé en Albanie en 1997. Il était marié et le père d’une fille issue de cette union. Le chargé de la sécurité de l’ambassade qui avait gardé des relations  dans la gendarmerie avait appris que l’assassinat de Lumière avait revêtu une forme assez étrange. Le meurtrier n’avait  pas  pris de précautions. Avant de  reprendre tranquillement sa moto, s’étant rapproché de sa victime, il avait  prononcé quelques  mots dans une langue inconnue.  Pour  Gaétan qui connaissait l’histoire du pays, il s’agissait d’un crime rituel, de ceux décrits dans le Kanun, un  code d’honneur  qui remonte à la fin du Moyen-Age. Même si des progrès substantiels dans  l’enquête  avaient été réalisés, l’affaire gardait encore bien des secrets. Pourquoi Marc Lumière avait-il été déclaré  décédé en 1997? Pourquoi n’était-ii jamais revenu en Albanie voir sa fille ?

Aurel  continuera sa quête. Il sera mis sur la piste d’un franciscain  qui avait prononcé la mort de Lumière. En Albanie « l’histoire était vivante ». Aurel  devra une fois encore risquer sa vie,  car le Kanun  est lui aussi toujours vivant.